Articles

Marques et emballages, un mariage de raison !

11/10/2018

À l’heure de la lutte contre le gaspillage alimentaire, conserver, c’est protéger, l’une des six fonctions de l’emballage. Pour autant, le cycle vie-fin de vie de ce dernier devra se faire beaucoup plus vertueux.

Février 2018 : comme chaque année, je passe un après-midi avec 25 étudiants d’une grande école d’ingénieurs pour leur parler d’emballage. Après une très courte présentation de mon propre parcours, j’ai pour habitude de démarrer par des questions auxquelles je les oblige tous à répondre, afin d’une part de « casser la glace », mais également de les « réveiller » après leur repas, fut-ce celui d’un resto U ! Cette année, je ne leur pose qu’une question : « À quoi servent les emballages ? ». Tous ont droit à plusieurs réponses, qu’ils vont écrire puis me donner afin de les rassembler au tableau. Levant le nez de leurs smartphones ou de leurs ordinateurs portables, ils se prêtent d’autant plus au jeu que la question leur paraît simple, voire simpliste. Une étudiante, à gauche au premier rang, se lance : « Les emballages servent à protéger et à transporter les produits ». Elle s’arrête aussi vite. Devant mon air interrogatif et ma main levée sur le tableau, elle insiste : « Bah oui quoi, à protéger et transporter ? », répète- t-elle en faisant des gestes avec ses mains en conque pour que je comprenne bien. OK, ensuite ? La suite s’avère difficile, très laborieuse même. Bon, vous achetez des produits et vous êtes tous des consommateurs, des utilisateurs. Pas d’autre idée ? Après moult relances, certains ajoutent un mot sur leur papier. Je leur arrache que oui, c’est vrai, l’emballage permet aussi de reconnaître le produit contenu et la marque qui le vend. Un dernier, qui avoue être allergique à certains ingrédients, ajoute que l’on peut y trouver des informations utiles sur la composition du produit contenu. Au total, ce test consommateur qualitatif mené sur une population certes restreinte mais équilibrée d’hommes et de femmes de 20 ans, plutôt bien éduqués, montre un résultat homogène et décevant : à part la protection et le transport des produits, les fonctionnalités des emballages leur sont inconnues ou presque. Pour ce qui concerne le cours qui va suivre, c’est une très bonne introduction, car je vais leur apprendre des choses et probablement les intéresser.

Pour ce qui est de la conscience de ce qu’est l’emballage pour un consommateur lambda, c’est tout à fait préoccupant. Préoccupant, mais parfaitement en ligne avecune étude consommateur de grande ampleur menée par le Conseil national de l’emballage (CNE)en 2006, qui avait donné à peu près le même résultat : protection et transport en majeur, information du consommateur et aide à la vente en mineur. Le constat est rude : personne ne sait vraiment à quoi servent les emballages. Ces derniers font partie intégrante de notre quotidien,mais, sauf exception pour leur fin de vie, tout se passe comme s’ils n’existaient pas. Dans mon livre L’Emballage, ce bel inconnu, je fais l’analogie avec notre corps : qui a conscience de ses genoux tant que ceux-ci ne lui font pas mal ou ne sont pas égratignés ?

Les six fonctions de l’emballage

Août 2018 : avec l’objectif avoué de faire de la pédagogie sur ce que sont les emballages, j’ai donc eu l’occasion, au CNE et dans le livre précédemment mentionné, de lister et définir les fonctionnalités fondamentales qui caractérisent les différents apports des emballages. Six fonctions essentielles se dégagent :

• La conservation des produits : consommer en toute sécurité quand on le souhaite.

• La logistique : transport, stockage, distribution, traçabilité des produits.

L’information des acheteurs, consommateurs, citoyens.

• L’utilisation des produits par le consommateur.

L’expression de la marque : la communication.

La performance économique.

Les trois premières sont les fonctions « obligatoires » d’un système d’emballage : conserver, protéger et transporter, tracer et informer. Ce sont celles qui assurent que le produit contenu va arriver sur le lieu de consommation avec le niveau de qualité requis, tant par le consommateur que par le législateur. Les trois suivantes participent également à la qualité du produit, mais elles sont éminemment variables en fonction de la marque et du canal de distribution associé. Prenons un exemple concret : je dois emballer deux vins issus d’une même cave, vendus l’un par une marque premier prix et l’autre par une marque premium, la composition des deux vins en matière de cépages et de vinification étant différente. La bonne conservation du produit dépend de sa composition intrinsèque et de ses caractéristiques physico-chimiques. Il y a fort à parier que le verre de la bouteille et le bouchon seront très proches. De même, les cartons d’emballage auront les mêmes résistances vis-à-vis des chocs dus aux transports. L’information sur les étiquettes devra respecter les mêmes exigences légales.

La différence viendra des trois fonctionnalités suivantes. La « capsule » qui vient au-dessus du bouchon pourra être simplement rétractée sur le col (premier prix) ou aisément pelable avec une prédécoupe et donc plus facile à ouvrir pour le consommateur (premium). La forme de la bouteille et le graphisme de l’ensemble flacon-capsule-étiquette seront plus ou moins sophistiqués en fonction du positionnement de la marque. Le mode d’industrialisation pourra également être différent en fonction des quantités produites (automatique pour le premier prix, semi-automatique pour le premium). Ces trois fonctionnalités engendrent des écarts de coût qui participent à la différence sur le prix de vente final.

Je ne vais pas faire l’injure aux lecteurs de La Revue des marques de leur parler longuement de la nécessaire cohérence entre l’emballage (que le consommateur voit et utilise) et la marque qui propose le produit. L’emballage participe activement à l’acte d’achat en grande distribution et à l’expérience consommation du produit chez le consommateur. Cette cohérence entre les valeurs de la marque et l’emballage des produits ne se limite bien sûr pas aux produits de consommation courante, le luxe obéit aux mêmes impératifs : pour prendre un autre exemple, l’emballage du premier iPhone d’Apple il y a maintenant plus de 10 ans était l’expression parfaite d’une marque se voulant unique, sophistiquée et surtout novatrice. Ouvrir la boîte en carton (blanc, brillant, épais et superbement « glissant ») nous faisait pénétrer dans un nouveau monde, dans un nouveau club : celui de la high-tech moderne.

La conservation des produits reste la fonctionnalité de base, celle qui émergea dès les temps antiques avec la nécessité de préserver denrées et récoltes.

Aujourd’hui, cela est devenu tellement normal pour les habitants des pays développés que nous oublions qu’un des piliers de la lutte contre le gaspillage alimentaire est tout simplement l’utilisation d’emballages. Et pourtant ! Nombre de pays en voie de développement gagneraient à utiliser autant d’emballages que nous afin d’assurer de quoi manger à toute leur population. Il est possible de passer rapidement sur les fonctionnalités « logistique » (celle que tout le monde reconnaît spontanément) et « information du consommateur » (que les législations européennes et françaises encadrent de façon stricte).

Une fonctionnalité est un peu oubliée à mon sens par beaucoup de marques : c’est l’utilisation du produit par le consommateur final. Le CNE a réalisé récemment un document intitulé L’Emballage pour tous les âges, et force est de constater que les produits sont principalement conçus pour des consommateurs dans la force de l’âge, à la vue parfaite. Dès que vous prenez de l’âge, l’ouverture du produit devient vite une difficulté. Si l’on se projette sur quelques années, le vieillissement des populations de nos pays va faire de ces consommateurs les plus nombreux d’entre nous. Le sujet est difficile, mais comme disait Sénèque, « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».

Demain ?

La place me manque pour développer l’aspect « performance économique », mais les concepteurs savent que créer un produit et donc un emballage dans un budget contraint est une lutte incessante, et ce sont au fil du temps les emballages les plus performants au niveau économique qui se sont imposés. La brique alimentaire dans les années 1970 pour le lait, le « bag in box » et le PET dans les deux dernières décennies, pour ne citer que quelques exemples. Au moment où nous vivons une double évolution « digital + Internet », de quoi demain sera-t-il fait pour les emballages ? Paradoxalement, cette révolution dans nos modes d’achat ne changera pas grand-chose dans la partie physique liée au couple produit-emballage. Les lieux de consommation étant distincts des lieux de production, il faudra toujours des moyens physiques pour amener le produit au consommateur. Cela me rappelle une anecdote vécue il y a quelques années : un congrès d’hôteliers s’inquiétait du fait que booking.com allait changer fondamentalement leur métier. Un intervenant visionnaire leur expliqua que rien ne serait changé, ils auraient toujours à construire des chambres, à les maintenir, à les nettoyer, à servir les clients, à faire tout le boulot en somme. La seule chose qui changerait est que booking.com allait leur prendre une partie de leur marge ! C’est pareil pour cette révolution digitale. Cela va tout bouleverser dans la relation marque-consommateur, mais il faudra toujours que l’emballage assure les fonctionnalités physiques décrites plus haut.

La seule vraie évolution importante que je vois à très court terme est que la fin de vie des emballages va devoir encore se faire beaucoup plus vertueuse. La pression politique et médiatique sur la pollution marine par les plastiques fragilise l’image de tous nos emballages, tout comme les dépôts sauvages de déchets, si visibles dans nos villes. On peut trouver cela injuste eu égard aux efforts déjà faits en France, et en Europe d’une façon plus générale, mais il faut malheureusement s’attendre à de nouvelles réglementations. L’utilisation de matières recyclées dès cette fin d’année, la renouvelabilité des ressources à moyen terme, autant de sujets délicats qu’il va falloir gérer. Nul doute que cela infléchira les politiques RSE de chaque marque et que cela impactera les futures créations de produits.

Pour accéder à l'article complet, cliquez sur Article au format PDF

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.