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Design et RSE, duo gagnant

12/04/2017

Il n’est de RSE effective sans écosystème cohérent. Le design vient donner l’harmonie nécessaire sans laquelle la RSE compatible est un leurre.

par Christophe Chaptal de Chanteloup,
Cabinet en stratégie et organisation CC&A, directeur de publication de Design

Dans son article « Mesurer l’attractivité et la pérennité d’une entreprise par son implication économique et sociétale »1 , Isabelle Macquart insiste sur le fait qu’une organisation s’impliquant dans une démarche RSE doit d’abord et avant tout réfléchir à satisfaire l’ensemble des parties prenantes de l’environnement dans lequel elle agit. Autrement dit, la démarche RSE consiste à bâtir des écosystèmes durables, la satisfaction des uns et des autres étant la meilleure garantie de pérennité. Dans ces conditions, il y a un avantage certain à utiliser le design pour concevoir et déployer ces écosystèmes durables, et ce pour deux raisons. Le design est, par essence, une démarche qui prend en compte l’ensemble des acteurs et leurs interactions lors de la définition d’un modèle économique. Nous sommes bien là dans un esprit d’écosystème. Deuxième raison : le design possède les outils de formalisation et de déploiement d’écosystèmes proposant des valeurs d’usage optimales. Or, plus la valeur d’usage est importante, plus l’attractivité est durable.

Cinq leviers

Dans cette optique, le design prend en compte cinq leviers afin de faciliter l’élaboration de modèles économiques d’écosystèmes « RSE compatibles » :

  1. L’émotion : l’attractivité spontanée que génère le modèle. Apple a longtemps été un champion en la matière. Dans un autre registre, Nike propose des offres qui jouent avec intensité le contenu émotionnel, comme la chaussure de basket Kyrie 3, à la fois esthétique et valorisante.
  2. La valeur d’usage : c’est le résultat que promet et réalise le modèle – à déconnecter de la notion de performance, qui n’est qu’une mesure chiffrée d’une des composantes de l’offre (par exemple, la vitesse de navigation sur un site d’e-commerce). Un stylo Bic offre un résultat optimal, en dépit de son aspect vieillot et rudimentaire ; la montre Casio G-SHOCK MRG-G1000B-1ADR est juste performante, en dépit (ou à cause) de ses (trop) nombreuses fonctions.
  3. La politique tarifaire : vaste débat ! Dans une optique RSE, la politique tarifaire est telle qu’elle permet à la fois la juste rémunération de chacun des maillons de la chaîne de valeur et, idéalement, un positionnement concurrentiel sur le marché… ce qui tient souvent de l’acrobatie impossible. Mieux vaut donc indiquer que la politique tarifaire est en lien direct avec la valeur d’usage : plus la valeur d’usage est forte, plus la politique tarifaire est susceptible d’être ambitieuse.
  4. L’excellence opérationnelle : revoici le fameux tryptique coût-qualité-délai, qui n’est pas autre chose que la capacité du modèle à se développer selon une impeccable logique de projet. Un écosystème « RSE compatible » est aussi un écosystème où les équipes projet sont organisées de manière que chacun des acteurs soit écouté et impliqué. Pas si courant…
  5. L’éthique : tarte à la crème des écosystèmes ! Rappelons qu’une éthique doit être claire, légitime et acceptable. L’éthique, ce n’est pas un slogan ou une posture de principe, mais la volonté permanente et absolue de satisfaire l’ensemble des parties prenantes, de la façon la plus vertueuse qu’il soit. Une éthique, c’est une philosophie de conduite.

Des écosystèmes comme Uber ou Amazon brillent sur les points 1, 2, et 4 : attractivité indiscutable, valeur d’usage maximale, excellence opérationnelle. Concernant le point 3 – la politique tarifaire –, si le client est avantagé, la composante de production est trop souvent pénalisée – conditions de travail difficiles, rémunérations tendues, etc. – ce qui vient « naturellement » affecter le point 5, l’éthique. Et ladite éthique devient franchement discutable d’un point de vue moral : il paraît quand même difficilement acceptable que la satisfaction de certaines parties prenantes s’accomplisse au détriment de certaines autres. Bref, les deux écosystèmes Uber et Amazon ne sont pas « RSE compatibles », ils sont juste… performants ! Alors, quels sont les écosystèmes « RSE compatibles » ?

Classement Reputation Institute

Le classement réalisé en 2016 par le Reputation Institute place Rolex à la première place, en France, des entreprises les plus réputées pour leur RSE. Pour s’en assurer, analysons cette marque en utilisant les cinq leviers du design dont nous avons parlé :

  1. Émotion : indiscutable et durable. L’univers Rolex est à la fois valorisant et rassurant.
  2. Valeur d’usage : le service rendu est optimal et la durée de vie du produit paraît quasiment illimitée.
  3. Politique tarifaire : ambitieuse et permettant d’allouer des enveloppes conséquentes aux rémunérations et aux conditions de travail.
  4. Excellence opérationnelle : compte tenu de la qualité de l’ensemble de la chaîne de valeur, il ne fait aucun doute que le sujet est bien dominé !
  5. Éthique : recherche maniaque de la perfection et actions soutenues de mentorat artistique afin d’aider l’éclosion de jeunes talents.

Il semblerait effectivement que Rolex, après rapide analyse, soit un écosystème « RSE compatible ». Bien sûr, on pourra toujours arguer que l’aisance financière facilite la démarche RSE, et qu’il est toujours plus facile de faire le bien quand on est riche, mais enfin… Rolex a le mérite d’avoir construit un écosystème harmonieux. Et c’est bien cette notion d’harmonie que je souhaiterais in fine retenir pour jauger de la maturité d’un écosystème en termes de RSE : plus l’harmonie est grande, plus le niveau RSE est élevé. En d’autres termes, le design est l’outil adéquat permettant d’établir un climat d’harmonie optimal au sein d’un écosystème. Ce qui revient à souligner que le design, en matière de RSE, ne doit pas seulement être appréhendé comme une posture vertueuse ou une démarche principalement orientée vers l’éco-conception, mais comme la réponse à la volonté forte d’établir des modèles économiques attractifs, pertinents et durables. C’est-à-dire harmonieux… D’où la formule : design = écosystèmes harmonieux = écosystèmes RSE compatibles !

Notes
(1) 
Les Echos du 9 octobre 2015.

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