Bulletins de l'Ilec

Responsable et solidaire - Numéro 474

25/06/2018

L’investissement socialement responsable doit prospérer sans marginaliser le financement émergent des projets là où l’État est défaillant. Entretien avec Éva Sadoun, cofondatrice de la plateforme d’investissement participatif Lita.co1

L’actionnariat connaît-il en France une évolution dans le sens de la prise en considération des enjeux sociétaux ?

Éva Sadoun : Oui, et Lita.co est une expression de cette évolution, car il y a une volonté des particuliers de reprendre le pouvoir sur leur argent et leur épargne. La croissance de la finance solidaire le prouve, avec, selon le dernier baromètre Finansol2 (qui labellise les produits finançant les investissements solidaires), 13 milliards d’encours en finance solidaire et un milliard collecté en 2016. Cela représente 0,2 % du patrimoine français, un chiffre encore faible mais amené à croître. Côté investissements socialement responsables, les chiffres avoisinent 140 milliards en 2017. Qu’il s’agisse d’actionnariat coté ou non coté, les particuliers manifestent le souhait de prendre en compte les enjeux sociétaux et environnementaux. Ils veulent être sûrs que leur argent financera l’économie, ne détruira pas la planète et sera en adéquation avec leurs valeurs sociales.

Quelle est la typologie de cet actionnariat ?

E. S. : Il est assez divers. Il a entre 30 et 80 ans, et dans 80 % des cas il découvre les produits d’épargne solidaire. Il compte aussi bien des anciens assujettis à l’ISF que des « millennials » qui ne veulent plus passer par les banques et souhaitent être acteurs de leur épargne.

Vous avez parlé d’« actionnariat bienveillant ». Y a-t-il dans le rapport Notat-Senard des mesures propres à l’encourager ?

E. S. : Ce rapport souligne l’intérêt du financement responsable, catalyseur de l’économie sociale d’intérêt général, il vise à encourager un investissement socialement responsable, pour conduire les entreprises cotées vers de meilleures pratiques. Il y a une deuxième famille du financement responsable, regroupée sous la finance solidaire, qui mérite aussi d’être, car elle permet de financer les secteurs marqués par des défaillances de l’État, comme l’insertion ou le logement. Il appartient au gouvernement d’agir dans ce sens, or il a encore un point de vue très institutionnel sur l’épargne solidaire, alors que les deux logiques devraient être encouragées.

Le financement participatif répond-il particulièrement au positionnement d’entreprises à « objectifs sociaux ou environnementaux » ou à mission ?

E. S. : Il y répond totalement, car les particuliers se sont désintéressés de la finance, ils la comprennent trop peu. Du fait de la financiarisation, moins de dix pour cent des transactions financières sont dirigées vers l’économie réelle. Le financement participatif offre une traçabilité en termes d’impacts sur l’emploi, par exemple. Cela rend la finance transparente et la simplifie.

Ce mode de financement séduit-il des investisseurs qui privilégiaient l’assurance vie et le livret A ?

E. S. : Oui, la France est championne en assurance vie et en livret A, qui absorbent la grosse majorité de l’épargne. Elle craint les placements volatils et opaques. Aujourd’hui, les épargnants se voient offrir la possibilité de comprendre où va leur argent, sa finalité en termes de création de valeur sociale. Cela crée une nouvelle catégorie d’investisseurs durables, or l’entreprise de demain, c’est l’entreprise durable. Cela dit, il faudrait combiner l’approche directe et l’approche rassurante de l’assurance vie. C’est pourquoi Lita a engagé une démarche d’accréditation auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, Banque de France), pour distribuer des produits d’assurance vie solidaire.

1. Marque de la société 1001Pact, https://fr.lita.co/fr.
2. https://www.finansol.org.

Propos recueillis par J. W.-A.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.