Bulletins de l'Ilec

Mieux et plus vite - Numéro 476

25/09/2018

Sélection d’une offre, rentabilité d’une campagne, position d’une marque, l’algorithme gagne en efficacité. Pour autant, il est difficile de mesurer sa contribution à la marge. Entretien avec Frédéric Cavazza, associé fondateur de Sysk, agence de transformation digitale1

Pour le marketing, l’intelligence artificielle est-elle surtout attendue à propos des données personnelles du consommateur final ?

Frédéric Cavazza : Non, car le marketing est une discipline qui repose exclusivement sur la donnée, pas sur l’intuition. C’est la raison pour laquelle IA et marketing sont liés : plus il y a de données, plus les analyses sont intéressantes. Il est possible d’exploiter tout type de données, notamment des données rendues anonymes, qui peuvent être très utiles à des fins statistiques. Par exemple pour comprendre la fluctuation du trafic piéton devant un magasin, pour évaluer les performances d’une application mobile ou d’un site en ligne.

L’aide artificielle à la décision a-t-elle un rôle important dans les relations interentreprises ? Faut-il par exemple des algorithmes pour sélectionner les bons éditeurs de solutions marketing ?

F. C. : On s’excite beaucoup sur l’IA, mais cela fait plus de vingt ans que cela existe, avec les systèmes experts qui sont des outils d’aide à la décision. On ne les appelait pas comme cela, mais ils existaient, ils se sont perfectionnés avec l’apprentissage automatique. Dans les relations entreprise-consommateurs, on pourrait envisager un robot qui aiderait les acquéreurs d’un bien immobilier à le rénover, en précisant leurs besoins à travers une conversation en langage naturel, en les formalisant dans un cahier des charges, en l’envoyant sur une place de marché pour le soumettre à des entrepreneurs. Le service récupérerait les réponses, les comparerait (en étudiant les prix, les prestations, les avis donnés sur les entrepreneurs) et sélectionnerait la meilleure offre… Dans les relations interentreprises où les enjeux sont plus importants, les IA peuvent être très utiles pour soulager un acheteur de tâches laborieuses.

L’IA rendrait le marketing plus efficace en le débarrassant de tâches répétitives ?

F. C. : Oui, mais ce n’est pas tant que les tâches soient répétitives que le volume des données, qui augmente tous les ans : seule une IA peut absorber ce surplus de travail, un humain n’a plus le temps, compte tenu de la vitesse à laquelle il doit réagir. Dans l’optimisation pour les moteurs de recherche, les enchères sur mots clés se font presque en temps réel. Bien positionner une marque avec des mots clés requiert des temps de réponse très faibles ; seule une IA réagissant au dixième de seconde, pour augmenter ou baisser l’enchère, permet de gagner en performance ou en coût.

Qui regarde la pub en ligne, à part les robots ?

F. C. : Personne ! Il y a un phénomène naturel de cécité devant les bannières, un mécanisme de défense du cerveau contre des agressions sensorielles : si une personne est dans un environnement bruyant, la nuisance sonore va réduire avec le temps, car le cerveau va masquer le bruit pour minimiser la gêne. Même phénomène avec les agressions visuelles : si la personne pratique internet depuis des années, son cerveau va masquer les bannières et elle ne les verra plus. Un tiers des internautes ont des bloqueurs de bannières et quand les bannières sont affichées on n’y fait plus attention. Les bannières sont un produit publicitaire en voie de disparition, supplantées par les formats natifs2.

Quelqu’un a-t-il calculé la marge additionnelle qu’apporte l’IA ?

F. C. : Il existe des solutions qui exploitent des algorithmes d’apprentissage profond, pour obtenir un calcul de l’attribution précis. On se sert de l’IA pour calculer la rentabilité d’une campagne et de chaque support qui y a été utilisé. Pour autant, par rapport à ce qu’on faisait sans elle, il est difficile de calculer sa contribution à la marge additionnelle, car les paramètres changent d’une année à l’autre.

Avec l’IA, peut-on se dispenser des groupes de consommateurs ?

F. C. : Non, l’IA et les groupes de consommateurs sont complémentaires. L’objectif des études qualitatives est d’aller beaucoup plus loin sur le comportement des clients : leurs besoins, contraintes, motivations et freins. Les groupes de consommateurs permettent d’affiner la compréhension de la psychologie. Généralement, on détecte des tendances avec des études quantitatives et on va essayer de les comprendre avec les groupes.

1. www.sysk.fr.
2. Publicité intégrée à un fil d’actualité Facebook ou Twitter par exemple (NDLR).

Propos recueillis par J. W.-A.

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