Bulletins de l'Ilec

Rayonner sous l’ombrelle - Numéro 442

15/03/2014

La marque France répond à une attente à l’étranger, en même temps qu’à un besoin des acteurs nationaux à l’exportation. Entretien avec Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur (jusqu’au 2 avril)1

Définir un pays comme marque est-il un acte politique, engageant une profession de foi nationale ?

Nicole Bricq : C’est parce que notre production, malgré sa diversité et son inventivité incessante, se distingue par une même recherche de qualité, de geste précis, de valeur, mais aussi de capacité d’innovation, qu’il nous a semblé judicieux d’y apposer un nom. Avec la marque France, il s’agit de nommer une réalité que je perçois bien quand je me rends à l’étranger : nos biens et nos services emportent d’ores et déjà avec eux un je ne sais quoi qui fait que nous sommes attendus et demandés. Pour répondre à cette demande mondiale croissante, il faut être bien organisés et bien fédérés : la marque France y contribue.

 La marque France, nouveau ciment national ? Faut-il faire de chaque Français un ambassadeur de cette marque et un acteur de la compétitivité ? Est-ce la conscription économique ?

N. B. : Je dirais plutôt qu’il faut que nous soyons pleinement conscients de nos atouts et de nos capacités à réussir dans la mondialisation. Encore une fois, cela suppose d’aller en ordre à la rencontre de la demande adressée à notre pays.

 Comment le peuple du monde le plus porté à l’autodénigrement peut-il devenir un bon ambassadeur de lui-même ?

N. B. : Pour voir le verre à moitié plein, j’ai envie de dire que l’autodénigrement est aussi l’une des manifestations de l’exigence envers soi-même. Cela montre que la France est un pays ambitieux, qu’il ne se contente pas de ce qu’il est, qu’il sait qu’il peut toujours mieux faire. Les Français doivent simplement toujours garder en tête qu’ils ont de formidables atouts : la capacité d’innovation, le savoir-faire...

 La marque France est-elle surtout à l’exportation un outil à l’intention des PME, dont le manque de notoriété appelle une sorte de marque ombrelle (toujours le problème de taille qui les handicape en comparaison par exemple des ETI allemandes) ?

N. B. : Il n’y a pas que les petites entreprises qui adhèrent à la marque France, mais c’est vrai que notre politique de commerce extérieur met l’accent sur les PME et ETI, car nos grands groupes sont déjà très internationalisés. Les PME trouvent, en effet, un intérêt tout particulier à se placer sous une bannière commune, à mutualiser leurs moyens d’action à l’étranger, à démultiplier leur visibilité sur les marchés mondiaux au moyen d’une marque comme la nôtre. Il faut aussi noter que le nombre d’entreprises exportatrices est en hausse en 2013 dans toutes les catégories, pour atteindre 120 700 (au lieu de 119 200 en 2012). Surtout, le nombre d’ETI exportatrices, cœur de cible de ma stratégie à l’export, progresse de près de 2 %, pour s’établir à 4 100. Nous devons donc continuer à mettre en place un cadre favorable à leur développement international.

 En quoi la marque France se distingue-t-elle du made in France. Risque-t-elle d’entretenir la confusion entre un produit de marque multinationale fabriqué en France et un produit fabriqué à l’étranger sous une marque française ?

N. B. : Alors que se joue un nouvel acte de la mondialisation, dans lequel la France entend jouer un rôle de premier plan, il faut nous rendre à l’évidence : les chaînes de valeur sont internationales. Savez-vous qu’une voiture fabriquée en France comporte 40 % de pièces importées ? Par ailleurs, dans les deux cas que vous citez – produit de marque multinationale fabriqué en France et produit fabriqué par une filiale française à l’étranger – , l’activité des entreprises contribue à la richesse nationale, que ce soit à travers l’emploi ou les courants d’affaires générés par l’installation de nos filiales à l’étranger. Les critères d’adhésion à la marque France seront certes précisés, mais je ne vois aucunement pourquoi en exclure d’emblée une entreprise au nom du « 100 % français ».

 Faut-il un ministre du Marketing ?

N. B. : Si vous entendez par « Marketing » la capacité de faire valoir avec conviction et détermination nos atouts partout dans le monde, qu’ils soient économiques, sociaux, politiques, culturels ou que sais-je encore, alors je vous réponds que tous les ministres sont déjà à l’œuvre !

 Le ministère du Commerce extérieur va-t-il devenir ministère de la Marque France ?

N. B. : La marque France n’est qu’un aspect de ce dont s’occupe mon ministère. Il y a aussi la politique commerciale, la lutte contre la contrefaçon, l’amélioration des normes sociales et environnementales, en particulier dans les accords de libre-échange, l’accompagnement des PME et ETI à l’exportation...

 Si vous deviez choisir une effigie pour représenter la France et sa marque, ce serait une femme ou un homme ?

N. B. : Discuter du sexe de la marque France, c’est un peu discuter du sexe des anges… Je suis pour un logo fort et fédérateur.

 Verra-t-on des contrefaçons de la marque France ?

N. B. : Nous serons très vigilants, notamment avec les services douaniers, reconnus pour leurs performances, et dont les moyens d’intervention viennent d’être renforcés par une proposition de loi que j’ai soutenue au Sénat puis à l’Assemblée nationale.

 La marque France va-t-elle éclipser les marques régionales ou la toute récente « marque Paris »?

N. B. : La marque France est une marque ombrelle qui leur offre au contraire un vecteur supplémentaire, en leur permettant de bénéficier de son expansion sur les marchés mondiaux. Aussi des marques régionales comme « Paris-Région, source of inspiration » sont-elles l’expression de spécificités locales, dont la somme harmonieuse constitue la marque France. Elle est l’expression d’un lien de parenté et le gage d’une qualité que nous voulons faire valoir dans le monde, pour le plus grand bien de tout le monde. Là encore, c’est l’unité qui doit payer.

1. Propos recueillis le 28 mars 2014.

 

Propos recueillis par J. W.-A.

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