Bulletins de l'Ilec

Territoires mégadonnées - Numéro 478

15/01/2019

Une massification nationale des informations sur les ressources des entreprises pour repérer les synergies : les « animateurs ÉIT » seront des datamineurs. Entretien avec Marie-Christine Prémartin, directrice exécutive des programmes, Ademe

L’« écologie industrielle et territoriale » éligible à une aide publique, est-ce seulement des « boucles circulaires », ou aussi toute forme de mutualisation ou de synergie interentreprises susceptible de minimiser des impacts négatifs ?

 

Marie-Christine Prémartin : Le cœur de l’ÉIT est la création de synergies entre acteurs économiques que l’on peut effectivement classer sous deux formes : les synergies de substitution, où les déchets et les coproduits des uns deviennent les matières premières des autres ; les synergies de mutualisation, ou mise en commun d’équipements (par exemple d’outils de production) et de services (par exemple collecte de déchets). Au-delà de la réduction des impacts environnementaux que sont la pollution et la consommation de ressources, l’ÉIT apporte des bénéfices sociaux, avec la création ou le maintien d’emplois locaux, mais aussi économiques, sous la forme d’innovations techniques et d’économies pour les acteurs.

Comment les « animateurs ÉIT » sont-ils choisis et recrutés ?

M.-C. P. : Acteur crucial des démarches, l’animateur ÉIT est recruté pour ses capacités à mobiliser et à mettre en réseau différents acteurs d’un territoire, à faciliter et à accompagner la concrétisation de synergies, et à suivre, évaluer et pérenniser les démarches engagées. C’est l’organisme portant la démarche ÉIT sur le territoire qui recrute l’animateur et qui peut à ce titre bénéficier d’une aide de l’Ademe pour le financement du poste. Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un recrutement externe.

Sur le plan opérationnel, l’ÉIT suppose-t-elle une étude préalable des flux et des stocks de ressources, conduite par un acteur public ?

M.-C. P. : Si la méthode retenue jusqu’en 2014 consistait en un recensement exhaustif des flux des entreprises du territoire, celle développée depuis s’appuie sur la mise en relation directe des acteurs économiques, par l’organisation d’ateliers de travail. Ces ateliers sont l’occasion pour les acteurs de faire état des flux ou des ressources dont ils disposent, ainsi que de leurs besoins, tandis que les « animateurs ÉIT » du territoire concerné, qui supervisent la démarche, chercheront à identifier les synergies qui en émergent. Ces animateurs peuvent d’ailleurs être salariés de structures privées ou publiques.

Va-t-on vers une nomenclature nationale des données sur les flux d’entreprises ?

M.-C. P. : Exactement. Afin de faciliter l’identification de synergies, le réseau national Synapse1, impulsé et coordonné par l’Ademe, qui rassemble les acteurs de l’ÉIT, a récemment constitué un groupe de travail intitulé « Massification des données de flux : nomenclature et base de données ». Il œuvre à la publication d’une nomenclature de données de ressources d’entreprises, dont l’objectif est de devenir la nomenclature nationale de référence à utiliser par l’ensemble des acteurs de l’ÉIT en France.

Par la suite, une base de données nationale rassemblant tous les flux et ressources utiles pour les animateurs ÉIT pourrait être imaginée, permettant insi une démultiplication de l’identification de synergies.

La démarche ÉIT doit-elle être labellisée ?

M.-C. P. : La question de la labellisation n’est pas à l’ordre du jour côté Ademe. L’est par contre la nécessité de démontrer et d’objectiver à grande échelle les gains économiques et environnementaux associés à ces démarches. Beaucoup de signaux sont très positifs. Il nous faut maintenant travailler sur la consolidation de ces informations, afin que l’ÉIT puisse devenir un puissant argument d’attractivité économique pour les territoires, et ainsi s’inscrire davantage dans les priorités de l’agenda politique, au niveau tant national que local. Nous y travaillons également dans le cadre du réseau Synapse.

Des initiatives d’entreprises au niveau local en faveur de « mobilités douces » peuvent-elles trouver un soutien public, par exemple dans le cadre de l’appel à projets de l’Ademe « Vélo et Territoires » ?

M.-C. P. : L’appel à projets Vélos et Territoires vise à financer des études (par exemple pour la définition de schémas directeurs vélo), l’émergence de services vélo et d’animation territoriale. Il est ouvert aux territoires ruraux (pays, parcs naturels régionaux, communautés de communes rurales, communes rurales), aux périphéries des communautés urbaines ou des métropoles (deuxième couronne : établissements publics de coopération intercommunale, pôles métropolitains, communes...), et aux communautés d’agglomérations (plus particulièrement les EPCI qui ne font pas l’objet d’un plan de déplacement urbain obligatoire, ou ceux dont la ville la plus peuplée ne dépasse pas 100 000 habitants).

Ainsi les entreprises ne sont pas des bénéficiaires directs de cet appel à projets, mais elles peuvent être associées à un tel type d’étude. Des programmes de financement par les « certificats d’économie d’énergie »2 sont en cours d’élaboration qui pourraient être intéressants pour valoriser les actions des entreprises au niveau local, en termes de mobilités, notamment en faveur des mobilités actives.

1. https://www.reseau-synapse.org.

2. Créés par la « loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique » (« Pope ») du 13 juillet 2005, https://is.gd/ZJ6ZGF.

Propos recueillis par J. W.-A.

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