Bulletins de l'Ilec

Territoire en expansion - Numéro 478

15/01/2019

S’il a pâti de la perte de moyens des chambres de commerce, le pionnier français de l’ÉIT n’a pas revu ses ambitions à la baisse. Entretien avec Peggy Ricart, directrice d’Économie & Écologie partenaires dans l’action locale (Écopal)

Écopal est le pionnier de l’écologie industrielle territoriale en France, depuis 2001. Combien votre association compte-t-elle d’entreprises adhérentes ? De tous les secteurs du Dunkerquois, ou de quelques secteurs surtout ? De toutes tailles ?

Peggy Ricart : Écopal est une association sans but lucratif, qui compte à ce jour 110 structures adhérentes regroupant aussi bien des entreprises, des collectivités locales et des personnes de la société civile. Les entreprises sont au nombre de 103, mais elles ont été plus nombreuses. En 2006 la Chambre de commerce et d’industrie de Dunkerque est devenue partenaire d’Écopal par l’intermédiaire d’une convention ayant trait à la mise en place de clubs de zone. Écopal recevait alors une subvention de la CCI. Une majorité des nouvelles entreprises amenées par les clubs de zone n’étaient pas adhérentes d’Écopal, mais, pour 180 d’entre elles, utilisaient les services de notre association. Nous n’étions plus en lien direct avec elles, la chambre de commerce servant d’intermédiaire. Depuis le départ de la chambre de commerce en 2014, parce qu’elle n’avait plus les moyens de nous soutenir, nous sommes de nouveau en démarche continue de mobilisation et de prospection directes, car le niveau actuel de participants n’est pas satisfaisant.

La mission d’Écopal est d’écouter, d’identifier et de caractériser les besoins des entreprises et des collectivités locales, de leur permettre de nous signaler leurs flux sortants et entrants. Il nous revient de détecter des solutions par notre base de données et de faire adhérer les structures. Tous les secteurs du Dunkerquois sont concernés : nous avons des PME, des TPE mais aussi de grands groupes qui œuvrent aussi bien dans l’alimentaire, la peinture, la chaudronnerie, l’automatisme, la logistique, la chimie… Nous leur proposons un écosystème de bon sens (optimisation économique, réglementaire, logistique, environnementale).

Le « territoire du Dunkerquois » pertinent pour Écopal a-t-il changé dans son périmètre depuis 2001 ?

P. R. : Le réseau Écopal a été créé par les entreprises à Grande-Synthe, là où sont localisés et concentrés de grands sites industriels, sur la partie portuaire. Au début, Écopal était hébergé dans les locaux techniques de la mairie de Grande-Synthe. Puis en 2002 l’association est allée s’implanter dans la zone industrielle de Grande-Synthe Petite Synthe, très dense en PME, en TPE sous-traitantes de l’industrie, à la croisée des autoroutes vers Lille, la Belgique et Calais.

Le partenariat avec la Chambre de commerce de Dunkerque puis celle du littoral Côte d’Opale (CCI Littoral Hauts-de-France) nous ont ouvert les portes de zones d’activité, grâce à des clubs de zone, et nous sommes intervenus sur l’ensemble du bassin de la communauté urbaine de Dunkerque. Nous avons aujourd’hui des adhérents à Boulogne-sur-Mer, à 100 km de notre siège, ou à Lille… Nous n’avons pas de limite géographique. Notre ambition est de faire d’Écopal l’acteur incontournable dans la valorisation régionale de tous produits pour la région Haut-de-France.

Quels sont vos domaines d’action ?

P. R. : Nous avons quatre domaines stratégiques. Le premier comprend la collecte et l’exploitation de données. Le deuxième, l’accompagnement et l’expertise apportés aux entreprises et aux collectivités, pour les conduire à lancer des offres de services. Le troisième volet porte sur l’organisation et l’animation de réseaux, afin que la communauté entrepreneuriale soit pour ses membres le moyen d’échanger des informations. Nous organisons des ateliers techniques, des ateliers de bonnes pratiques, des conférences, des visites de sites, nous formons des étudiants. Nous sommes un représentant de la Région Hauts-de-France au comité national des acteurs de l’économie industrielle. Le quatrième volet porte sur le déclenchement d’actions de groupage avec des filières de déchets, par exemple, quand sont repérés des flux mutualisables. Nous détectons aussi des filières susceptibles d’être mises en œuvre.

Comment l’association Écopal finance-t-elle ses actions ? Quelle part y ont les aides publiques ?

P. R. : Avant le partenariat avec la Chambre de commerce, Écopal avait 50 % de fonds privés issus des adhésions des entreprises, et 50 % de fonds publics venant de la Région, partenaire depuis sa création, du Conseil général du Nord et de la Communauté urbaine de Dunkerque. De 2006 à 2014, nous recevions une subvention de la Chambre de commerce. Depuis, notre budget est financé à hauteur de 30 % par les cotisations, de 15 % par la Région, 15 % par l’Ademe, et 10 % par la Communauté urbaine. Nous mettons en place des prestations de services intellectuelles auprès de tous les acteurs souhaitant développer des projets pour aller chercher des fonds privés. Notre mot d’ordre est de déployer nos actions et de massifier les ressources. Nous travaillons beaucoup en sous-traitance extérieure, agences de communication, déployeurs informatiques, services juridiques…

L’ÉIT, pour Écopal, pourrait-elle s’étendre au-delà de l’environnemental, par exemple à des démarches de mutualisation de compétences visant le territoire en tant que bassin d’emploi ?

P. R. : Si nous mutualisons les compétences par exemple sur le plan de la logistique, nous n’avons pas développé de démarches de mutualisation de compétences sur le plan de l’emploi. En revanche, nous avons identifié un besoin dans la gestion des flux de l’immatériel, de brevets par exemple, dont certains pourraient disparaître ; il s’agit de permettre que ce flux d’immatériel puisse être utilisé par d’autres entreprises.

Y a-t-il eu des obstacles à des mutualisations de ressources dus au fait que des entreprises étaient concurrentes ? Ou par crainte de s’exposer à un soupçon d’entente en termes de droit de la concurrence ?

P. R. : Non, car les entreprises ne savent pas qui est dans le flux, et Écopal travaille avec un tiers prestataire. Du fait de la concurrence entre prestataires de services, de collecte de traitement de déchets par exemple, il peut parfois y avoir des tentations d’entente pour se partager des territoires, mais pas entre ceux qui nous signalent des flux.

Les chaînes de valeur ÉIT ont-elles eu à souffrir de chaînons venant à manquer ?

P. R. : Si le poumon du flux part, on peut en souffrir. L’enjeu pour nous est donc de massifier. Mais jusqu’à présent nous n’avons pas été confrontés à ce genre de problème.

1. http://www.ecopal.org.

Propos recueillis par J. W.-A.

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