Bulletins de l'Ilec

Éternelles questions du levier fiscal et des normes - Numéro 478

15/01/2019

Penser et agir à l’échelon territorial, oui, mais les démarches vertueuses qui s’y inventent ont besoin que soient levées certaines contraintes qui ressortissent au cadre réglementaire national. Entretien avec Céline Pizzimenti, conseillère d’entreprise à la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne

Combien l’association Roanne Territoire1 compte-t-elle d’entreprises adhérentes ?

Céline Pizzimenti : Roanne Territoire est une association qui regroupe la CCI Lyon Métropole et Roannais Agglomération dont l’objectif est d’animer des démarches de territoire sur le périmètre de l’agglomération, dont l’opération écologie industrielle, mais pas seulement. On ne peut donc pas parler d’entreprises adhérentes à Roanne Territoire. Le territoire, en revanche, compte environ seize mille entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité ; ce sont 58 000 emplois, dont 68 % dans les services.

Comment l’association finance-t-elle ses actions ? Quelle part y ont les aides publiques ?

C. P. : L’association Roanne Territoire a un budget cent pour cent public qui provient de la CCI Lyon Métropole, de Roannais Agglomération et de la Ville de Roanne.

Dans votre expérience, y a-t-il souvent des obstacles réglementaires à des démarches de boucles circulaires ou de mutualisation de ressources ?

C. P. : La mise en place des synergies qui touchent les déchets des entreprises souffre effectivement de la contrainte réglementaire, qui ne facilite pas les échanges. On peut aussi citer le droit du travail, qui ne facilite pas toujours les échanges de ressources humaines entre deux entreprises sans passer par un tiers (du type agence d’intérim par exemple). En dehors du réglementaire, les obstacles peuvent être divers, comme la difficulté à valoriser financièrement les démarches vertueuses.

Au-delà de ce qu’elle va pouvoir gagner (ou ne pas perdre) par l’économie réalisée sur ses flux, l’entreprise vertueuse n’en retirera par exemple aucun avantage fiscal. Peu de marchés publics, voire aucun, ne favorisent dans leur descriptif ce genre de démarche. En termes d’image, l’écologie industrielle territoriale n’est pas un sujet très poussé au niveau médiatique. Il est donc difficile de surfer sur les bonnes pratiques et d’en faire un avantage.

Quels sont les échelons administratifs le plus souvent sollicités pour lever les obstacles ?

C. P. : Dans les cas que je viens de mentionner, les instances qui devraient être en capacité d’apporter des réponses sont les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et la direction du travail. Mais, ayant pour rôle d’appliquer la réglementation, elles n’ont pas les réponses adéquates.

Cependant, conscient que l’économie circulaire est un modèle à développer, la Dreal a des correspondants dans les réseaux constitués pour être à l’écoute des évolutions. Les initiatives sont donc favorisées éventuellement localement, mais aucune cohérence nationale n’existe, la réglementation sur le sujet n’étant pas incitative.

Y a-t-il eu des obstacles à des démarches de mutualisation de ressources ou de compétences dus au fait que des entreprises étaient concurrentes ?

C. P. : Nous n’en avons pas encore eu d’exemple. Quelques cas remontent du national. Mais dans ce genre de démarche, les entreprises n’échangent que ce qu’elles souhaitent. Ce qui suppose qu’en dehors de ce qui fait leur valeur ajoutée, elles peuvent s’entendre. Les prix des matières premières peuvent représenter un obstacle. Quand le flux recyclé devient plus cher… Il serait donc nécessaire de créer un système incitatif sur les flux rebouclés.

Un des problèmes importants peut résider dans la confidentialité des informations qui pourraient être tirées des flux échangés. En chimie, le déchet de l’un devient rarement la matière première de l’autre. Si l’on remonte à l’origine, le manque d’écoconception des produits, qui pourrait anticiper la fin de vie ou le rebouclage des flux, est un frein important. Mais n’oublions pas qu’une entreprise, ce sont avant tout des hommes, et que par conséquent les synergies reposent également sur la bonne intelligence.

Et des obstacles dus à la crainte de s’exposer à un soupçon d’entente en termes de droit de la concurrence ?

C. P. : L’entente serait qualifiable dans la mesure où le métier des entreprises fausserait un marché. Nous sommes ici hors cadre.

Les chaînes de valeur ÉIT ont-elles eu à souffrir de chaînons qui seraient venus à manquer (retrait d’une entreprise pour une raison ou une autre) ?

C. P. : Cela peut effectivement être le cas. Dans des flux à plusieurs entreprises, si l’une venait à faire défaut, alors les synergies pourraient s’éteindre. Mais comme il est très rare que le flux échangé soit le flux unique (sécurisation oblige), l’impact sera limité.

1. Roanne Territoire travaille sur les filières structurantes du pays roannais : écologie industrielle, bois, viande, numérique, matériel roulant… (cf. https://is.gd/Wv9VRm).

ÉIT option déchets

Constitué par un partenariat du Centre de professionnalisation et d’innovation alimentaire et de la filière agroalimentaire locale avec la CCI Roanne-Loire Nord, Roannais Agglomération, le Pays roannais et l’Agence de développement économique de la Loire, Roanne Territoire a été lancé en 2010-2011 avec vingt entreprises dont dix de l’agroalimentaire. Il a été le cadre de dizaines d’initiatives d’intérêt industriel et d’esprit « circulaire » autour de deux actions majeures : études de flux et de faisabilité pour un projet de méthanisation des déchets agroalimentaires à la demande de plusieurs industriels du secteur ; valorisation des déchets plastiques avec une structure de l’économie sociale et solidaire locale pour collecter, trier et conditionner les déchets plastiques des entreprises partenaires. (Sources : CNFPT.fr https://is.gd/Wv9VRm ; cf. aussi « Mission Orée-DGCIS », https://is.gd/OCbG9h.)

Propos recueillis par J. W.-A.

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