Bulletins de l'Ilec

Editorial

Hotte aux emplois - Numéro 431

01/11/2012

Produire « en France » ou « français » ? Le premier terme ne semble pas répulsif, comme l’atteste la présence de Toyota à Valenciennes depuis 2001. En revanche, le second semble, pour l’informatique ou l’électronique, un extravagant défi, n’étaient la tablette Qooq ou l’ardoise Bic Tab. Et consommer français ? Cela relève, pour les mêmes secteurs, du parcours du combattant. La Toyota Yaris arbore le label Origine France garantie, et acheter une Renault peut signifier acheter étranger. Ah, la « France seule »… Avec la marque France, Arnaud Montebourg souhaite fixer un nouveau cap : « une stratégie partagée destinée à améliorer (…) la notoriété de nos produits (…), la qualité de nos services, l’image de notre industrie, notre capacité d’innovation ».

 

En 2010, l’Observatoire du fabriqué en France sonnait l’alarme dans sa première édition : la part française des produits fabriqués en France avait baissé de 75 à 69 % entre 1999 et 2009. Un changement de nomenclature Insee, modifiant le mode de calcul, conduisait la deuxième édition, début 2012, à faire état d’une progression de cette part, de 58 à 67 % entre 2008 et 2010. Progression également pour l’automobile puisqu’une voiture conçue en France contenait 53 % de composants d’origine française en 2008 et 69 % en 2010. On s’étonnera que cette part ait baissé dans la mode et le luxe, moins qu’elle soit stable dans l’agroalimentaire, mais plus qu’elle soit de 80 % dans les TIC – du fait que ce secteur regroupe avec l’électronique asiatique les services informatiques et les agences de communication, très peu délocalisés.

Maurice Allais, associant le déclin industriel de la France au libre-échangisme de Bruxelles depuis 1974, annonçait il y a trois ans1 une « croissance dramatique du chômage non seulement dans l’industrie, mais tout autant dans l’agriculture et les services ». Nous y sommes, et l’intensité de la crise relance le débat. Pour Robert Rochefort, produire en France est la « clé de voûte de notre capacité à redevenir exportateurs ». Cela paraît aller de soi, mais n’est pas si évident quand certaines entreprises disent produire en France alors que seule la dernière transformation y a été réalisée. Consommer français, note Yves Jégo, « peut sonner creux si [ce] n’est pas associé à l’emploi et à la fabrication locale ». Prenant l’exemple de l’automobile, Eric Fouquier observe que c’est « par l’image de l’Allemagne que Volkswagen vend ses modèles », tandis qu’une réputation que la France doit à toute autre chose qu’à l’industrie handicape les siens. Excepté les voitures en bois ? Les sondages annoncent pour Noël une vague d’« offrir français ». Croyons à l’augure de ce Père Noël !

1. « Lettre aux Français », Marianne n°659, 5 décembre 2009, http://ensmp.net/pdf/2009/Maurice%20Allais%20Lettre%20aux%20Francais.pdf

Jean Watin-Augouard

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