Bulletins de l'Ilec

L’invention du dialogue des ordinateurs - Numéro 403

30/09/2009

Aux origines de la standardisation des messages, première étape de la création d’un langage commun entre industriels et distributeurs, était un groupe créé par l’Ilec. Entretien avec Jacques de Pastors, coprésident de GS1 France et vice-président délégué de Vacances propres

L’Ilec a-t-il été le premier à s’interroger sur le sujet du code à barres en France ?

Jacques de Pastors : Sans doute, mais c’est une longue histoire. Dès le début des années 1960, l’Ilec et ses adhérents recherchent des solutions innovantes pour améliorer les performances de la chaine d’approvisionnement. Un voyage d’étude aux Etats-Unis, qui a permis de nombreux échanges avec le GMA (Grocery Manufacturers of America), fait très vite ressortir l’intérêt pour tous les partenaires – industriels, distributeurs, prestataires –, de recourir à la standardisation partout où cela est possible : outils logistiques (palettes), instruments promotionnels (coupons), échanges administratifs. De retour en France, les dirigeants de l’Ilec constituent un premier groupe de travail réunissant informaticiens et gestionnaires. Ils lui confient la mission de trouver des solutions de standardisation des messages et des échanges administratifs liés aux transactions (commandes, livraisons, factures, règlements...). L’animation de ce groupe de travail est confiée à Charles Chêne. Cette époque correspond au début de l’informatisation de la société et aux premiers ordinateurs. Mais on ne parlait pas encore de code à barres.

La France a-t-elle été pionnière dans l’établissement de normes d’échange ?

J. P. : Elle l’a été. C’est en 1966 qu’un groupe paritaire est né, lors d’un symposium à Marbella, porté par Jacques Pictet (IFLS), Etienne Moulin (Monoprix), Paul Appel (Ciba Geigy), François Dalle (L’Oréal) et d’autres. Ce groupe paritaire réunissait au départ une vingtaine d’industriels et une quinzaine de distributeurs, tous, bien entendu, volontaires. Il a été le noyau dur de ce qui allait devenir Gencod, aujourd’hui GS1 France. Ce groupe ad hoc avait pour objectif de standardiser les échanges administratifs, donc de codifier les entreprises et les articles, et cela de manière totalement décentralisée – alors que les Allemands, de leur côté, souhaitaient un système centralisé. Selon les règles communes alors établies, chaque entreprise code ses produits comme elle le souhaite. La deuxième étape de réflexion du groupe porta sur la structure des messages selon la nature des transactions.

Quelles difficultés ont dû être surmontées pour créer Gencod ?

J. P. : Le groupe informel se réunissait deux à trois fois par trimestre, chacun faisant état des particularités et des contraintes de son activité. Hachette par exemple, comme tout éditeur, était confronté au problème de l’office et des retours de livres, L’Oréal vendait non seulement dans les enseignes mais aussi chez les coiffeurs... C’est sur la notion de parité industriel-distributeur que les débats ont duré, les fabricants étant moins concentrés que les distributeurs. Fin 1972 la structure Gencod (« Groupement d’étude, de normalisation et de codification ») prendra sa forme définitive, avec les trois entités (Genfa, Gendi, Gencod) qui garantissent la parité de décision et de gestion entre industriels et distributeurs. Gencod eut pour premiers cogérants Jacques Picter (IFLS) et Charles Chêne (Ilec).

Et pour créer le langage commun ?

J. P. : Gencod créé, l’objectif fut de fixer un langage commun, une bible des utilisateurs, une notice technique, un mode d’emploi. Cela sera réalisé en 1976. Les premiers messages structurés sont alors disponibles, les premiers échanges standardisés possibles. C’estt la naissance du « langage Gencod ». Entre-temps, grâce à une technique américaine, le code à barres a pu naître, en 1974. Le standard européen EAN (European Article Numbering) est créé par douze pays européens. Gencod a joué un rôle éminent dans cette création. 

Quel a été le secret de la réussite de Gencod ?

J. P. : Après l’identification et la codification de milliards d’articles et des entreprises, il a fallu équiper les points de vente, ce qui a demandé une bonne dizaine d’année, et initier, former, informer les professionnels, et bien sûr informer les consommateurs. Le secret de la réussite repose sur le fait que Gencod, GS1 France aujourd’hui, a été créé par et pour les chefs d’entreprise, aussi bien pour l’apiculteur de la Corrèze que pour les grands groupes internationaux. Ce système, aujourd’hui commun à cent cinq pays, est accessible partout dans le monde. Les structures GS1 locales rendent les solutions GS1 accessibles à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Et demain ?

J. P. : Le champ d’action de GS1 ne se limite pas aux applications que nous venons d’évoquer. De nouveaux types de codes à barres sont disponibles pour des applications spécifiques, l’échange de données informatiques (EDI) en ligne se généralise, la dématérialisation des factures devient une réalité. La « synchronisation des données » est en bonne voie. Les standards pour l’identification RFID (étiquette radiofréquence) sont disponibles. On parle de lire le code à barres avec un téléphone portable et permettre ainsi « l’étiquetage étendu » : le fabricant informerait ainsi les consommateurs sur des thèmes plus larges en le renvoyant sur son site (avec quel type de vin accompagner un mets, quel produit est compatible avec telle allergie, etc.). Pour GS1, le champ d’action et de réflexion s’étend tous les jours, d’autant plus que de nouveaux secteurs d’activité manifestent leur intérêt pour les standards et les solutions GS1.

Propos recueillis par J. W.-A.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.