Bulletins de l'Ilec

Le droit des concentrations issu de la loi NRE : quand le législateur francise le droit communautaire - Numéro 328

01/10/2001

Une traduction partielle des règles communautaires en droit français.

LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS AVANT L’ADOPTION DE LA LOI NRE Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, le contrôle français des concentrations n’est pas né avec l’adoption de l’ordonnance du 1er décembre 1986. C’est une loi du 19 juillet 1977 qui a confié à la Commission de la concurrence (2) le droit de connaître des fusions en France. Elle était cependant peu efficace, car elle ne s’est prononcée sur ce point que huit fois en dix ans. L’ordonnance du 1er décembre 1986 a repris certaines de ses dispositions avec comme objectif d’assurer un contrôle plus efficace. L’INTRODUCTION D’UN CONTRÔLE A PRIORI OBLIGATOIRE DES OPERATIONS DE CONCENTRATION La loi NRE donne une nouvelle définition de la concentration, calquée sur celle retenue au niveau communautaire par le règlement n° 4064/89 du 21 décembre 1989. Elle abaisse aussi sensiblement les seuils de chiffre d’affaires au-delà desquels la concentration doit être notifiée. Selon l’article L. 430-1 du Code de commerce, une concentration est réalisée lorsque deux entreprises, auparavant indépendantes, fusionnent. Elle peut aussi résulter de l’acquisition, directement ou indirectement, du contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une ou plusieurs entreprises. Enfin, la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue également une concentration. La référence aux parts de marché des entreprises parties à la concentration est supprimée. À l’instar du droit communautaire, deux conditions cumulatives en termes de chiffre d’affaires doivent être réunies. Les entreprises concernées doivent réaliser un chiffre d’affaires total mondial hors taxes supérieur à 150 millions d’euros et au moins deux des entités concernées doivent comptabiliser un chiffre d’affaires total réalisé en France supérieur à 15 millions d’euros. Auparavant, les seuils de chiffre d’affaires étaient respectivement de 7 milliards et de 2 milliards de francs. Ces montants très élevés n’avaient plus lieu d’être depuis l’adoption du contrôle des concentrations à l’échelle européenne. Les seuils issus de la loi NRE sont, à l’inverse, fixés à un niveau très bas, ce qui fera tomber dans le champ d’application du droit français de nombreuses opérations qui autrefois échappaient au contrôle. L’opération de concentration doit être notifiée au ministre de l’Economie avant sa réalisation et dès que les parties sont engagées de façon irrévocable (article L. 430-3 nouveau). Un exemplaire du dossier de notification doit être adressé au Conseil de la concurrence. En principe, les concentrations de dimension communautaire sont exclues du contrôle, mais le renvoi d’une opération aux autorités françaises par la Commission de Bruxelles, en application de l’article 9 du règlement n° 4064/89, vaut notification. Les détails de la procédure de notification seront connus lorsque le très attendu décret d’application de la loi NRE sera publié. Ainsi, le nouveau mécanisme de contrôle des concentrations se rapproche de ce qui existe au niveau européen. Il s’en éloigne cependant fortement sur le plan de la mise en œuvre, le caractère politique du contrôle ayant été conservé. UN CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS TOUJOURS AUX MAINS DU POLITIQUE En fonction de sa complexité, l’opération peut être traitée conformément à une procédure dite simplifiée ou bien approfondie. Le recours à la procédure simplifiée évite un contrôle trop lourd vis-à-vis d’opérations qui ne soulèvent pas de difficultés majeures. Le droit français se rapproche ainsi du droit communautaire. Durant la première phase de la procédure, le ministre de l’Economie peut autoriser l’opération ou décider qu’elle n’entre pas dans le champ d’application du contrôle des concentrations, dans un délai de cinq semaines. Durant cette période, les parties ont la latitude de proposer des mesures correctrices destinées à remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération. Le délai de cinq semaines peut être prolongé lorsque la communication des engagements a été faite plus de deux semaines après la notification, afin de laisser au ministre le temps de se prononcer. Si le ministre ne se prononce pas dans le délai qui lui a été imparti, l’opération est réputée avoir été autorisée. S’il estime que la concentration est de nature à porter atteinte à la concurrence et que les engagements pris par les parties ne suffisent pas à y remédier, le ministre de l’Economie doit saisir le Conseil de la concurrence. C’est sur ce dernier point que la loi NRE tranche avec la pratique antérieure qui, dans sa lettre, ne faisait pas obligation au ministre de saisir le Conseil. Durant cette phase approfondie de la procédure, le Conseil doit rendre son avis dans un délai de trois mois. A cette fin, il examine si la concentration est de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par la création ou le renforcement d’une position dominante ou bien d’une puissance d’achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique. Il apprécie si l’opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Enfin, il tient compte de la compétitivité des entreprises concernées au regard de la concurrence internationale. La nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 430-6 — la référence à la puissance d’achat — vise directement les concentrations dans le secteur de la grande distribution, qui bénéficiaient jusqu’alors d’un a priori favorable. Il restera cependant à prouver l’existence d’une puissance d’achat, ce qui n’est pas chose facile, comme le montre la pratique française. Durant son enquête, le Conseil peut entendre des tiers en l’absence des parties à la concentration, ainsi que le comité d’entreprise. L’avis du Conseil est remis au ministre qui le transmet aux parties. Le ministre de l’Economie et celui chargé du secteur concerné doivent se prononcer dans les quatre semaines qui suivent l’avis du Conseil. Durant ce délai, les parties peuvent encore proposer des engagements destinés à remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération. Selon les termes de l’article L. 430-7, le ministre de l’Economie et, le cas échant, celui du secteur concerné peuvent interdire l’opération, par arrêté motivé, et enjoindre aux parties de rétablir une concurrence effective ou l’autoriser, en exigeant le respect de mesures propres à assurer une concurrence effective. Ils peuvent également obliger les parties à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Ils peuvent, enfin, autoriser l’opération, à la condition que les engagements proposés par les parties soient effectivement réalisés. En l’absence de décision prise dans les délais, la concentration est réputée avoir été autorisée. Une distinction est opérée, pour les sanctions pécuniaires, entre les personnes morales et les personnes physiques. Les personnes morales encourent une amende administrative de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France. Elle incombe aux parties qui auraient dû notifier l’opération (celle qui acquiert le contrôle, ou l’ensemble des parties en cas de création d’une entreprise commune ou de fusion). Cette somme peut être, le cas échéant, augmentée du chiffre d’affaires de la partie acquise. Pour les personnes physiques, la sanction maximale s’élève à 1,5 million d’euros. L’absence de notification, les omissions ou déclarations inexactes dans une notification, le non-respect des engagements et la réalisation de l’opération avant la décision du ministre justifient le prononcé d’une amende administrative. En l’absence de notification, le ministre peut, sous peine d’astreinte, enjoindre aux parties de déclarer leur concentration, à moins de revenir à l’état antérieur à l’opération. Les omissions ou déclarations inexactes dans une notification peuvent conduire au retrait de la décision d’autorisation. Les parties seront, dans ce cas, tenues de notifier de nouveau leur opération dans un délai d’un mois. À défaut, elles encourraient une amende administrative ou reviendraient à l’état antérieur à la concentration (art. L. 430-8). Les nouvelles dispositions sur les concentrations seront applicables aux opérations réalisées après la date de publication du décret d’application, attendue pour le mois de décembre 2001. (1) JORF du 16 mai 2001, p. 7776, (2) Remplacée en 1986 par le Conseil de la concurrence.

Vogel & Vogel, avec la collaboration d​‌’Anne de Beaumont

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