Bulletins de l'Ilec

ECR, pionnier de l’information partagée - Numéro 343

01/05/2003

Entretien avec Olivier Labasse, délégué général d’ECR France.

Depuis quand l’information partagée est-elle au cœur des préoccupations d’ECR ? Olivier Labasse : L’échange et le partage de l’information sont parmi les principes fondamentaux de l’ECR. Dès 1997, ECR France souligne dans son document de base le souci de « partager les informations pertinentes pour la conduite des projets ECR dans le respect d’une déontologie commune. » Nous avons précisé, il y a deux ans, l’esprit du concept, dans une charte des principes entre les directeurs généraux, partenaires de deux entreprises, en le formulant ainsi : « Nous nous engageons à nous fixer une déontologie de partage des informations et des données. » Le nouveau chapitre 3 des principes de fonctionnement d’ECR Europe porte sur l’ambition de « prendre des décisions fondées sur l’information » et souligne que « les pratiques ECR exigent des partenaires commerciaux d’échanger des informations afin de soutenir les décisions commerciales ». ECR Europe a également inscrit dans ses principes le souhait formulé par ECR France de « fixer des indicateurs de performance afin de vérifier si les projets sont en ligne avec les objectifs ». Au-delà des principes, quelles sont les actions menées par ECR ? O. L. : Nous avons créé, il y a un an, un groupe de travail, présidé par Hubert Patricot (Coca-Cola) et Michel Gallo (Système U), consacré à l’échange de données et au partage de l’information. Ce groupe de travail est la suite logique de la charte de principes des directeurs généraux élaborée sous l’égide de Thomas Derville (UBF Amora Maille) et Luc de Noirmont (Carrefour). Il entend passer de l’étape de l’échange à celle du partage : quand les acteurs décident, ensemble, d’utiliser au mieux les informations afin de construire des projets communs. Acheter ou vendre des informations est une chose, les partager pour les exploiter ensemble permet d’aller au-delà. Les informations à partager doivent servir dans le tableau de bord de la relation bilatérale industriel-distributeur. Elles doivent permettre de construire le projet commun destiné à répondre aux besoins des consommateurs et d’en mesurer les réalisations au regard des objectifs, tout en respectant, bien entendu, les lois de la concurrence. Concrètement ? O. L. : Nous avons créé un groupe de travail consacré au taux de service au consommateur en linéaire. Parallèlement, ECR Europe a lancé, il y a un an, un groupe sur le thème des données points de vente. Né en 2000, le groupe de travail français, qui a réuni soixante-six délégués de quarante sociétés adhérentes, a défini un processus « colla-boratif » en sept étapes, pour diminuer les ruptures, non pas dans la chaîne d’approvisionnement, mais au niveau du consommateur. En 2001, nous avons décidé de créer un nouvel outil de mesure. Nous disposions soit d’informations couvrant tous les hypers et les supermarchés, et deux cents familles de produits, sur des bases mensuelles, avec des observations par enquêteur, soit d’informations hebdomadaires et plus objectives, grâce au scanning caisse, mais seulement sur des échantillons de magasins. Afin d’avancer sur le cahier des charges du nouvel instrument de mesure, des opérations pilotes ont été engagées avec Cora et L’Oréal, Cora et Nestlé, Auchan et Lesieur, fondées sur des observations dans certains points de vente, matin, midi et soir, plusieurs jours dans la semaine. IRI a élaboré sur ce profil ECR un instrument de mesure du taux de service au consommateur à partir des lectures optiques en sortie de caisses, par jour, par produit et par magasin. Comment a évolué le projet ? O. L. : En 2001, les mesures de l’étude IRI-ECR portaient sur six enseignes, mille magasins, huit catégories et cinquante-neuf jours. Nous sommes passés à mille cinq cents magasins et douze catégories pour la période du 15 mai au 31 août 2002. À partir d’avril 2003, les mesures ne se feront plus par vague d’observations mais en permanence, et sur près de 2 500 points de vente. Pour la première fois, des industriels et des distributeurs travaillent en binôme sur des données communes provenant d’un tiers panéliste, qui a aujourd’hui un client d’un nouveau type, bicéphale. Comment passer de la méfiance qui présida longtemps aux relations industrie-commerce à la confiance ? Le changement de génération a-t-il une incidence ? O. L. : Je ne suis pas qualifié pour parler des relations industrie-commerce. ECR réunit des industriels et des distributeurs qui ont pris, à titre individuel, l’initiative de travailler ensemble en mettant le consommateur au centre de leur démarche. Pour vaincre les réticences, il faut fonder la relation sur l’équilibre, la réciprocité et le projet commun. L’évolution des mentalités se fera étape par étape, sur des cas concrets représentant des enjeux en termes de courant d’affaires, comme le taux de service au consommateur. Notre première étude transversale IRI-ECR a montré, en 2001, que les ruptures totales et partielles représentaient 14 % du CA, ce qui est loin d’être négligeable au regard des efforts développés pour la croissance des marchés ou la satisfaction des consommateurs. Signe positif, le projet français a été étendu à l’Europe. Quelles sont les autres actions concrètes ? O. L. : Nous travaillons actuellement, avec les panélistes, à l’amélioration de la qualité et de la robustesse des informations, afin qu’industriels et distributeurs disposent de données toujours plus cohérentes et fiables, et puissent prendre de bonnes décisions. Si le partage de l’information est sélectif, n’y a-t-il pas un risque de discrimination ? O. L. : Les conditions dans lesquelles les acteurs peuvent s’échanger des informations varient selon les pays. Il faut probablement distinguer ce qui est du ressort de l’achat ou de la vente de données, de ce qui relève du partage. Dans le premier cas, les données doivent être disponibles pour les demandeurs dans les mêmes conditions, et dans le respect des lois de la concurrence. Les informations utilisées dans le développement de chantiers bilatéraux sont régies par d’autres principes. Les partenaires sont libres de se choisir. Nous avons toujours proscrit le concept nord-américain de category captain, où l’un des acteurs mène le jeu par rapport à ses concurrents. Les pratiques ne doivent pas pouvoir être utilisées pour restreindre la concurrence. ECR Europe comme ECR France se sont engagés à ce que soit respectée une concurrence loyale. Plusieurs industriels ainsi que plusieurs distributeurs considèrent que, demain, la compétition se fera non plus sur la détention de l’information mais sur la qualité de son utilisation. Le niveau de professionnalisme de la filière va continuer à s’élever. L​‌’ESPRIT ECR ("EFFICIENT CONSUMER RESPONSE") ET L​‌’INFORMATION Les bonnes pratiques ECR demandent à chacun des partenaires commerciaux : - d’échanger des information afin d’étayer les décisions ; - de convenir d’une méthode commune, économique pour chacun des partenaires, pour collecter et échanger systématiquement la meilleure information possible d’une manière structurée ; - d’établir un système non discriminatoire et transparent pour évaluer l’information amenant à prendre toute décision commerciale. Tout échange d’informations entre partenaires commerciaux doit se faire dans un strict respect du droit de la concurrence en vigueur.

Propos reccueillis par Jean Watin-Augouard

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