Bulletins de l'Ilec

La guerre de religion et la guerre de la marque - Numéro 344

01/06/2003

Religion et violence : la différence chrétienne La violence est au cœur du message du Christ, n’en déplaise à la bondieuserie et… à Nietzsche. Cet état de violence spirituelle inauguré par Jésus est illustré par l’Évangile selon saint Luc : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il soit allumé ! Je dois être baptisé d’un baptême, et comme je suis oppressé jusqu’à ce que tout soit achevé ! « Pensez-vous que je sois paru pour donner la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division. Désormais, en effet, dans une maison de cinq personnes on sera divisé, père contre fils et fils contre père, mère contre fille et fille contre la mère, belle-mère contre sa bru et bru contre la belle-mère. » La Bible est remplie de faits d’armes et de guerres. Yahvé déchaîne sa colère contre Sodome. La question du Jihad est devenue obsessionnelle aujourd’hui. Mahomet a été chef de guerre. Il a trahi et massacré les juifs de Médine (cf. Michel Dousse, Dieu en guerre, Albin-Michel). La violence est au cœur des religions et, plus encore, à leur point de rencontre : de la conquête arabe, arrêtée à Poitiers, jusqu’aux Croisades (mouvement de retour), à l’expansionnisme turc, à la colonisation et à la décolonisation (re-mouvement de retour). Le choc des religions n’a d’égal que le choc intrareligions (Perses, Turcs et Arabes entre eux, chiites contre sunnites, réformés contre catholiques… avec les puritains américains qui voulaient purifier tout le monde par les armes). La lutte des différences n’a d’égal que le contrat mimétique (René Girard). À cet égard, le christianisme affirme sa différence : – refus de la résolution des conflits par la force (saint Pierre lors de la Passion, arrêté par le Christ lorsqu’il tire l’épée, avant de renier le Seigneur par trois fois, deux événements à relier) ; – dépassement de la logique sacrificielle, conçue comme issue au combat mimétique dans le meurtre du bouc-émissaire, par la Passion du Christ, dans le seul fait que la victime est innocente et consentante (Girard contre Dousse). Quoi qu’il en soit du dépassement de principe, l’expérience historique atteste de la permanence de la violence au cœur des religions, parce que les hommes reliés sont aussi des hommes enchaînés par le lien, ou incapables d’accepter les liens qui relient les autres entre eux (soit qu’ils diffèrent, soit qu’ils se ressemblent). Guerre de religion autour de la marque : l’exemple de No logo Si la marque, dupe du caractère du lien qu’elle propose, se prend pour une religion, elle s’expose à son tour aux horreurs des guerres de religion. No logo, l’ouvrage de Naomi Klein, contient : – Une critique souvent recevable. Sont dénoncés les excès de la communication des marques par le parrainage, l’envahissement du paysage audiovisuel ou urbain, la marchandisation des événements culturels ou sportifs. Plus gênante est la mise en cause du marketing comme élément de la désindustrialisation. Il n’y a guère à répondre à cela. Au contraire, le marché entend les messages de ce type et il saura en tenir compte s’ils sont adoptés par l’opinion. - Une critique inévitable. La critique va plus loin, lorsqu’elle affirme que la marque est non pas un élément parmi d’autres de la mondialisation, présentée comme déshumanisante, mais sa clef de voûte. C’est l’instrument de la domination de la société par le marché. C’est le lien marchand par opposition au lien social. Il a pour conséquence un « sentiment claustral de désespoir qui a été de pair avec la colonisation de l’espace public ». La marque dès lors n’est plus un lien, mais ce qui enchaîne. D’où un appel à la libération. - Une critique de principe. Si l’homme est enchaîné par la marque conçue comme totalitaire, il convient de lancer une guerre de libération, bien contre mal, « réclamer une solution de rechange citoyenne au règne international des marques ». La marque est le nerf du système, lequel est oppression. Il faut donc faire la révolution. Shell et le dictateur du Nigeria (Sani Abacha) ont partie liée. Le « carnaval des opprimés » les emportera ensemble. L’emphase et la violence ne doivent pas étonner : ils font partie du genre, s’agissant d’un phénomène qui, au-delà de l’idéologie, relève de la guerre de religion. Est en cause une conception non seulement de la société, mais aussi de son inconscient collectif, en relation avec une théorie du salut. José Bové, saccageant un Mc Donald, ne fustige pas seulement la « malbouffe », il attaque un temple de l’empire américain.

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