Bulletins de l'Ilec

Le droit de la consommation confronté aux moyens de communication modernes - Numéro 348

01/11/2003

Par le cabinet Vogel & Vogel, avec la collaboration d’Anne de Beaumont

L​‌’INFORMATION DU CONSOMMATEUR Information sur les prix L’article L. 111-1 du Code de la consommation oblige tout vendeur ou prestataire de services, avant la conclusion du contrat, à mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service commercialisé. L’article L. 113-3 dispose en outre que ces professionnels doivent, par quelque moyen que ce soit (marquage, étiquetage, affichage), informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l’Economie, après consultation du CNC. Le CNC, organe paritaire rassemblant les représentants des consommateurs et usagers et ceux des professionnels, a émis plusieurs avis à propos du contenu de l’information précontractuelle sur les prix. Dans son avis du 18 février 1997 sur la société de l’information (1), il a relevé que les informations fournies au consommateur ne sont pas suffisantes et ne lui permettent pas de disposer de tous les éléments pertinents pour effectuer un choix éclairé. Afin d’y remédier, il a proposé que l’identification du fournisseur constitue une mention obligatoire, devant figurer dans toutes les offres. Il a aussi demandé la définition, en concertation avec les professionnels, d’un ou de plusieurs indicateurs d’évaluation de la qualité de la prestation fournie, facilement compréhensibles par le consommateur. En matière de téléphonie, le CNC a émis un avis relatif à la terminologie à utiliser dans les factures et autres documents relatifs aux services téléphoniques(2). Dans un avis ultérieur(3), le CNC a communiqué aux professionnels la liste des documents qu’ils devront systématiquement mettre à la disposition du consommateur dans tous les lieux de vente, y compris sur les sites internet : une fiche d’information permettant aux consommateurs de connaître les caractéristiques essentielles du service et de comparer les offres ; la documentation tarifaire ; les CGV et un spécimen du contrat de souscription au service. Il a souligné que ces documents devaient être communiqués sur simple demande formulée par le consommateur. Enfin, dans un troisième avis(4), le CNC invite les professionnels à indiquer les principes généraux de tarification (prix d’accès, décompte du temps, utilisation du temps et tarifs) et le détail des offres (tarifs des abonnements, frais de mise en service…). Une mauvaise information tarifaire peut-être assimilée à de la publicité trompeuse, délit sanctionné par l’article L. 121-1 du Code de la consommation(5). Le TGI de Nanterre, saisi par l’UFC – Que choisir, a ainsi condamné les opérateurs Orange, SFR et Bouygues à supprimer les publicités par lesquelles ces opérateurs invitent le consommateur à « souscrire un abonnement à un forfait sans spécifier que la facturation est opérée par tranche de 30 secondes après la première minute indivisible »(6). Un fournisseur d’accès à internet a aussi été au cœur d’un feuilleton juridique très médiatisé en raison des imprécisions contenues dans ses offres promotionnelles. La société AOL avait offert une formule d’abonnement à internet « illimité tout compris (internet + communications téléphoniques) » à 199 francs par mois en offre standard et à 99 francs contre un engagement de vingt-quatre mois avec prélèvement automatique. Or AOL avait mis en place un dispositif – modulateur de session et timer– interrompant la connexion au bout d’une certaine durée (trente minutes seulement dans certains cas). Selon l’UFC, qui a intenté une action au nom de l’intérêt collectif des consommateurs, AOL s’est rendu coupable à la fois de publicité trompeuse, à l’égard des futurs clients, et de non-respect du contrat, à l’égard des abonnés à ce forfait. AOL a été condamné en référé par le TGI de Nanterre(7). Clauses abusives Aux termes de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, sont réputées abusives, et partant non écrites, les dispositions insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». L’article L. 131-2 place auprès du ministre de la Consommation une commission spécialisée dont les avis et recommandations, en principe, ne lient pas les juges. Mais ces derniers les suivent en pratique(8). En 1990, la Commission des clauses abusives a édicté une recommandation de synthèse « relative à certaines clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs »(9). A propos des contrats d’abonnement au câble et à la télévision à péage, elle a identifié les clauses permettant à l’opérateur de modifier la liste des chaînes annoncées sans information préalable ou encore celles prévoyant l’acceptation tacite des modifications de prix. Le prélèvement mensuel imposé comme unique mode de paiement a également été dénoncé(10). Certaines dispositions contenues dans les contrats de radiotéléphones portables ont été montrées du doigt en 1999(11) : l’acceptation par le consommateur des conditions générales de l’opérateur en plus de celles de son fournisseur, alors qu’elles ne sont pas jointes au contrat, l’affirmation que n’ont pas un caractère contractuel les informations et documents communiqués à l’abonné ou la carte de couverture du réseau, l’exonération de la responsabilité du professionnel en cas d’incident ou de perturbation, quel que soit le préjudice subi par le consommateur. Enfin, une récente recommandation vise les contrats de fourniture d’accès à internet(12). La Commission y dénonce un grand nombre de clauses. Certaines sont communes aux prestations de service gratuites ou payantes(13), d’autres n’ont été relevées que dans les contrats à titre onéreux(14). D’autres enfin sont spécifiques aux contrats d’abonnement à internet via le réseau câblé du fournisseur(15). Nombre d’actions en justice, intentées par des consommateurs ou des associations(16), ont abouti à la condamnation des opérateurs. Ainsi, l’UFC a obtenu la suppression de huit clauses contenues dans les contrats d’abonnement de la société SFR, dans leurs versions de novembre 1995 à septembre 1997(17). En février 2003, le TGI de Paris, saisi par une association de consommateurs, a condamné la société de vente par correspondance Père-Noël.fr pour utilisation de plusieurs clauses abusives(18), dont celle selon laquelle le délai de livraison fourni par Père-Noël.fr n’était « qu’indicatif et que le vendeur ne peut être tenu pour responsable en cas de dépassement de ce délai ». Facturation Les consommateurs ont eu parfois affaire à l’amnésie des opérateurs du câble, du satellite ou de téléphonie mobile quant à leurs obligations légales en matière de facturation. Si la question du mode de paiement des abonnements semble réglée, à la suite des prises de position de la Commission des clauses abusives, celle de l’obligation pour le professionnel d’adresser une facture en bonne et due forme au consommateur qui a fait appel a ses services se pose régulièrement. Il est en effet difficile d’identifier une obligation légale pesant sur le fournisseur en la matière. Nombre d’entre eux s’abstiennent donc d’un tel envoi. L’obligation de facturation édictée par le Code de commerce à l’article L. 441-319 n’est pas applicable dans les relations entre un professionnel et un non-professionnel. Cependant, aux termes de l’arrêté n° 83/50-A, « toute prestation de services (…) doit faire l’objet, dès qu’elle a été rendue et en tout état de cause avant le paiement du prix, de la délivrance d’une note lorsque son prix est supérieur ou égal à 100 francs », TVA comprise(20). Même si le prix de la prestation de service est inférieur à 15,24 euros, la délivrance d’une note, facultative pour le professionnel, est obligatoire si le client en fait la demande expresse. La note doit obligatoirement mentionner sa date de rédaction, le nom du client – sauf opposition de celui-ci – la date et le lieu d’exécution de la prestation, le décompte détaillé, en quantité et en prix, de chaque prestation et produit fourni ou vendu(21), et la somme totale à payer, HT et TTC. L’arrêté précise que le décompte détaillé est facultatif lorsque la prestation de service a donné lieu, préalablement à son exécution, à l’établissement d’un devis descriptif et détaillé, accepté par le client et conforme aux travaux exécutés(22). Enfin, s’agissant d’un droit dont bénéficie le consommateur, l’établissement d’une note ne peut faire l’objet d’un dépôt de garantie ou d’une quelconque demande de paiement. En matière de téléphonie mobile, l’arrêté du 1er février 2002(23) dispose que « toutes les prestations de services téléphoniques doivent donner lieu, avant paiement, à la délivrance gratuite d’une facture au consommateur ». L’article 2 de l’arrêté fournit la liste des éléments d’identification qui doivent obligatoirement figurer sur la facture. Celle-ci doit également comprendre des rubriques relatives aux abonnements, forfaits et options, aux consommations téléphoniques et aux services ponctuels ou occasionnels (art. 3 et suivants). L’arrêté pose également comme principe le droit pour le consommateur à demander gratuitement une facture détaillée (art. 10 et 11). Par ailleurs, l’article 11 de l’arrêté, applicable à partir du 1er septembre 2003, dispose que la facture détaillée devra comporter la durée réelle et la durée facturée de la communication lorsque ces dernières sont différentes. LA CONFORMITE DES BIENS ET DES SERVICES La question de la conformité des biens et services se pose particulièrement dans le cadre de transactions commerciales électroniques, mais les opérateurs de téléphonie ne sont pas non plus à l’abri de demandes de clients mécontents. Conformité lors de la livraison ou de la prestation Une ordonnance du 23 août 2001 a transposé en droit français la directive du 20 mai 1997 sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance(24). Elle assimile la vente sur internet à de la vente à distance. Le droit de rétractation de sept jours francs à compter de la réception des biens a été étendu aux prestations de services, autrefois exclues(25). Ce droit n’est cependant pas reconnu dans certains cas énumérés aux articles L. 121-20-2 et L. 121-20-4 du Code de la consommation : produits périssables, biens fabriqués sur mesure, disques compacts ou logiciels descellés, journaux et magazines, réservation de voyages… Un décret institue des sanctions pour violation de ces dispositions(26) : toute violation des articles L. 121-18 et L.121-19 du Code de la consommation, qui imposent la fourniture au consommateur des informations contractuelles et des garanties commerciales offertes, est punie d’une amende de 1500 euros, doublée en cas de récidive. Une directive sur la garantie des biens de consommation a été adoptée au niveau européen en mai 1999. Elle accorde un ensemble minimum de droits légaux aux consommateurs achetant des biens sur le territoire de l’Union, dont celui de renvoyer les produits présentant des défauts ou de demander leur réparation ou leur remplacement dans les deux ans suivant la livraison. Les États membres étaient tenus de transposer le texte avant le 1er janvier 2002. La France, entre autres, fait l’objet d’une procédure en manquement, intentée en juillet 2003 par la Commission devant la Cour de justice, pour non-transposition de la directive. Le cas du verrouillage des téléphones mobiles Dans un communiqué de presse de 1996(27), la Commission européenne indiquait avoir écrit aux fabricants et opérateurs de réseaux de téléphonie mobile pour leur demander de limiter l’utilisation du dispositif de verrouillage (SIM lock) installé dans les combinés. Ce système lie le combiné au prestataire de services. Il empêche par conséquent le consommateur qui a acheté un téléphone mobile de choisir ultérieurement un opérateur qui correspond mieux à ses besoins. Force est de constater que cet appel est resté lettre morte, d’autant qu’en France, aux termes d’un arrêté du 17 novembre 1998(28), un opérateur peut « faire activer, lors de la vente ou de la location-vente de terminaux, des logiciels ou des dispositifs empêchant ces terminaux de fonctionner sans adaptation préalable sur un réseau autre que le sien », sous réserve du respect de certaines conditions : l’abonné doit être informé de l’existence d’un tel mécanisme préalablement à son activation, l’abonné a le droit de demander à tout moment que ce mécanisme soit désactivé et l’opérateur doit communiquer systématiquement et gratuitement à l’abonné la procédure de désactivation du verrouillage à l’issue d’une période « ne devant en aucun cas excéder six mois à compter de la date de conclusion du contrat d’abonnement » (art. 2.3, chap II). C’est cette dernière exigence qui a fait l’objet d’une importante jurisprudence. Dans la plupart des cas, les opérateurs ont été condamnés à fournir le code de déverrouillage dans un délai fixé par le tribunal sous peine d’astreinte(29). Un jugement rappelle d’ailleurs que l’exigence posée par l’arrêté de 1998 est d’ordre public. Il s’agit par conséquent d’une obligation de résultat mise à la charge des opérateurs. Le non-respect de cette obligation justifie même, selon ce jugement, la résiliation du contrat d’abonnement en application de l’article 1184 du Code civil(30). LA NOUVELLE DIRECTIVE SUR LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR EN EUROPE Le problème de la loyauté des pratiques commerciales pour les consommateurs et les entreprises a été soulevé par la Commission dans un Livre vert(31). Les propositions qui y sont développées s’inscrivent dans le cadre de la « stratégie pour la politique des consommateurs 2002-2006 »(32). A la suite de ces documents, une proposition de directive a été adoptée en juin 2003(33). La Commission vise à clarifier les droits des consommateurs et à simplifier les échanges transfrontaliers. Le texte établit une interdiction unique, commune et générale des pratiques commerciales déloyales altérant le comportement économique des consommateurs. Ceux-ci bénéficieront de la même protection contre les pratiques commerciales déloyales et les professionnels malhonnêtes, qu’ils effectuent leurs achats dans un magasin local ou sur un site internet hébergé dans un autre État membre. Interdiction générale des pratiques commerciales déloyales La directive énonce deux critères généraux pour déterminer le caractère déloyal d’une pratique : elle doit être contraire aux exigences de la diligence professionnelle et elle doit entraîner une altération substantielle du comportement des consommateurs. La référence est le consommateur européen « moyen », « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ». La notion de diligence professionnelle existe dans la plupart des systèmes juridiques des États membres : il s’agit du degré de compétence et de soin dont fait preuve un bon professionnel, conformément aux normes de pratique commerciale généralement admises dans son secteur d’activité. Inventaire des pratiques trompeuses ou agressives La proposition de directive répartit les pratiques déloyales en deux catégories: les pratiques trompeuses et les pratiques agressives. Une pratique commerciale peut tromper par action ou par omission. Le texte ne dresse pas une liste exhaustive des informations qui doivent absolument être communiquées en toutes circonstances. L’obligation posée consiste surtout à ce que les entreprises n’omettent pas de communiquer aux consommateurs les informations substantielles dont ils ont besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause. La Commission a aussi fixé un certain nombre d’éléments devant être considérés comme les informations « matérielles » dont un consommateur a besoin avant un achat : les caractéristiques principales du produit, le prix TTC, les frais de livraison et l’éventuelle existence d’un droit de rétractation. La proposition de directive reprend les dispositions de la directive sur la publicité trompeuse et les applique à d’autres pratiques commerciales, y compris à celles qui sont postérieures à la vente. Enfin, la proposition décrit trois moyens par lesquels une pratique commerciale peut être agressive : le harcèlement, la contrainte et l’influence injustifiée. Elle prévoit d’appliquer des critères pour faire la distinction entre les pratiques agressives et la mercatique légitime (article 9 de la proposition). La proposition qui sera transmise au Parlement et au Conseil pour être adoptée via la procédure de codécision pourrait entrer en vigueur en 2005. (1) Avis du 18 février 1997 - BOCCRF du 21 février 1997. Cf. aussi Recommandations du CNC portant sur la rédaction d’un contrat de fourniture d’accès à internet aux consommateurs…, 23 septembre 1997, BOCCRF 30 octobre 1997. (2) BOCCRF 27 mars 2002, remplacé et complété par un avis du 1er juillet 2003. (3) Avis sur la fiche d’information concernant les caractéristiques essentielles de l’offre de service téléphonique fixe et mobile dans le cadre de l’information précontractuelle, 12 juillet 2002 (BOCCRF 21 octobre 2002). (4) Document tarifaire remis dans le cadre de l’information précontractuelle en matière de téléphonie fixe et mobile, 1er juillet 2003. (5) Aux termes de l’article L. 121-6 du Code de la consommation, la publicité mensongère est sanctionnée par les peines prévues à l’article L. 213-1 (emprison

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