Bulletins de l'Ilec

« Le consommateur n’est pas stupide » - Numéro 353

01/05/2004

Entretien avec Chris Scott-Wilson

Le mouvement antimarques a-t-il des spécificités dans le monde anglo-saxon ? Chris Scott-Wilson : Le mouvement antimarques ne se singularise pas selon les pays, puisqu’il est d’abord et avant tout une contestation des pays riches, de la zone luxury, selon le mot anglais. Les critiques sont les mêmes que vous alliez à Londres, à Rome ou à Paris. Quelles sont les causes du courant antimarques ? C. S.-W. : Ses racines sont à rechercher dans le mouvement de globalisation de l’économie et de mondialisation de certaines grandes sociétés dites multinationales, qui donne à croire que la vie des consommateurs-citoyens serait contrôlée. Les mouvements contestataires entendent donc réagir contre le pouvoir des grands groupes. Aussi la contestation de la marque n’est que le symbole, ce n’est pas la cause. Est-il fondé sur des dérives objectives, comme l’omniprésence ou l’arrogance de certaines marques ? C. S.-W. : Ce n’est pas vraiment leur présence ou leur discrétion qui est en cause. L’honnêteté conduit à penser que certaines multinationales ne sont pas toujours attentives aux préoccupations des gens, à la préservation de l’environnement, aux droits de l’homme. Il n’est donc pas surprenant de voir surgir des mouvements contestataires. Est-ce un mouvement iconoclaste, hostile à la surreprésentation de la marque ? C. S.-W. : Au sein d’une population, par définition hétérogène, les iconoclastes ont leur place, mais que je pense que dans la société européenne les iconophiles, en quête de produits de qualité, et donc de marques par essence visibles, sont plus nombreux. Le consommateur est-il manipulé ou est-il libre de son choix ? C. S.-W. : Contrairement à ce que certains pensent, le consommateur n’est pas stupide, ni manipulé. La diversité de l’offre commerciale lui donne une alternative et il arbitre en fonction de son pouvoir d’achat, mais aussi de la qualité des produits. On peut le tromper une fois mais pas deux ! Montrer du doigt McDonald’s n’a pas de sens, puisque le consommateur est libre d’aller chez Quick ou dans un restaurant traditionnel. Il vote avec ses pieds ! Le boycottage est-il fréquent dans le monde anglo-saxon ? C. S.-W. : On peut citer le cas du groupe Shell, dont les stations-service ont été boycottées en réaction au choix d’un naufrage volontaire d’une plate-forme pétrolière. L’action menée par Greenpeace a porté ses fruits, puisque Shell n’a pas coulé sa plate-forme et l’a démontée dans un port. Mais les exemples de boycottage sont plutôt rares. Le statut social s’exprime-t-il toujours à travers la marque ? C. S.-W. : Certains produits, comme l’automobile et les vêtements, sont le reflet d’un statut social. Mais il est d’autres raisons, comme la qualité, qui fondent l’achat d’une marque. Je suis personnellement hostile au logo figurant sur un vêtement, car il ne revient pas au consommateur de faire la publicité de la marque. Mais à chacun son choix !

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.