Bulletins de l'Ilec

Petit historique de la législation - Numéro 361

01/03/2005

STRUCTURE DU COMMERCE

Dans un avis du 14 mars 1985, la Commission de la concurrence a exclu du champ de la loi 77-806 du 19 juillet 1977, qui régissait le contrôle des concentrations, le rapprochement de centrales d’achat au sein de supercentrales : « Beaucoup, qui ne sont que des centrales de référencement, ne sauraient être regardées comme des concentrations. »

L’ordonnance du 1er décembre 1986 a tenté d’adapter les règles de contrôle au secteur de la distribution, avec un double seuil. Étaient soumises au contrôle les opérations impliquant des entreprises réalisant ensemble plus de 25 % des transactions nationales ou totalisant un chiffre d’affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition qu’au moins deux d’entre elles aient réalisé un chiffre d’affaires de 2 milliards. Au-dessous de ces seuils, une concentration n’était pas contrôlable (comme l’acquisition de Picard Surgelés par Carrefour : le chiffre d’affaires de Carrefour dépassait le seuil, mais celui de Picard se situait en deçà).

Après l’intégration de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dans le Code de commerce, la loi 2001-420 du 15 mai 2001 (loi NRE) a supprimé la référence aux parts de marché et a abaissé les seuils de chiffre d’affaires, les ramenant à 150 millions d’euros pour l’ensemble des entreprises et à 50 millions d’euros pour au moins deux d’entre elles. Aux termes de l’article 59 de la loi 2003-660 du 21 juillet 2003, les opérations de concentration concernant la création ou l’extension des grandes et moyennes surfaces sont soumises au droit commun lorsque l’opération a pour effet d’augmenter soit la surface de vente définie à l’article 720-4 du Code de commerce, soit la part de marché des entreprises soumises aux dispositions du même article au-delà de 25 % du marché (L. 720-4).

PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Pratiques relatives aux prix

Tout accord limitant artificiellement la liberté de fixation du prix est interdit, au titre de l’article 420-1 du Code de commerce ou de l’article 81 du traité CE lorsqu’il relève du droit communautaire. Ainsi, un fournisseur a ne peut imposer des prix fixes de revente, des prix minimum, ni même des fourchettes de prix. En revanche, le droit français et le droit communautaire autorisent les prix maximums et les prix conseillés. La prohibition est assortie d’une autre exception en droit interne : l’article 124-1-6 du Code admet l’adoption d’« opérations commerciales publicitaires ou non pouvant comporter des prix communs ».

Exemptions

Les autorités françaises se réfèrent expressément aux règlements d’exemption européens. A l’origine, la Commission européenne s’est efforcée de moduler les contrats de fourniture et de distribution, dans des règlements d’exemption par catégories, par le règlement 67/67 sur les accords d’exclusivité, puis par les règlements 83/83 et 84/83 relatifs aux accords de distribution et d’achats exclusifs. La jurisprudence européenne en matière de franchise (arrêt Pronuptia du 28 janvier 1986) a été remplacée par le règlement d’exemption 4087/88. La distribution automobile relevait du règlement 123/85, puis 1475/95.

Avec le règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999, la Commission a substitué un texte unique aux trois règlements et a étendu l’exemption par catégories à la distribution sélective. La distribution automobile demeure régie par un texte distinct. La franchise et les réseaux de distribution obligeant à une quasi-exclusivité sont soumis, en France, aux dispositions de la loi 89-1008 du 31 décembre 1989 (loi Doubin), qui régit les relations contractuelles (art. 330-3 du Code de commerce).

Pratiques individuelles

L’abus de puissance d’achat est traité par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, qui condamnent les abus mis en œuvre par les entreprises en position dominante. Cependant, ces dispositions sont difficilement applicables au commerce, car il faut apporter la preuve d’une position dominante sur le marché concerné et l’existence d’un abus. Or, dans ce secteur, la première condition fait défaut, aucun groupe ne détenant plus de 20 % du marché national. L’abus de dépendance économique avait fait l’objet d’un avis de la Commission de la concurrence du 14 mars 1985 : « en l’état du texte, la simple domination d’un partenaire commercial sur l’autre dans leur rapport bilatéral ne saurait être appréhendée sur ces bases ».

Dès la loi 85-1408 du 30 décembre 1985, la notion de dépendance économique a fait sont apparition en tant que motif d’aggravation des peines en cas de pratiques discriminatoires injustifiées (art. 37-1 de l’ordonnance de 1945). Puis l’abus de dépendance économique a été introduit à l’article 8.2 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. Il est maintenant posé à l’article 420-2 du Code de commerce, modifié par l’article 66 de la loi NRE. La prohibition des prix abusivement bas de l’article 420-5 du Code de commerce a été introduite par l’article 5 de la loi 96-588 du 1er juillet 1996 (loi Galland).

PRATIQUES RESTRICTIVES

Refus de vente

Le refus de vente a été rétabli comme délit pénal par le décret 53-704 du 9 août 1953, après avoir été supprimé en 1945. Le décret 58-545 du 24 juin 1958 précisa le dispositif d’interdiction en permettant le refuser des commandes ou des demandes de prestation de service dont les conditions n’étaient pas conformes aux usages commerciaux. Il prohiba aussi les conditions de vente discriminatoires habituelles non justifiées par des hausses de prix de revient. L’ordonnance du 1er décembre 1986 a transformé l’infraction pénale en délit civil, et la loi Galland a supprimé celui-ci, sauf en deux hypothèses pour lesquelles il demeure une infraction pénale : lorsqu’il est opposé à un consommateur et s’il y a discrimination tenant à la personne du demandeur.

Gestion des prix et revente à perte

Instrument de contrôle des prix sous l’ordonnance du 30 juin 1945, la facture est devenue, en 1986, le support de contrôle de la revente à perte. Depuis cette date, l’obligation de facturation s’applique à « toutes les activités de production, de distribution et de services » (art. L. 410-1 du Code de commerce). Le non-respect de ces règles est une infraction pénale fortement sanctionnée (L. 441-4). Introduite en France par la loi 63-628 du 2 juillet 1963 afin de protéger les petits commerces de détail traditionnels face à la puissance croissante des supermarchés, la prohibition a été consacrée à l’article 31 de l’ordonnance de 1986, selon lequel la base de calcul du seuil de revente à perte était la facture d’achat délivrée par le fournisseur. Celle-ci mentionnait le prix unitaire hors taxes des produits vendus et les rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente, quelle que soit la date de règlement de ces avantages.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 18 février 1991, avait autorisé les revendeurs à déduire du prix d’achat effectif les ristournes conditionnelles. La revente à perte a été redéfinie en 1996 par la loi Galland : le prix d’achat effectif est désormais considéré comme étant le prix unitaire figurant sur la facture, majoré des taxes et du prix du transport. Codifiée à l’article 442-4 du Code de commerce, l’interdiction de la revente à perte est pénalement sanctionnée. Deux types de faits justificatifs peuvent être avancés pour échapper à une condamnation : l’alignement sur les prix d’un concurrent et les circonstances particulières tenant à la nature des produits ou aux circonstances de la vente.

Non-discrimination

Infractions pénales avec le décret-loi du 24 juin 1958, puis avec l’article 63 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 (loi Royer), les pratiques discriminatoires ont été dépénalisées en 1986. La loi NRE a depuis multiplié les cas de discrimination (art. 442-6-1 et 2 du Code de commerce) et a mis en place la Commission d’examen des pratiques commerciales. Dans ce domaine, la circulaire ministérielle du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs (circulaire Dutreil) s’est substituée à la circulaire du 10 janvier 1978 (Scrivener) et à celle du 22 mai 1984 (Delors).

Délais de paiement

La loi du 30 décembre 1985 a complété l’article 37 de l’ordonnance de 1945 pour considérer comme illicite le paiement, par les entreprises commerciales, de leurs achats de produits alimentaires périssables et de certaines boissons alcooliques au-delà d’un délai de trente jours après la fin du mois de livraison. Trois articles de l’ordonnance de 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ont organisé les délais : les articles 31 et 33 définissaient les modalités par lesquelles les entreprises conviennent des délais de règlement de leurs transactions commerciales et l’article 35 imposait des délais pour l’achat de certains produits et rendait passible tout contrevenant d’une amende de 5 000 à 100 000 francs.

Le cadre législatif a été entièrement refondu par la loi 92-1442 du 31 décembre 1992. Elle a d’abord rendu applicables les dispositions de l’article 35 de l’ordonnance de 1986 aux producteurs et aux prestataires de services, afin que les filières entières et les centrales d’achat soient concernées par les délais de paiement maximaux. Elle a également quintuplé la peine d’amende. Elle a ensuite établi une liste de produits au délai de paiement plafonné. Finalement la loi Galland a soumis au délai de paiement de trente jours fin de décade les achats de viandes congelées ou surgelées et de poissons surgelés, et la loi 99-574 du 9 juillet 1999 a ajouté à cette liste les achats de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables. Ces règles sont maintenant codifiées à l’article 443-1 du Code de commerce.

Par ailleurs, les dispositions générales du Code civil relatives aux paiements restent applicables en l’absence des dispositions expresses du code (articles 1235 à 1264).

Promotions et soldes

La loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage avait été modifiée par la loi 91-593 du 29 juin 1991, dans des conditions conduisant à distinguer trois types de soldes : les soldes occasionnels, soumis à autorisation du maire ; les soldes périodiques ou saisonniers, non soumis à autorisation, et pouvant avoir lieu deux fois par an au plus pour des périodes ne pouvant excéder chacune deux mois, et dont les dates de départ sont fixées par le préfet de département, par référence aux usages ; les soldes permanents, non soumis à autorisation du maire, correspondant aux ventes effectuées par les commerçants faisant profession de revendre des marchandises neuves dépareillées, défraîchies, démodées ou de deuxième choix.

L’article 28 de la loi Raffarin a procédé à une simplification, en supprimant la notion de soldes occasionnels et de soldes permanents. Ses dispositions ont été précisées par le décret 96-1097 du 16 décembre 1996. Les soldes sont maintenant régis par l’article 310-3 du Code de commerce.

EQUIPEMENT COMMERCIAL

La loi Royer soumet à autorisation la création, l’extension ou la transformation des magasins de détail atteignant une certaine surface, restée inchangée jusqu’en 1996, même si la loi 90-1260 du 31 décembre 1990 a soumis au régime d’autorisation les créations ou extensions faisant partie ou destinés à faire partie d’un même ensemble commercial.

La loi Raffarin a abaissé à 300 m2 le seuil de l’autorisation, aussi bien des créations que des extensions de magasins, et en a simplifié le dispositif de calcul. Elle a soumis à autorisation des opérations jusque-là non concernées, telle que la création d’une station-service. Elle a inséré dans la loi Royer une disposition imposant que toute demande de création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente supérieure à 6000 m2 soit accompagnée des conclusions d’une enquête publique portant sur les aspects économiques, sociaux et d’aménagement du territoire. Par ailleurs, son article 30 a amorcé une réglementation des ventes réalisées par les magasins d’usine.

Anne de Beaumont

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