Bulletins de l'Ilec

MDD, le seuil critique - Numéro 371

01/04/2006

Par Olivier Géradon de Vera, vice-président d’IRI France

Ce n’est pas parce qu’au début du XIXe siècle il n’y avait pas d’autre marque que celle de l’enseigne du commerçant que, deux cents ans plus tard, il faudrait ramener le consommateur à un choix réduit à la marque du magasin. Etienne Thil, l’un des avocats de la marque de distributeur (MDD), qui compta parmi les protagonistes des « Produits libres », disait, il y a une quinzaine d’années, que le succès d’un maxidiscompteur dépendait essentiellement de son emplacement, c’est-à-dire de la possibilité que celui-ci permette au client de trouver dans les magasins voisins les marques et les variétés absentes de son maxidiscompte. Après la parenthèse ouverte par la loi Galland et devant le spectre d’une guerre des prix renaissante entre enseignes, qui concernerait les marques, seules valeurs de référence pour les consommateurs, beaucoup des distributeurs sont tentés par le repli sur la MDD, valeur refuge. Grâce à une offre agressive en produits premiers prix, les enseignes de grandes et moyennes surfaces (GMS) classiques ont enrayé la progression des maxidiscompteurs en 2005. Grâce à ces îlots de perte que sont les produits premiers prix, ils ont augmenté les profits tirés des MDD. Mais cette stratégie est-elle la plus opportune ? Pour en apprécier la pertinence, il faut revenir à quelques idées simples. L’enjeu commercial majeur, pour un distributeur, réside dans sa capacité à attirer les clients vers ses magasins. Cet élément est le principal facteur de l’augmentation de son chiffre d’affaires, donc de sa part de marché, dans un parc de GMS stable. La fréquentation des magasins par les consommateurs peut se mesurer par le nombre moyen d’actes d’achat effectués par semaine (1). Pour tenir compte de la diversité de l’offre, d’un point de vente à l’autre, ce nombre moyen est rapporté à celui des références offertes. L’indice de fréquentation ainsi constitué est-il affecté par l’importance plus ou moins grande de l’offre en marques propres ou produits premiers prix ? C’est à cette question que nous tentons d’apporter une réponse objective. L’analyse croisée des performances mesurées par l’indice de fréquentation et de la part d’offre de MDD, dans l’assortiment de 2 674 magasins de GMS, livre une réponse sans ambiguïté. Pour les supermarchés, qu’ils soient grands ou petits, le constat est sans appel. En se fondant sur un indice de fréquentation moyen de 100, on obtient (cf. tableau) des indices relatifs par magasins, regroupés selon l’importance de leur offre de MDD. Ces indices relatifs de fréquentation montrent qu’une offre trop large de produits à marque propre est contre-productive : elle est corrélée quasi uniment à une baisse de la fréquentation. En hypermarchés, l’analyse, parce que plus contrastée, est encore plus intéressante. Pour les petits hypermarchés (surface inférieure à de 6 000 m2), la tendance a d’abord même allure que pour les grands supermarchés (cf. tableau) : les indices baissent de 121 à 87, avec l’augmentation de la part des MDD. Mais dans ceux où cette part est, en gros, supérieure à 20 % , l’indice de fréquentation remonte (à 96 et 99). Un examen plus détaillé de ce groupe de points de vente révèle qu’ils sont également ceux où le nombre total de références est le plus élevé. Ainsi, quand l’offre de MDD ne nuit pas au référencement de marques de fabricants, l’attrait des magasins reste correct, et l’effet contre-productif d’une part élevée de MDD est presque annulé. Cette analyse est confirmée dans les grands hypermarchés (surface supérieure à 6 000 m2). La meilleure fréquentation (indices 125 et 116, cf. tableau) concerne les magasins qui se caractérisent par le nombre global le plus élevé de références, même s’ils consacrent une part importante de leur assortiment aux MDD (environ 20 % ). A cette condition, la forte présence des MDD ne nuit pas à celle des marques de fabricants. La taille du magasin autorisant l’offre d’un nombre élevé de références, le développement de l’offre des marques propres n’est pas contre-productif – du moins jusqu’à un seuil voisin de 21 % , au-delà duquel l’indice de fréquentation retombe à un niveau inférieur à la moyenne (96). Un juste équilibre de l’offre entre marques des fabricants et marques de distributeurs est donc indispensable à une bonne fréquentation des magasins par les consommateurs. Quand la part réservée aux MDD se traduit par une perte de lisibilité des marques de fabricants – les surfaces ne sont pas élastiques –, c’est l’ensemble de la performance des points de vente qui est affecté. Le constat, du reste, est d’évidence, si l’on se rappelle que près de la moitié des décisions d’achat s’effectue aujourd’hui au dernier moment, face à l’offre en linéaire. Il est aisé d’imaginer le manque d’ardeur des consommateurs à fréquenter souvent un magasin où la part de l’achat d’impulsion et de plaisir est si contrariée, du fait de l’uniformité de l’offre (hormis, bien entendu, dans le cas évoqué plus haut par Etienne Thil). Cette étude, qui porte sur l’ensemble des catégories de produits de grande consommation, aboutit à des conclusions importantes, tant pour le commerce que pour l’industrie. Il s’agit toutefois d’un constat global, sur toutes les catégories de produits confondues. Dans la conduite d’une stratégie d’offre, il convient d’affiner l’analyse, par sous-ensembles. Ce travail a été mené. Il porte sur vingt-quatre catégories, observées pendant un an, cette fois dans un échantillon de 496 points de vente (2). (1) Ventes moyennes hebdomadaires en unités, par magasin, mesurées sur trois mois. (2) Cf. infra : « Des performances disparates selon la catégorie ». Fiche technique Etude conduite dans 2 674 grandes et moyennes surfaces non spécialisées à dominante alimentaire (GMS), comprenant : - 837 petits supermarchés ; - 932 grands supermarchés ; - 543 petits hypermarchés ; - 382 grands hypermarchés. Données collectées d’avril à juin 2005, à partir des résultats hebdomadaires précisant : - les ventes en valeur et en nombre d’unités ; - les ventes moyennes hebdomadaires en valeur et en unité ; - le prix moyen par unité ; - le nombre de références.

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