Bulletins de l'Ilec

Repères historiques - Numéro 373

01/07/2006

Il est courant de faire remonter la genèse du droit de la concurrence moderne au Sherman Act du 2 juillet 1890, qui interdit les ententes et la monopolisation. Cette loi est cependant loin d’être la première qui, dans l’histoire, ait été édictée pour combattre de tels comportements. Des précédents lointains A Rome, la Lex Julia de Annona, une cinquantaine d’années avant l’ère chrétienne, protégeait le commerce des grains contre les hausses artificielles des prix. Cinq siècles plus tard (en 483), la Constitution de Zénon condamnait de telles hausses. Au Moyen Âge, c’est surtout la législation anglaise, et en particulier celle du règne d’Édouard VI, qui frappait les ententes conclues pour provoquer des hausses « déraisonnables » de prix. En France, la Révolution a consacré le principe nouveau de la liberté du commerce et de l’industrie, puis le Code pénal de 1810 a édicté des sanctions contre ceux qui « auront […] opéré ou tenté d’opérer la hausse ou la baisse artificielles du prix des denrées ou marchandises ou des effets publics ou privés ». Une législation américaine centenaire A l’époque contemporaine, le Sherman Act a été le premier texte d’ensemble dirigé contre les ententes et les monopoles dans un grand pays à la pointe de l’industrialisation et du capitalisme. Il fut complété et renforcé par le Clayton Act, en même temps qu’était créée, par une loi du 26 septembre 1914, la Federal Trade Commission. Le droit américain s’est ensuite enrichi de textes qui ont tantôt atténué les prohibitions des lois antitrust, par des exceptions en faveur de certaines catégories d’entreprises ou d’accords, tel le Webb-Pomerene Act de 1918, et tantôt renforcé ces prohibitions (Robinson-Patman Act de 1936, sur les discriminations par les prix). Un intérêt plus tardif en Europe L’Europe occidentale ne devait suivre l’exemple américain qu’après la Seconde Guerre mondiale, avec des lois d’ensemble pour la protection de la concurrence : – en Grande-Bretagne (lois de 1948 sur les monopoles et pratiques commerciales restrictives, Competition Act de 1998 sur les pratiques anticoncurrentielles individuelles) ; – en Allemagne (loi relative aux restrictions de la concurrence du 13 mars 1957) ; – en France (ordonnance du 30 juin 1945 sur les prix, ordonnance du 1er décembre 1986, codifiée en 2000 aux articles L. 410-1 à L. 470-8 du Code de commerce) ; – en Belgique (loi du 27 mai 1960 sur la protection contre l’abus de puissance économique remplacée par la loi, plus large, du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique) ; – aux Pays-Bas, en Suisse et plus récemment en Italie (loi du 10 octobre 1990, modifiée en 2001), etc. Si les domaines d’application de ces textes n’étaient et ne sont pas toujours identiques, ils n’en procèdent pas moins de la croyance commune qu’une concurrence efficace est indispensable en économie de marché, et qu’il convient de la sauvegarder. Cette croyance a inspiré le droit de la concurrence de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (traité de Paris du 18 avril 1951) et de la Communauté économique européenne (traité de Rome du 25 mars 1957). Elle y est soutenue par la volonté d’empêcher que les restrictions à la concurrence ne fassent obstacle à l’éclosion et au fonctionnement d’un marché non seulement commun, mais encore et surtout intégré et unique.

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