Bulletins de l'Ilec

Un levier de compétitivité pour les marques - Numéro 381

01/06/2007

L’intelligence économique ? On en ferait sans le savoir, assurent bon nombre d’ignorants. Voire. Selon un questionnaire mené en octobre 2006 parmi les professionnels français par le groupe Intelligence économique et Stratégie(1) de l’AAESCP-EAP, 57 % estiment être insuffisamment informés, et 74 % que l’information n’est pas suffisamment partagée. Parallèlement, 97 % reconnaissent que la capacité à récupérer de l’information est un facteur de succès important. Néanmoins, 81 % n’ont pas été formés à l’intelligence économique, et seulement 28 % déclarent que leur entreprise la pratique. « Il y a du travail devant nous », résume Stéphane Rosenwald. Initié à l’intelligence économique au cabinet suédois SIAR, au début des années 80, Stéphane Rosenwald a exercé ensuite des fonctions opérationnelles en marketing et commerce international dans de grands groupes (Colgate, Nestlé, Saint-Louis, Bongrain), puis a connu une expérience entrepreneuriale, avant de fonder le cabinet RV Conseil. « Plus qu’une simple technique, l’intelligence économique est une manière d’appréhender le monde et la gestion des organisations. » Un nouveau monde, devrait-on dire, marqué par l’hyperconcurrence d’une économie mondialisée, l’accélération des mutations et des cycles de marché, l’explosion de la société de l’information et de la désinformation, et l’accès général des entreprises à des moyens (humains et techniques) relativement proches. « Ce nouvel environnement génère une multiplication des opportunités et des menaces. Les anticiper est devenu une variable de gestion, clef du succès. » Où trouver les informations le plus en amont possible ? C’est une des missions de l’intelligence économique, celle des « veilleurs de l’avant » dont parle le préfet Rémy Pautrat, à partir de sources externes et internes à l’entreprise (données structurées – bases de données, informations formalisées –, et non structurées – informations humaines, experts, réseaux). L’intelligence économique permet de maîtriser les flux de connaissances pour irriguer l’entreprise et ses décideurs, et protéger le capital de savoir de l’entreprise. « Véritable outil de connexion entre le savoir et l’action, l’intelligence économique transforme les informations éparses en connaissances au service des décisions d’action. Ce processus systématique, s’appuyant sur un ensemble de concepts, outils, méthodes et pratiques, a pour vocation d’apporter un avantage économique pour les entreprises et ses marques. » Une culture de management Au cœur de l’entreprise, la marque concentre la valeur ajoutée, mais elle est vulnérable, car elle subit les aléas positifs et négatifs de l’environnement : « Les entreprises sont souvent attaquées dans leurs marques. De nombreux événements, ces dernières années, ont illustré cette vulnérabilité : Perrier, Charal, Bergasol », rappelle Stéphane Rosenwald. A côté du dénigrement, l’entreprise doit considérer les stratégies agressives des concurrents au moyen de leurs propres marques. Comme dans le domaine du luxe, où des marques se diversifient sur de nouveaux segments de marché, débordant ainsi de leur territoire traditionnel. « La marque va directement bénéficier de l’impact positif des opportunités identifiées assez tôt, et directement subir l’impact négatif des menaces détectées trop tard ! » L’anticipation des opportunités et des menaces est donc un devoir des gestionnaires de marques : pour prendre de l’avance par rapport aux concurrents, en transformant avant eux les connaissances en actions stratégiques et tactiques sur la marque. La mise en œuvre de l’intelligence économique au service de la marque passe par la mise en place d’une organisation interne, complétée par des ressources externes, la constitution de réseaux et des stratégies d’influence. « L’intelligence économique est régulière, interactive et participative dans la durée. Elle ne s’improvise pas : c’est à la fois une culture, une structure, une procédure » : une culture, pour faire de l’information la première matière première et former à sa collecte, à son traitement et à son partage (par opposition à une détention individualiste de l’information) ; une structure, dotée d’un plan de renseignement et d’une cartographie des experts en interne ; une procédure, car la mise en œuvre s’appuie sur des outils et des projets. L’intelligence économique s’appuie sur une chaîne d’actions, suivant les étapes du cycle de l’information, dans une logique de sécurité fondée sur l’identification des risques : définir les besoins pour rechercher les informations utiles, collecter l’information, la trier et la valider, la diffuser aux acteurs en fonction de leurs attentes et la mémoriser. « L’intelligence économique requiert beaucoup de pragmatisme et de progressivité, car elle repose sur l’adhésion et la motivation des équipes. Elle est aussi une culture de management. » La finalité est, bien entendu, une gestion plus précise, efficace et profitable de la marque, à travers, entre autres, une meilleure connaissance de l’environnement (marchés, concurrents, partenaires, consommateurs, salons, conférences, blogosphère…), une meilleure appréhension de la position réelle de la marque sur le marché et de ses potentiels, une meilleure sécurité économique, une accélération et une plus grande pertinence de l’innovation. « Dans le respect des règles et moyens légaux et éthiques », rappelle Stéphane Rosenwald. L’intelligence économique est un outil au service de la compétitivité de la marque, un accélérateur de performance, en particulier dans les périodes de décision, les processus d’optimisation de positionnement concurrentiel et de génération d’innovation. (1) Créé et animé par Stéphane Rosenwald.

Jean Watin-Augouard

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