Bulletins de l'Ilec

Les rentes de situation, ennemi désigné - Numéro 389

01/04/2008

« Un seul mécanisme peut contraindre les distributeurs à répercuter l’avantage financier consenti par les industriels : la concurrence ! Or l’augmentation record des prix des produits alimentaires en France, entre 1997 et 2005, nous conduit à nous interroger sur sa réalité », souligne l’UFC Que choisir en préambule de son étude Concurrence locale dans les zones de chalandise et niveaux de prix : quelle relation ? Groupe de distribution par groupe de distribution, l’UFC Que choisir compare dans 634 zones de chalandise les prix pratiqués dans un magasin par rapport à la moyenne nationale de ceux pratiqués par l’enseigne. Il ressort de cette comparaison – qui ne prend pas en compte d’autres facteurs susceptibles d’affecter les prix, comme le coût du mètre carré commercial… – que la situation de concurrence d’un magasin a un impact sur le niveau de prix affiché. En moyenne nationale, un hypermarché situé dans une zone non concurrentielle est de 1,3 % plus cher qu’un autre situé dans une zone concurrentielle (relevé en septembre 2007). Cette moyenne cache bien sur des écarts : ainsi, pour un chariot, un ménage girondin qui fait ses courses chez Leclerc économiserait 392 euros par an selon qu’il va à Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt, magasin en concurrence avec un Géant Casino, plutôt qu​‌’à Talence, où il paierait 9,3 % plus cher. L’UFC Que choisir indique que dans les zones où un hypermarché est confronté à une enseigne concurrente, ses prix sont moindres de 0,22 % par rapport à la moyenne nationale de sa propre enseigne. L’écart est de 0,56 % si plus de deux autres hypermarchés sont présents dans la zone. « Deux groupes, Carrefour et Auchan, présentent des écarts de prix substantiels, observent les auteurs de l’étude. Chez Carrefour, il existe un écart de 2,16 points de pourcentage entre un hypermarché d’une zone peu concurrentielle est un hypermarché situé dans une zone concurrentielle. Chez Auchan, cet écart est de 1,58 point. » La relation entre le niveau de prix et la concurrence locale serait plus nette pour les marques nationales que pour les MDD. L’écart de prix entre la zone non concurrentielle et la zone concurrentielle, sur l’ensemble des groupes, serait de 1,48 % pour les marques nationales et de 0,97 pour les MDD. Un hyper installé seul dans une zone non concurrentielle tendrait donc à concentrer ses hausses de prix sur les marques nationales. L’étude de l’UFC souligne que seulement 27 % des 634 zones de chalandise étudiées sont « potentiellement » concurrentielles, du fait qu’elles disposent d’au moins trois hypermarchés ; 36,9 % le sont moyennement ; 32,9 % ne le sont pas. « Les points noirs de la non-concurrence représentent donc un tiers des hypers en France, ce qui est très important. Les zones où la concurrence est satisfaisante sont plus que minoritaires. Par conséquent, il existe en France une importante carence concurrentielle dans les zones de chalandise. » Or, affirme encore l’UFC, « les prix baissent significativement même lorsque la concurrence n’est que moyenne, c’est-à-dire que l’arrivée d’un second hypermarché dans une zone de chalandise suffit pour que l’hypermarché installé baisse ses prix ». Passant en revue les enseignes, l’UFC remarque que Leclerc, Système U et Intermarché sont relativement peu présents dans les zones concurrentielles. Casino et Cora y sont en moyenne davantage installées. Auchan et Carrefour le sont de manière assez équilibrée entre les différentes zones. Au banc des accusés : la loi Raffarin : « Il existe effectivement trop de rigidités réglementaires et elles ont largement freiné le développement de la distribution en France. » Non seulement le déclin du petit commerce n’a pas été enrayé, accuse l’UFC Que Choisir, mais des monopoles locaux se sont constitués, avec pour effets des hausses de prix et une moindre diversité de choix. L’intérêt du consommateur est d’avoir accès à des prix justes et à une offre variée (incluant des commerces petits ou artisanaux), dans un environnement harmonieux (qualité de l’air, architecture…), soutient l’UFC. L’association recommande un renforcement du plan local d’urbanisme (PLU), avec la possibilité des zone réservées au développement du commerce de proximité, et souhaite que le Conseil de la concurrence puisse contraindre les groupes en position dominante à se séparer de certaines activités ou à les échanger. A la demande de Bruxelles (article 6 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006), les Cdec devraient d’ailleurs disparaître. En décembre 2006, la Commission européenne écrivait que « la règlementation française sur l’urbanisme commercial, qui prévoit une procédure d’autorisation pour l’implantation de surfaces commerciales, ne respecte pas l’article 43 du traité CE relatif à la liberté d’établissement ». Il faudra donc que le permis de construire devienne l’unique autorisation requise. Dans les documents d’urbanisme résidera le seul moyen de concilier un objectif d’accroissement de la concurrence et un objectif de maintien de la qualité de vie des consommateurs. 160 produits dans 634 zones La zone de chalandise se définit comme la zone géographique habituelle de provenance des clients d’un point de vente. Un consommateur fait ses achats dans un périmètre circonscrit, pour des raisons de temps de transport ou de commodité. Un hypermarché n’est donc en concurrence qu’avec un nombre limité de points de vente. Le découpage du territoire français en zones de chalandise a été réalisé pour les besoins de l’enquête par un cabinet de géomarketing, Géocible. La méthode choisie fait le lien entre la surface des hypermarchés et leurs clients potentiels, définissant la zone d’attractivité des hypermarchés ou zone de chalandise. Le territoire français comptant 1 566 zones, l’échantillon de 634 zones représente 40,5 % du total et tous les départements. L’UFC Que choisir s’est appuyée pour son enquête sur un relevé de prix effectué par les bénévoles de ses associations locales entre le 8 et le 23 septembre 2007, dans 92 départements, soit 666 hypermarchés et 744 supermarchés. Les enquêteurs devaient relever les prix de 160 articles de grande consommation, 110 de grandes marques et 50 de marques de distributeurs (échantillon excluant toutes les promotion).

Jean Watin-Augouard

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