Bulletins de l'Ilec

De nouveaux territoires gastronomiques - Numéro 398

01/03/2009

Les tendances qui font aujourd’hui les modes alimentaires (nutritionnellement correct ou futurisme) sont-elles passagères ou appelées à perdurer dans vingt ans ?

Les tendances qui font aujourd’hui les modes alimentaires (nutritionnellement correct ou futurisme) sont-elles passagères ou appelées à perdurer dans vingt ans ? Xavier Terlet : Le consommateur sera de plus en plus exigeant sur ce point. Il devient informé et expert. Il ne veut plus que son plaisir soit gâché et ne se nourrira pas avec des produits qui ressemblent à des médicaments. Le nutritionnellement correct est derrière nous. L’avenir est aux produits qui sauront appuyer le plaisir qu’ils promettent avec des garanties en termes de santé, d’écologie, d’éthique. A échéance de vingt ans, la querelle des OGM sera-t-elle oubliée ? X. T. : Je n’en sais rien. Les groupes d’intérêt sont très actifs et l’on ne connaît pas aujourd’hui le gagnant du bras de fer. Je pense, tout en le regrettant, qu’on ne pourra pas échapper aux OGM qui nous viennent des pays producteurs, Etats-Unis ou pays émergents (Brésil, Asie…). L’industrie alimentaire doit nourrir de plus en plus de monde dans des pays comme la Chine ou l’Inde. L’enjeu est énorme et je ne suis pas certain que nos économies soient prêtes à répondre à ce défi. Mange-t-on de plus en plus la même chose partout dans le monde ? X. T. : Non, c’est une fausse idée. Il suffit de voir les possibilités qui nous sont offertes en termes de repas, aujourd’hui, et de comparer avec les générations précédentes. Il y a dix ans, un Français ne mangeait pas de sushis, ne buvait pas de jus d’airelles. Le monde est un formidable réservoir de nouveautés, que l’on découvre tous les jours. L’offre alimentaire ne s’uniformise pas, bien au contraire, elle se parcellise avec des recettes venues d’ailleurs, car il y a de nombreux territoires gastronomiques à découvrir, elle se mêle et se fond, pour aboutir à des merveilles culinaires, elle innove et crée en permanence. Les chefs adeptes de la cuisine moléculaire prouvent qu’on est loin d’avoir fait le tour de la question. Les patrimoines gastronomiques régionaux sont-ils appelés à se développer ? X. T. : Oui, bien sûr. La France a eu une longueur d’avance dans ce domaine. L’alimentation exotique sera une alimentation exotico-régionale. Quels sont les pays les plus innovants en matière d’alimentation ? X. T. : Au nombre des pays les plus innovants, citons les Etats-Unis, la France, le Royaume Uni, le Japon, et bientôt la Chine. Comment se dessine la consommation de produits basiques et de produits frais, par rapport aux produits transformés ? X. T. : Les uns et les autres cohabiteront nécessairement. Les produits basiques se développeront. Le consommateur revient vers une cuisine d’assemblage et reprend goût à manier les casseroles. Doit s’attendre à une médicalisation croissante de l’alimentation ? X. T. : Non, et je ne l’espère pas. Les nutritionnistes et autres ayatollahs en blouse blanche doivent quitter nos cuisines. A ce titre là, les industriels seraient bien inspirés d’arrêter de payer grassement des médecins pour imaginer, concevoir ou valoriser leurs produits. Ce faisant, ils creusent leur tombe. Le risque est que demain notre industrie alimentaire soit absorbée par l’industrie pharmaceutique mondiale. Un cauchemar. De nouveaux conditionnements peuvent-ils favoriser la consommation de produits jusqu’alors peu consommés ? X. T. : Bien sûr, il suffit d’écouter les consommateurs se plaindre quand ils utilisent certains produits. Il y en a tellement dont on pourrait croire que l’industriel ne souhaite pas qu’ils soient consommés ! Essayez d’enlever le papier de la sucette Chupa Chups : très difficile pour un adulte, encore plus pour un enfant. Quel est l’avenir de la cuisine moléculaire et de la cuisine aux additifs ? X. T. : Il faut prendre la cuisine moléculaire comme un état d’esprit et pas comme une catégorie de produits. Quand on fait une mayonnaise, on fait de la cuisine moléculaire. Cela s’appelle une émulsion. Cela nécessite un corps gras. Certes, on peut prendre de l’huile ou autre chose, et pourquoi pas du chocolat. La cuisine moléculaire est une rencontre entre un cuisinier et un chimiste. Ils suscitent des actions physico-chimiques des ingrédients. En les expliquant, ils ouvrent des possibilités créatives infinies. C’est une bonne chose. Le zapping alimentaire aura-t-il bousculé dans vingt ans les modèles alimentaires domestiques? X. T. : Je ne le pense pas, les garde-fous sont là. On mangera de mieux en mieux.

Propos recueillis par J. W.-A.

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