Bulletins de l'Ilec

Manger demain, en neuf tendances - Numéro 398

01/03/2009

Par Eric Seulliet, cabinet de conseil e-mergences

Les évolutions en matière alimentaire ne sont pas forcément rapides. La nourriture est quelque chose d’individuel, de quasi intime, qui renvoie à l’enfance, période où se forment les goûts et qui ancre pour longtemps les habitudes alimentaires. Il serait donc hasardeux de tabler sur des bouleversements radicaux, même dans vingt ans. Au risque de la prospective, neuf tendances peuvent avoir un impact sur la façon de s’alimenter. La tendance pratique Cette tendance traduit le besoin de s’alimenter de façon commode et rapide. Elle correspond aux adaptations à de nouveaux modes de travail, aux besoins de mobilité, de nomadisme. Elle répond en particulier aux besoins des célibataires, des actifs, des familles recomposées, de certains seniors… Nul doute qu’elle a de beaux jours devant elle. La tendance économique Cette tendance prend en compte des conditions économiques dégradées. Elle est née avec le maxidiscompte et pénètre dans les autres sphères de la distribution. Il s’agit de proposer des aliments simples, abordables, sans fioritures. La tendance écolo-biologique La tendance en faveur du bio n’est pas nouvelle, mais relativement marginale, en raison des surcoûts engendrés au niveau de la production et des problèmes logistiques de distribution. Mais avec les préoccupations de santé et de bien-être, on peut lui prédire un développement rapide, y compris dans la restauration collective, dans les écoles et les lycées, etc. D’autant que les ressources en alimentation naturelle sont loin d’avoir été toutes exploitées. Donc peut-être mangera-t-on en 2029 de savoureuses croustilles d’insectes sur lit d’algues ? La tendance authentique-nostalgique Il s’agit de réagir contre la « malbouffe », le fast food, la nourriture industrielle. Le besoin est grand de retrouver de vraies saveurs, surtout si elles renvoient à des souvenirs du passé, à des expériences vécues. On est là dans le syndrome madeleine de Proust, dans la recherche de goûts du terroir, dans le mouvement slow food. La tendance exotique-ethnique Cette tendance correspond à un besoin d’exotisme et de découvertes, de curiosité. Elle surfe sur le métissage, les échanges, les emprunts à d’autres cuisines du monde. On est en plein dans la world food, la créolisation de la nourriture. La tendance éthique Cette tendance qui s’inscrit dans le courant du développement durable devrait comme lui se développer. Elle est fondée sur le principe qu’il faut consommer éthique, sans exploiter les producteurs de denrées alimentaires, en les rémunérant à un prix juste et équitable. La tendance gastronomique Si on en juge par les nombreuses chroniques gastronomiques et culinaires qui fleurissent dans les médias, l’envie de mettre nos papilles en émoi sera plus que jamais présente dans vingt ans. La différence viendra peut-être du fait que la haute cuisine gastronomique sera accessible non au restaurant mais au domicile, grâce au développement de la livraison ou à la meilleure qualité des surgelés ou des plats sous vide. La tendance santé-technique Ce qui a commencé à s’affirmer depuis quelques années et devrait exploser dans la décennie qui vient, grâce à la recherche génétique alimentaire : allier nourriture et technologie, en visant des objectifs de nutrition équilibrée, de santé et de bien-être. On est en plein dans le concept d’alicament, poussé à l’extrême après les balbutiements et les échecs récents. La tendance ludique Cette tendance s’appuie sur le besoin d’étonnement, de jeu. Et sur le concept de réalité augmentée. Il s’agit d’une alimentation architecturée en 3D qui sollicite les cinq sens, qui joue avec les saveurs et les textures, les couleurs et les transparences, le craquant, le mousseux et la multiplicité des formes. La gastronomie moléculaire s’inscrit dans cette tendance. Comme toutes tendances, celles évoquées ici illustrent avant tout des dominantes. La réalité sera plus complexe. Les tendances vont se combiner, se concilier, se superposer, fusionner. L’homme devient plus mosaïque, polymorphe. Il devrait en aller de même de sa nourriture. Le paysage alimentaire dans vingt ans sera plus qu’aujourd’hui composé au moyen de quelques grands menus de base (avec, pourquoi pas, fromage et dessert), mais surtout il sera une grande fête à la carte.

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