Bulletins de l'Ilec

Le neuf et l’utile - Numéro 408

01/03/2010

Entretien avec Xavier Terlet, cabinet de conseil XTC

L​‌’univers des marques s’est étendu depuis cinquante ans par l’innovation. Parvenu à maturité, il n’est pas moins dépendant d’elle aujourd’hui qu’hier, dans un paysage où ont perduré les grands axes de segmentation des besoins. Entretien avec Xavier Terlet, cabinet de conseil XTC Quels sont, au cours des dernières décennies, les produits dont la consommation a le plus décliné, et pour quelles raisons, le plus souvent : saturation, dépréciation, changement des besoins, défaillance de l’offre, manque d’innovation ? Xavier Terlet : Les produits qui ont le plus décliné sont ceux qui ne correspondaient plus aux attentes des consommateurs, donc ceux qui n’ont pas su innover, apporter le bénéfice que le consommateur attendait. Ces bénéfices attendus changent bien sûr avec le temps, en fonctions de l’évolution des progrès techniques, des procédés de fabrication, du consommateur, du contexte, etc. Alors que depuis cinquante ans nombre d’articles de consommation ont évolué du vrac à la marque, avec de nouveaux univers marqués (lait Candia, viande Charal, œufs Matines, salade Florette ou tomate Saveol), existe-t-il encore des secteurs non marqués et qui pourraient le devenir ? Et y a-t-il des secteurs significatifs qui vont, à l’inverse, de la marque au vrac ? X. T. : Passer du vrac à la marque a touché presque toutes les catégories de produits aujourd’hui. A mon sens, celles qui ont encore un fort potentiel sont celles qui n’ont pas encore, pour des raisons diverses, fait leur révolution en la matière. A savoir les fruits et légumes, et la poissonnerie. Reste que la marque n’a pas d’intérêt par sa seule existence. Elle doit être le reflet d’un bénéfice nouveau pour les consommateurs, comme celui qu’apporte Charal avec une plus longue conservation et une tendreté standard, sous un emballage à impact visuel fort. La démarche est la même avec Coraya dans les produits de la mer. Avant, le surimi n’était ni pratique ni bon. Avec ces bénéfices, perçus par les consommateurs, les marques se justifient. Sinon, elles ne peuvent pas vivre. La marque est au service des bénéfices du produit. La marque pour la marque n’a pas de sens. Il y a également des catégories transversales, quasi vierges de marque. Je pense aux produits biologiques. Le désert en la matière a laissé un boulevard aux marques de distributeurs, qui, en Europe, ont préempté la catégorie. Des marques nationales ont beau lancer des références ici ou là, elles n’apparaissent que comme des faire-valoir des gammes de marques d’enseignes, qui ont fait un excellent travail marketing. Excepté Vrai (Triballat) et Les 2 Vaches (Danone), aucune marque forte n’existe sur ce marché énorme. Il en est de même pour les produits anti-allergie. Auchan a déjà créé une belle gamme, Carrefour vient de créer la sienne. Je vous mets au défi de citer spontanément une marque nationale dans ce secteur. Pourtant, là aussi, le potentiel existe. La question n’est donc pas d’introduire de nouvelles marques dans des secteurs non marquetés, mais de savoir quels bénéfices nouveaux y sont attendus. Une fois ces bénéfices créés, il peut être intéressant de les soutenir avec une marque. Les modes de consommation alimentaire des pays industrialisés convergent-ils depuis un demi-siècle ? Va-t-on vers une standardisation ou une diversification des produits ? X. T. : Oui et non. Oui, parce que la mondialisation nous fait découvrir de nouveaux goûts, de nouveaux usages, et qu’aujourd’hui on mange des sushis à Rio et à Paris comme à Tokyo, et non, parce que, justement, ces découvertes favorisent l’innovation et la créativité. Les sushis à l’avocat que l’on mange à Paris feraient blêmir un Japonais. Même des champions de la mondialisation que sont Coca-Cola ou McDonald’s ont tenté en vain de faire avaler le même produit d’un bout à l’autre de la planète. Chaque pays conserve et conservera ses particularités, qui empêchent une uniformisation de l’offre. Certains produits sont identiques partout dans le monde. Mais on les compte sur les doigts des deux mains. Nous allons évidement vers une diversification. Observez-vous des comportements alimentaires distinctifs entre les hommes et les femmes, et des catégories de produits plus spécifiquement consommés par les hommes et par les femmes ? X. T. : Oui, à l’évidence. Les revendications ne sont pas mêmes, même si elles ont tendance à se rapprocher. Il y a encore des produits sexués, ou davantage consommés par un sexe que par l’autre. Dans certains pays, le chocolat noir est plutôt masculin, alors que les références au lait s’adressent plus particulièrement aux femmes. Chez nous, la bière est plutôt un produit destiné aux hommes, mais il y a de la place pour une consommation féminine. Cela ne veut pas dire qu’il est souvent nécessaire de créer des produits pour femmes. Rappelons-nous l’échec de Krony de Kronenbourg, une bière aromatisée de toutes les couleurs destinée à la gent féminine. Elle l’a rejetée, alors qu’au même moment elle a accueilli favorablement la bière dite mexicaine. Une bière pour femme, non ; une bière différente, plus douce, qui se boit différemment et qui garde sa personnalité, oui.

Propos recueillis par J. W.-A

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