Bulletins de l'Ilec

Le choix du périmètre - Numéro 412

01/07/2010

Entretien avec Thierry Gaudin, président de « Prospective 2100 » 1

L’économie n’est pas le domaine d’excellence de la prospective, ni de la prévision quand il s’agit des crises. Technologie, écologie et démographie se prêtent mieux à l’exercice. Entretien avec Thierry Gaudin, président de « Prospective 2100 » 1 L’économie d’aujourd’hui ressemble-t-elle aux projections faites hier ? Thierry Gaudin : Oui, mis à part les crises. Il était prévisible que, dès lors que l’argent circule autour de la planète à la vitesse de la lumière, il y aurait instabilité et cavalerie mondiale. Les économistes se sont obstinés à négliger les effets systémiques dus à l’interconnexion instantanée des marchés et, lorsqu’ils ont utilisé des mathématiques, ils l’ont fait sans en respecter la rigueur, comme si des variables étaient indépendantes alors qu’elles ne l’étaient pas. La théorie des cycles (Kondratiev, Juglar…) a-t-elle eu valeur prédictive ? T. G. Dans une certaine mesure, mais moins que la théorie des systèmes techniques. En prospective ou en prévision économique, se trompe-t-on plus sur le court ou sur le long terme ? T. G. : La prospective est une chose, la prévision économique une autre. La prospective est un travail collectif sur l’idée qu’on se fait de l’avenir. L’expérience montre qu’il est souvent plus facile d’imaginer le long terme que les fluctuations du court terme. Mais l’économie n’est pas au centre de la prospective. Les facteurs les plus déterminants sont dans la technologie, notamment Internet et ses conséquences sociétales, et dans le déséquilibre de l’espèce humaine avec la nature. La population mondiale ressemble-t-elle aux projections d’il y a trente ans ou plus ? T. G. Oui pour les chiffres globaux. Mais les migrations sont plus difficiles à anticiper. Pour la population française, la fécondité a été en général surestimée et les migrations sous-estimées. Reste que les prévisions démographiques sont plus stables que les prévisions économiques. Revient-on souvent sur les prévisions pour les passer au crible ? T. G. Souvent, c’est beaucoup dire, en particulier pour les prévisions officielles. Les administrations, nationales et internationales (OCDE…) sont des institutions sans mémoire. D’où l’intérêt d’un travail universitaire sérieux. La « rétroprospective », c’est-à-dire l’analyse de la plus ou moins grande validité des anticipations passées, montre que ces anticipations sont en général valables, sauf quand elles sont biaisées par intérêt. Y a-t-il instrumentalisation facteur d’erreur ? T. G. Bien sûr, en particulier aux Etats-Unis. Quand la CIA publie son rapport de prospective, traduction préfacée par Alexandre Adler, c’est pour persuader le monde de la vision de l’avenir qui convient aux Etats-Unis. Les Anglo-Saxons sont familiers de ce style de pensée orientée. Propos recueillis par J. W.-A. 1. Auteur de 2100, récit du prochain siècle, Payot.

Propos recueillis par J. W.-A.

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