Bulletins de l'Ilec

Une autorité morale - Numéro 417

01/02/2011

Entretien avec Catherine Vautrin, présidente de la CEPC, vice-présidente de l’Assemblée nationale

Conçue il y a dix ans1 comme une instance consultative, la CEPC a acquis, par ses avis et ses études, ses lettres de noblesse. Elle est aussi perçue comme une source de droit. Entretien avec Catherine Vautrin, présidente de la CEPC, vice-présidente de l’Assemblée nationale Qu’est-ce que la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) : une instance de régulation ? De médiation ? A quoi sert-elle ? Catherine Vautrin : Selon la loi NRE de 2001, la CEPC est une instance collégiale qui doit dire les bonnes pratiques commerciales. C’est donc tout à la fois un lieu de débat, un lieu de médiation, voire un lieu de régulation. La mission de la Commission n’est pas de contrôler l’application des textes, mais de dire les bonnes pratiques en émettant des avis et des recommandations. Il s’agit bien de faciliter la bonne application des dispositions de la loi, pour améliorer les relations notamment entre les distributeurs et les fournisseurs. Sa composition couvre-t-elle tous les secteurs où des pratiques interentreprises seraient susceptibles de prêter à discussion ? Sera-t-elle amenée à changer en fonction d’une extension possible de son champ de compétence ? C. V. : La CEPC réunit des magistrats, des juristes, et des représentants des fédérations professionnelles. Pour beaucoup d’intervenants, il fallait rapprocher ses travaux de la réalité des « box », des négociations, lui donner une vraie dimension économique. Même si la composition de la CEPC peut être modifiée à la marge, j’ai surtout souhaité compléter son action par la mise en place de groupes de travail, qui conduisent des auditions réunissant tous les acteurs (mardis de la LME, groupe de travail sur les MDD...). La CEPC vous paraît-elle perçue comme également légitime et utile par toutes les parties qui y siègent ? C. V. : Absolument ! Je tiens d’ailleurs à saluer le travail et l’assiduité des membres de la CEPC qui se prêtent aux débats que nous connaissons. C’est grâce à leurs approches non partisanes et à leurs compétences techniques que la CEPC a l’autorité morale nécessaire au respect de ses décisions. Son fonctionnement est-il satisfaisant, ou plutôt perfectible ? Connaît-elle des blocages fréquents ? C. V. : La CEPC est un lieu de dialogue et de consensus. Si le consensus a pu être trouvé, c’est souvent au prix de longs débats, pas toujours compatibles avec la rapidité de la vie des affaires. Comment s’insère-t-elle dans le paysage institutionnel, entre la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence et les tribunaux ? Y a-t-il toujours complémentarité, ou parfois double emploi voire contradiction ? C. V. : Je tiens à souligner que nous travaillons en liaison et en complément de nombreux autres acteurs. La CEPC collabore et échange de plus en plus avec différentes instances, qu’il s’agisse de l’Observatoire des prix et des marges, de l’Autorité de la concurrence, ou du Médiateur des relations interindustrielles et de la sous-traitance, ou même de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. De manière générale d’ailleurs, la CEPC s’attache à œuvrer en complément de l’action des pouvoirs publics, qui reste essentielle. Je donnerai un seul exemple : elle s’est saisie du management par catégorie, après l’avis de l’Autorité de la concurrence du 7 décembre dernier, qui préconisait la mise en place d’un code de bonne conduite. Les entreprises que les avis de la CEPC concernent vous paraissent-elles en tenir compte ? De même, les tribunaux en tiennent-ils compte ? C. V. : Aujourd’hui, ce qui fait la force des décisions de la Commission, c’est leur unanimité. Par ailleurs, la CEPC a gagné en visibilité depuis le renforcement de son rôle consultatif. Ses avis et ses études sont attendus par les professionnels, mais aussi par les spécialistes du droit, qui peuvent y voir une source de droit. La Cour de cassation et plus récemment le Conseil constitutionnel ont eu l’occasion de faire explicitement référence aux travaux de la CEPC dans leurs décisions. Les saisines ont-elles augmenté en nombre et évolué quant à leur origine et leur objet ? C. V. : Le fait que les organisations professionnelles et les associations saisissent la CEPC est plutôt un signe encourageant, et un signe de confiance en notre travail. Je ne peux que les encourager en ce sens. Beaucoup de producteurs avaient saisi la CEPC juste après le vote de la LME, parce qu’il fallait y apporter de nombreuses précisions. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis le vote de la LME, cent sept questions-réponses ont été traitées par la Commission, dont quarante-trois en 2010 sur les sujets suivants : les conditions de règlement, les abus dans les relations commerciales, la facturation, la négociation commerciale. Plusieurs avis ont été adoptés en 2010. Le nombre de saisines a tendance à baisser. C’est aussi la mission des fédérations professionnelles de travailler avec la CEPC pour leurs membres, il est normal de les voir saisir la Commission. Enfin, il faut avoir à l’esprit que les saisines sont secrètes et anonymes, et les débats de la Commission sont soumis à la règle du secret et du huis clos. Nous attachons beaucoup d’importance à ces règles. Les membres de la CEPC sont très attentifs à ce qu’aucun producteur qui saisirait la Commission ne souffre de mesures dommageables. La CEPC s’inscrit-elle dans l’avancée d’un « droit mou », équivalent de la soft law anglo-saxonne ? C. V. Le terme « mou », au demeurant traduction très élastique de l’anglais soft, ne me semble pas caractériser correctement les débats au sein de la Commission, même si la courtoisie y est de rigueur. Je dois même dire que nous travaillons dur. Par ailleurs, après deux années d’exercices consacrés à l’interprétation de la loi, il nous faudra assumer nos responsabilités et trouver des réponses sur les notions les plus compliquées à définir. Nous serons aidés en cela par les jurisprudences à venir. La loi du 4 août 2008 a-t-elle apporté des changements pour la CEPC ? Peut-on dire qu’il y a un avant et un après-2008 ? C. V. : Il est clair que l’activité de la CEPC a connu un véritable pic depuis le vote de la LME en 2008. Par ailleurs, la CEPC a véritablement gagné en visibilité depuis le renforcement de son rôle consultatif, puisqu’elle est présidée par un parlementaire depuis 2008. Propos recueillis par Jean Watin-Augouard 1. Instituée par la loi NRE de mai 2001 entrée en application en janvier 2002, la CEPC a rendu son premier avis le 2 octobre suivant.

Jean Watin-Augouard

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