Bulletins de l'Ilec

Multifidélité - Numéro 419

01/04/2011

Entretien avec Thibaut Munier, directeur général du groupe de publicité et de marketing 1000mercis

Polysémique, la fidélité n’est pas, contrairement aux idées reçues, un comportement suranné des consommateurs. Et s’ils s’impliquent davantage, les marques doivent en faire de même. Entretien avec Thibaut Munier, directeur général du groupe de publicité et de marketing 1000mercis Fidélité à la marque ou fidélité de la marque ? La fidélité du consommateur n’est-elle pas surtout la conséquence de la fidélité de la marque à elle-même ? Thibaut Munier : Qu’entend-on par fidélité ? Doit-on la définir par de l’attachement du consommateur, par des programmes qui consistent à donner des points de fidélité à ces consommateurs pour les dissuader d’aller voir ailleurs ? La fidélité peut être aussi bien attitudinale, comportementale (rachat), choisie ou contrainte. Le mot fidélité est utilisé de différentes façons et avec des significations diverses. Pour autant, il revient effectivement à la marque de faire un travail sur elle-même pour avoir une promesse, une image plus en adéquation avec ce qu’elle propose. Il est effectivement difficile de demander aux consommateurs d’être fidèles quand la marque n’a pas de cohérence. La sophistication des programmes de fidélisation (« gestion de la relation client » – GRC ou CRM) se justifie-t-elle par une infidélité croissante des consommateurs ? T. M. : Peut-on parler d’infidélité croissante des consommateurs ? J’en doute, car le besoin de fidélité existe également, comme le prouvent les limites du phénomène des consommateurs zappeurs. De tout temps, les consommateurs ont eu besoin de marques repères et auxquelles ils sont fidèles. Si le zappage a été récemment amplifié par l’usage de l’internet, qui intensifie la concurrence, chaque acteur étant à un clic de son concurrent, on observe de la fidélité en ligne. Car être fidèle, c’est gagner du temps. C’est aussi faire confiance, et pouvoir s’impliquer davantage. La maturité croissante des consommateurs tend à les rendre moins infidèles. Ils s’impliquent davantage auprès des marques, comme l’atteste leur présence dans les réseaux sociaux et les blogs. On observe, en ligne, de plus en plus d’achats répétés (fidélité comportementale). La sophistication des programmes de fidélisation se justifie par la prise en compte de la part de voix de la marque, de la variété des comportements des consommateurs et de la nécessité d’y répondre au mieux, avec des politiques de GRC adaptées. Cette sophistication répond aussi à une exigence accrue de rentabilité, question qui jusqu’à aujourd’hui ne s’était pas autant posée. Ces programmes méritent-ils le reproche d’être des usines à gaz ? Comment les rendre plus rentables ? T. M. : Il faut les rendre plus souples, ils doivent avoir une plus grande part consacrée à l’animation tactique. Dans certains cas, on peut par exemple proposer plus de points pour un certain type d’action, pour l’achat d’un certain produit, ou d’une catégorie de produits. Il ne suffit pas de glisser une carte de fidélité dans le portefeuille d’un consommateur pour qu’il devienne fidèle ! Les consommateurs attendent plus de personnalisation, d’attention et de services exclusifs. Les marques devraient être plus attentives à leur programme de fidélisation et cesser de croire qu’il suffit d’appuyer sur un bouton. Un haut degré de satisfaction n’est-il pas compatible avec l’infidélité ? T. M. : De même que chaque consommateur a besoin d’exprimer sa fidélité, de même a-t-il besoin de variété. On peut être très satisfait d’une marque et aimer en essayer une autre, sans être infidèle à la première. Les marques ne doivent pas se reposer sur leurs seuls clients fidèles en pensant qu’il n’y a plus rien à faire. D’ailleurs, les clients les plus fidèles d’une marque sont aussi ceux qui sont les plus fidèles à son concurrent ! C’est la multifidélité : dans le film In the air, George Clooney a toutes les cartes de fidélité de toutes les compagnies aériennes. Les réseaux sociaux permettent-ils de cerner le lien entre fidélité et satisfaction ? T. M. : En théorie, oui. En pratique, non. Que signifie de dire « je suis fan d’une marque, j’aime une marque » sur un réseau social ? La marque est confrontée à une variété d’attitudes et de comportements : des gens peuvent être déjà clients, d’autres s’inscrire seulement dans un rapport ludique. Combien, parmi le million de fans de Porsche, roulent en Porsche ? La valeur virale d’un consommateur est disjointe de sa valeur d’acheteur. Il faut sortir des données individuelles de Facebook pour valider le fait que les fans de la marque sont clients ou non, et sont des clients plus fidèles que les autres. Mais par le phénomène de la recommandation, quand des clients deviennent les ambassadeurs de la marque, les réseaux ne deviennent-ils pas plus stratégiques pour cerner ce lien entre fidélité et satisfaction ? T. M. : Cela peut se mesurer de manière plus objective. Les réseaux sociaux matérialisent la valeur de prescription et sont un accélérateur, pour ceux qui veulent prescrire. Mais qu’en est-il de l’achat et du rachat ? Nous n’avons pas les chiffres pour le prouver. On peut être fan sans être client. Aussi doit-on affiner les études, pour distinguer parmi des fans ceux qui ont une forte valeur de prescription, ceux qui ont une forte valeur de clients, et ceux qui ont les deux. Propos recueillis par J. W.-A.

Jean Watin-Augouard

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