Bulletins de l'Ilec

La relation, ciment de la fidélité - Numéro 419

01/04/2011

Entretien avec Bruno Boussion, directeur général de Selligent, agence de solutions marketing

C’est par son contenu que la marque fidélise les consommateurs, mais elle ne doit pas oublier de les écouter, et de répondre à leurs attentes en les distinguant selon leur « valeur » spécifique. Entretien avec Bruno Boussion, directeur général de Selligent, agence de solutions marketing La fidélisation de la marque implique-t-elle la sélectivité ? Bruno Boussion : Oui, de la même manière que le client a le droit d’être infidèle, la marque doit être sélective et mettre en question la sacro-sainte règle selon laquelle le client est roi. Le client est roi pour autant qu’il y ait dialogue, communauté, engagement mutuel, et qu’il apporte de la valeur à la marque et à l’entreprise. Si celle-ci répond à toutes les sollicitations sur les réseaux sociaux, elle va disperser ses forces. Avoir un fan-club est une chose, mais il faut savoir qui y est vraiment actif, et parmi ceux qui sont actifs, connaître ceux qui sont les ambassadeurs, qui ont une capacité de prescrire ou de critiquer. Il faut donc segmenter et cibler, parmi ceux-ci, une force de vente complémentaire : lesquels achètent et lesquels font acheter ? Celui qui achète une fois la marque ne peut pas être aussi choyé que celui qui l’achète plusieurs fois. La marque doit privilégier les clients qui s’inscrivent dans la durée et rachètent, engager un vrai dialogue sur le long terme avec ceux qui ont de la valeur, et créer des niveaux de services différents, selon la fidélité du consommateur. Le degré d’investissement doit varier selon le degré d’attention des clients et de leur valeur. Comment faire d’un fan d’une marque un acheteur ? B. B. : Ce qui intéresse une marque, c’est de savoir quel investissement elle fait pour des consommateurs qui ont une vraie valeur pour elle, des consommateurs récurrents. Il faut intégrer des programmes de fidélité à tous les niveaux, sur les sites en ligne, dans le magasin. Or les marques de grande consommation ont confié la gestion de leur relation client aux distributeurs, au moyen de programmes de fidélité. Le problème est que les consommateurs ne s’adressent plus directement ni au distributeur ni aux marques, ce n’est plus leurs canaux d’expression. Les outils d’aujourd’hui permettent de gérer l’ensemble de la relation, d’avoir un seul identifiant par client, qu’il soit en ligne, dans les différents points de contact, avec un centre d’appel, en magasin avec les relevés de caisse et les cartes de fidélité. L’important n’est pas de cumuler les canaux, mais de raisonner selon un parcours, car dans la même journée le consommateur passe par différents canaux. Ce n’est plus la technologie qui régit la segmentation, mais le comportement du consommateur. La sophistication des programmes de fidélisation (« gestion de la relation client » ou CRM) se justifie-t-elle par une infidélité croissante des consommateurs ? B. B. : Les outils doivent indiquer à la marque auprès de quels consommateurs elle s’engage. Le problème du CRM est qu’il fut orienté initialement vers les directions commerciales et informatiques, et peu vers le marketing. Tracer le parcours du client est de plus en plus difficile, car sur la Toile le consommateur est multiple. Tous les gens qui naviguent dans la culture du zappage sont difficiles à capter. Le comportement de plus en plus trans-canal des consommateurs influe sur les stratégies de relation client des entreprises et engendre de nouveaux enjeux : gestion de la pression marketing, maîtrise des canaux en ligne et hors ligne, émergence de nouveaux canaux, connaissance et préférences du client dans une optique de personnalisation des interactions, de conquête et de fidélisation. Dans ce contexte, l’avenir du CRM passe par la prise en compte de l’explosion des médias électroniques, dont le canal mobile et les réseaux sociaux, et de la place qu’ils occupent dans la gestion de la relation client. Les marques doivent écouter leurs consommateurs, collecter des informations sur leurs comportements et agir en temps réel. La difficulté, aujourd’hui, ne tient pas aux outils qui permettent d’intégrer l’ensemble des canaux en temps réel, mais à l’organisation des entreprises, encore cloisonnées. A l’heure du multi ou du trans-canal, les entreprises sont encore organisées sur un mode multiservice. Les données sur les consommateurs ne sont pas consolidées. Or c’est en croisant les données que les marketeurs peuvent alimenter le profil des utilisateurs et proposer des offres plus adaptées, donc mieux fidéliser. Consolider les données permet aussi une vision unique du consommateur dans son parcours, or la marque doit lui envoyer un message cohérent, elle ne peut plus déclamer une vérité de manière unilatérale. On passe donc du CRM au SRM, social relationship management… B. B. : Oui, la gestion de la relation client classique cède la place au marketing interactif. Une marque comme Oasis a un fan-club important, Il faut capter cette voix du client qui n’est plus dans un réseau traditionnel. Une nouvelle relation se dessine avec les réseaux sociaux. La marque doit intégrer le SRM. Sur les réseaux sociaux, on dénombre 1 % de contributeurs réguliers, 9 % de contributeurs ponctuels et 90 % de surfeurs. Il y a donc un grand nombre de personnes potentiellement influençables. L’enjeu est de ne pas utiliser les réseaux sociaux pour faire la même chose que ce qui se faisait avec les anciens outils. L’entreprise doit abandonner le discours unilatéral pour engager le dialogue, car le client peut changer de statut. Il faut considérer la voix du client, non seulement pour mesurer le fait qu’il parle de la marque, mais pour intégrer ses désirs, ses ambitions, dans la relation de la marque avec lui. Les techniques le permettent sans être intrusives. Qu’est-ce qu’une marque fidèle à elle-même ? B. B. : Le socle de la marque est de définir en amont son territoire, point de passage obligé, et d’y être fidèle. C’est par son contenu que la marque fidélise. Les marques doivent avoir un vrai positionnement, une culture, un patrimoine à décliner de manière cohérente sur l’ensemble des canaux. Certaines entreprises se trompent quand, en fonction du canal, elles changent leur territoire de marque. Il faut au contraire adapter le territoire de la marque à la technique (ne pas changer de discours mais tenir compte de l’espace : un site, un téléphone…). Si la marque n’a pas maîtrisé son discours d’origine, elle est en difficulté quand elle change de canal. Les canaux ne se concurrencent pas, ils se combinent, il faut une stratégie cohérente entre eux, réseau social et boutique. Les uns alimentent les autres. Propos recueillis par J. W.-A.

Jean Watin-Augouard

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