Bulletins de l'Ilec

Leçon de coopération - Numéro 420

01/05/2011

Entretien avec Michel-Edouard Leclerc, coprésident de l’association des centres Leclerc ACDlec

Imposer un modèle unique en termes de contrats liant les commerçants à leur « tête de réseau » serait nier la diversité du commerce et les différences de nature des engagements selon les organisations. Pour le commerce indépendant, la fidélité des adhérents est une condition de la pérennité. Qui n’entrave pas la concurrence ni la fluidité du marché. Entretien avec Michel-Edouard Leclerc, coprésident de l’associa-tion des centres Leclerc ACDlec Comment expliquez-vous son auto-saisine par l’Autorité de la concurrence ? Michel-Edouard Leclerc : L’AdlC s’est expliquée dans son avis. Au départ, elle s’interrogeait sur les effets négatifs sur la concurrence de contrats liant les commerçants à leur « tête de réseau ». Bizarrement, elle évoque les situations de concentration en région parisienne, dans le cadre de contrats de franchise les liant à des groupes intégrés. Mais, c’est tout le paradoxe, l’avis finit par une forme d’injonction aux organisations de distributeurs dans le secteur alimentaire les appelant, selon un intertitre d’un document de presse, à « libérer les indépendants ». Avez-vous des remarques sur ce que dit l’avis du foncier commercial ? M.-E. L. : Nous ne sommes pas concernés par ce point. Chaque adhérent est maître de son foncier. Il n’y a pas de patrimoine foncier regroupé dans une entité nationale. Les acquisitions, les plans d’expansion et les cessions sont gérés localement, par chaque adhérent sur son site. S’agissant de la mobilité des commerçants d’une enseigne à une autre, la franchise et le commerce associé relèvent-ils de la même analyse ? M.-E. L. : Les deux systèmes sont radicalement différents. Dans le cadre de la franchise, le détenteur des marques loue à un commerçant un droit d’usage et ses savoir-faire. Les deux personnalités, franchiseur et franchisé, sont distinctes juridiquement, et les droits d’utilisation donnent lieu à rétribution. On comprend que les choix contractuels soient affaire d’opportunité et puissent être renégociés périodiquement. L’adhésion à l’Association des centres E. Leclerc est le choix de toute une vie professionnelle. Nos adhérents, sans capital initial et anciens salariés pour la plupart, accèdent à la propriété d’hypermarchés grâce à un parrainage de leurs collègues et à la disposition d’outils commerciaux coopératifs dont leurs sociétés deviennent membres. Pour reprendre l’expression de l’AdlC, ils sont leur propre « tête de réseau ». Contrairement à la franchise, la marque et les savoir-faire sont des biens communs partagés, mis à disposition des utilisateurs réunis en association, et sauf dans le cas de quelques affiliations marginales, ils ne sont pas loués. Pour résumer, un franchisé opte pour un système préétabli d’avantages et de contraintes ; l’adhérent d’un groupement associatif participe pleinement à l’évolution de son organisation et, avec ses collègues, il façonne, dans le temps de son engagement, ses propres obligations. On peut comprendre que la « mobilité » soit la « sécurité » d’un franchisé. Mais la fidélité de l’engagement est nécessaire au compagnonnage dans la coopérative. Pour ma part, je ne suis pas économiste en chambre, je ne suis pas juriste, même si j’ai appris… Quand on parle de concurrence ou de prix au consommateur, je suis comme saint Thomas, je crois à ce que je vois, à l’histoire et à ce qu’elle démontre des pratiques commerciales. Les centres E.Leclerc ont introduit la concurrence dans les secteurs de la parapharmacie, de la parfumerie, de la distribution sélective en général. Ils ont rendu accessibles les voyages, la bijouterie, les produits culturels. On a mis des années à trouver les bons concepts. Vous croyez vraiment qu’on aurait pu faire cela avec des adhérents pratiquant l’union libre sur cinq ans, comme le recommande l’AdlC, et sans les engagements durables du mariage ? C’est la fidélité qui permet la prise de risque partagée dans l’innovation, dans l’investissement et dans le développement. Et surtout, elle est nécessaire pour assurer la totale transparence des coûts et des conditions d’achat, garante de la performance en prix. Aucun franchisé ayant rejoint les centres E. Leclerc n’a eu, dans sa vie commerciale antérieure, accès à la totalité des conditions négociées par sa « tête de réseau ». Fi de l’hypocrisie. Quelle que soit la loi, aucune entreprise ne transmettra ses brevets, savoir-faire, secrets de fabrique, à des franchisés zappeurs ! La force de nos coopératives, c’est le lien contractuel par lequel chaque adhérent participe à la négociation et connaît, quels que soient le format ou la localisation de son magasin, l’ensemble des conditions négociées par ses collègues. Croyez-vous que l’avis dans son ensemble vise surtout le commerce associé ? M.-E. L. : L’AdlC procède par amalgame. Si elle gomme les différences entre les organisations, les statuts, et les liens contractuels qui lient les commerçants indépendants, c’est un choix délibéré. Elle veut pouvoir se référer à un modèle unique où tous les contrats seraient interprétés à la lumière des seules relations verticales qu’entretiendraient les commerçants avec leur « tête de réseau ». Pour les rapporteurs, le coopérateur est lié à sa coopérative comme un franchisé à son franchiseur. Les rapports horizontaux, de compagnonnage, de solidarité, de mutualisation, de transfert de savoir-faire, ne font pas partie des domaines d’investigation. Or ce qui caractérise une coopérative comme E. Leclerc, c’est « l’effort commun de ses membres », c’est l’investissement de chaque adhérent pour le compte « des autres coopérateurs », la contribution de chaque adhérent en temps et tâches partagés, à la formation, à la promotion et à la performance des collègues. Au reste, contrairement au franchiseur, la coopérative n’a pas d’intérêt (dans tous les sens du terme) pour elle-même. Elle ne fait pas de profit, n’a pas d’activité propre. Les relations entre associés et « tête de réseau » y sont « égalitaires et commutatives ». Y a-t-il corrélation entre la présence des magasins du commerce associé et le niveau des prix dans les bassins de chalandise ? M.-E. L. : Depuis dix ans, les groupements d’indépendants caracolent en tête des indices de prix les plus bas. Qu’il s’agisse de relevés effectués par les associations de consommateurs ou d’organismes professionnels, notre enseigne a pratiquement toujours été numéro un, et chaque centre E. Leclerc est premier sur son site, dans plus de 95 % des cas. Des études très complètes du BIPE démontrent la corrélation étroite entre l’attractivité des niveaux de prix d’un site et la présence de commerçants indépendants, particulièrement en présence de centres E. Leclerc ; c’est une réalité que l’Autorité a totalement occultée, d’ailleurs on ne parle pratiquement jamais de prix dans son rapport. En plaisantant, je dirais que, pour les rédacteurs de l’avis, ce qui se passe chez E. Leclerc n’est pas normal. On ne colle pas au modèle théorique. Peu importe comment E. Leclerc est devenu le plus performant, il faut, semblent dire les rapporteurs, fragiliser les liens entre les adhérents pour qu’ils respectent le modèle. Et l’impact sur les consommateurs ? Quelle est votre opinion sur les études Asterop et UFC citées dans l’avis, et les conclusions qu’en tire l’AdlC ? M.-E. L. : L’Autorité a invoqué un manque de temps pour n’avoir pas à étayer ses affirmations ! Elle a pris appui sur une étude très contestée par les professionnels qui ne correlle pas les organisations commerciales avec les performances en prix. Avez-vous été entendu par l’AdlC ? M.-E. L. : Nous avons été entendus deux fois, une dans la phase d’instruction, par les rapporteurs, et une autre (quinze minutes) avant la publication du rapport, par le collège de l’Autorité. Elle n’a manifestement pas tenu compte de nos remarques. Mais comme vous le savez, nous n’avons pas bénéficié du « contradictoire ». C’est ce qui pose le problème de la partialité de l’AdlC. Dans cette opération, elle entend renforcer un rôle de régulateur de concurrence qui n’est pas le sien. Avez-vous des remarques sur la méthode et sur l’analyse économique de l’étude ? M.-E. L. : D’abord et clairement, il y a abus de pouvoir. Sous couvert de formuler un avis, l’Autorité a délivré une injonction. Elle s’en défend, mais la séquence parle d’elle-même : trois mois après « l’avis », les distributeurs indépendants sont avisés qu’un projet de loi (ou une proposition) est en cours de rédaction. L’initiative ne tient même pas compte des délais caricaturaux proposés par l’AdlC elle-même aux distributeurs pour « se réformer ». Quant à l’analyse économique, j’en pense tout le mal possible, elle se fonde sur une théorie dite de la mobilité. En fait, on nage en plein dogmatisme. D’où tire-t-on qu’il existe un « marché du commerce indépendant », opérant sur un marché distinct des sociétés du commerce intégré ? Quel est le « modèle de mobilité » auquel on se réfère pour dynamiser la concurrence ? L’AdlC fait fi des arguments et des démonstrations. Elle n’appréhende même pas l’impact réel de ses recommandations sur le fonctionnement des organisations et des marchés. Il est temps qu’on enseigne de nouveau l’histoire économique (notamment l’histoire des organisations) aux étudiants en droit et en sciences éco. Ce que recommande l’avis sur les contrats d’affiliation est-il compatible avec le droit de la coopération ? M.-E. L. : Si l’AdlC ne visait pas les coopératives, il eût été préférable qu’elle le dise. Tel quel, donc, l’avis vise indifféremment les contrats et les organisations (franchises, concessions, coopératives et groupements de commerçants). Or cette notion de mobilité n’est pas compatible avec l’exclusivisme coopératif, et son corollaire, le droit à la sécurité de ses membres. La loi de 1947 prévoit que les coopérateurs sont libres de fixer entre eux les conditions d’adhésion, de retraite et d’exclusion des associés. La durée de l’engagement d’adhésion dans les coopératives des centres E. Leclerc a été validée à de multiples reprises par les juridictions françaises. Oserais-je rappeler que nous faisons partie d’un ensemble européen dans lequel les législateurs considèrent que les coopératives de commerçants constituent une forme appropriée et durable d’organisation susceptible de faire jouer la concurrence ? De quel droit, et dans la recherche de quel effet, cherche-t-on aujourd’hui à fragiliser nos coopératives ? L’avis est-il cohérent avec la jurisprudence de la cour d’appel de Versailles et de la Cour de cassation ? M.-E. L. : Dans la querelle actuelle des institutions, l’AdlC essaie évidemment d’établir sa propre jurisprudence. En tant qu’entrepreneurs, nous avons du mal à suivre cette compétition. Nous pensions travailler en toute sécurité, après les dernières validations des statuts de nos groupements par les tribunaux. La durée de l’engagement d’adhésion décidée par nos coopérateurs a été validée à de multiples reprises (Civ. 1re 30 mai 1995 n° 93-11.837 ; Civ. 1re 28 octobre 1997 n° 95-20.138 ; Com. 22 février 2000 n° 97-17.020 ; CA Versailles 27 mai 1997 Galec c/ Bouliac, arrêt définitif). Bien sûr, nous avons conscience qu’il ne résulte pas de ces décisions et arrêts que toutes les clauses et arrangements mis en œuvre dans une coopérative sont licites par principe. Et nous ne contestons certainement pas à l’AdlC le droit d’émettre un avis. Mais pourquoi et sur quelle base aujourd’hui nous faudrait-il suivre l’avis de l’AdlC en convoquant les assemblées de nos coopératives ? Que devrait-on dire aux adhérents ? Qu’ils dénouent les liens volontairement et profitablement construits entre eux, qu’ils réduisent leurs engagements, sans qu’aucun grief nous soit parvenu, et alors que nous nous sommes engagés dans des investissements très lourds pour porter le fer de la concurrence dans tous les secteurs du non-alimentaire et des offres dématérialisées ? Et tout cela devant être « mis en œuvre » sous six mois, sous la vigilance de l’Autorité ? C’est du délire. L’avis cite quatre freins à la mobilité des commerçants : droit des terrains et, en termes de droit des contrats, clauses de priorité, de non-concurrence, de non-réaffiliation : que pensez-vous de l’analyse et s’applique-t-elle à vos adhérents ? M.-E. L. : S’il y a, dans certains groupements, des clauses ou des contrats contestables, il appartient au juge de les réformer ; c’est ce qu’il fait en permanence depuis des décennies. Nous-mêmes avons modifié notre dispositif à la suite de certaines décisions de jurisprudence, c’est la règle du jeu. Sur le droit des terrains, les clauses de non-concurrence ou de réaffiliation, nous ne sommes pas les plus directement visés par les points que vous évoquez. Mais permettez-moi d’insister. Si l’on tire sur chaque fil, il faut considérer ce qu’il advient de la toile. A aucun moment, l’AdlC ne raisonne in concreto. Elle fait fi des multiples tentatives de prédation du commerce intégré lors de cessions de magasins. Que n’a-t-elle été jeter un coup d’œil dans le cimetière des enseignes disparues, à défaut pour les indépendants d’avoir assuré la pérennité de leurs organisations ? Les distributeurs indépendants n’ont plus vocation à nourrir la croissance du commerce intégré. Je refuse d’être le pourvoyeur exclusif de cette « fluidité du marché », quand des intégrés, s’organisant autour de noyaux durs et de pactes d’actionnaires, assureraient impunément leur développement. La réalité est que le consommateur profite non seulement du choc des enseignes, mais aussi de la concurrence entre formes de commerce. C’est justement parce que nos associés ont décidé de concourir à égalité de chances avec les groupes intégrés qu’ils se sont donné des exigences fortes et durables. Détricoter nos réseaux, fragiliser les liens du commerce associé, c’est délibérément faire le jeu du commerce intégré. Pouvez-vous donner des exemples de mobilité (arrivées et départs, volontaires ou forcés ? ) M.-E. L. : L’histoire des groupements d’indépendants est celle de milliers de commerçants qui, quittant l’isolement et l’individualisme qui les menaçaient, ont appris à grandir ensemble, à partager des valeurs et des ressources, et s’adosser à des investissements suffisamment pérennes pour garantir leur propre performance. Après la disparition des Codec, Una, Spar, après l’échec des coopératives de consommation, seules trois enseignes alimentaires ont survécu : E. Leclerc, Système U et Intermarché. Quelles que soient leurs propres différences, ces trois mouvements d’indépendants ont permis à des milliers d’entrepreneurs de faire leur entrée sur le marché. Les trois quarts des propriétaires de magasins sous ces enseignes ont commencé leur vie professionnelle comme salariés dans les rayons d’un magasin. Je ne connais pas beaucoup d’autres expériences de mobilité sociale dans notre pays. Le renouvellement des générations est assuré. On nous objecterait qu’ils étaient déjà salariés dans nos enseignes. Et alors ? En quoi la mobilité exclurait les systèmes de promotion interne ? N’en déplaise à l’AdlC, les hommes, pas plus que les enseignes, ne sont interchangeables. Sur un plan pratique, c’est très difficile de faire cohabiter des hommes se référant à une même philosophie d’indépendance et pourtant « si différents de culture ». Notre enseigne est très recherchée de fait de ses performances. Nous sommes recruteurs mais très sélectifs, notamment dans le choix des hommes. Il n’empêche, la sécurité peut aller de pair avec l’ouverture. Tandis que huit adhérents ont quitté l’enseigne depuis 2005, notre association a accueilli une vingtaine de commerçants issus des groupements Intermarché, Système U et anciens franchisés Champion. Certains commerçants, du fait de leur propre histoire familiale, nous sollicitent mais ne sont pas prêts à nous rejoindre en tant qu’adhérents. C’est la raison pour laquelle, en Alsace, en Corse, en Andorre, à l’étranger (Italie) et dans les Dom-Tom (Réunion et Martinique), ils nous ont rejoints en tant qu’affiliés. Y a-t-il du bon et du pertinent dans l’avis ? M.-E. L. : A dire vrai, tout l’avis est corrompu par le dogmatisme. On ne saurait à l’évidence contester à l’AdlC de dénoncer des excès. Mais d’une recommandation qui viserait à préserver le libre choix d’entreprise à l’injonction d’organiser systématiquement la mobilité des magasins entre réseaux concurrents, il y a un pas que l’Autorité n’aurait pas dû franchir. Parlons stratégie internationale : notre enseigne n’est présente que dans cinq pays européens. Au rythme actuel, même en accélérant les essaimages et les alliances, il nous faudra vingt ans pour qu’elle puisse être créditée de 8 à 12 % de part de marché (le temps mis par les maxidiscompteurs à établir la leur en France ! ). Pour asseoir un tel développement, il faut investir dans des logistiques lourdes, établir la notoriété des marques sur des marchés qui ne nous connaissent pas, adosser de fragiles réseaux nouveaux à la performance de la coopérative hexagonale, pour renforcer une crédibilité financière nécessaire au développement de notre aventure européenne. Que vient-on nous dire ? Qu’il faudrait limiter à cinq ou dix ans les liens avec le groupement ! Quelle est la marque industrielle ou l’enseigne qui peut se targuer d’avoir acquis une forte visibilité dans un délai aussi court ? Quelques sociétés intégrées, mais combien de groupements ? Pour s’affilier à E. Leclerc, notre partenaire italien, Conad, a exigé une garantie de pérennité de la marque. Et quand bien même on pourrait discuter d’un contrat de marque, pourquoi ne serait-il pas tacitement renouvelable, comme veut l’interdire la première mouture du projet de loi ? S’agissant enfin des infrastructures, et de l’ensemble des investissements qui, dans une stratégie multicanal, devront être déployés par nos coopératives, ne peut-on au moins adapter la durée d’engagement à celui de l’amortissement ? Le plus étonnant dans cet avis, c’est qu’il ne repose sur l’observation d’aucune situation concrète, sur aucune analyse sérieuse de marché. Les rapporteurs inventent un marché de magasins dont les propriétaires devraient pouvoir opter pour telle enseigne ou telle autre, comme si les enseignes avaient les mêmes histoires, les mêmes contenus. Un marché où les commerçants viendraient prendre et laisser, sans être astreints aux obligations qui ont fait l’attrait des enseignes auxquelles ils adhèrent. Quelles ont été les réactions à l’avis parmi vos adhérents ? M.-E. L. : Il y a évidemment beaucoup d’incompréhension. L’AdlC commence par évoquer le manque de concurrence à Paris, alors que nous en sommes absents. Nos adhérents répondraient bien aux sollicitations des élus parisiens, mais vu les investissements collectifs que suppose une telle ouverture, ils ne comprennent pas qu’on limiterait à cinq, voire à dix ans, les engagements des coopérateurs qui s’y aventureraient. Plus généralement, nos adhérents perçoivent cet avis comme une tentative de fragiliser les indépendants face aux groupes intégrés. En fait, jamais dans cet avis l’Autorité ne s’est interrogée sur les conséquences d’un turnover dans les enseignes, sur la réputation que perdraient les enseignes vis-à-vis de leurs fournisseurs et de leurs banquiers. Et surtout, aucune modélisation n’apporte de l’eau au moulin d’une théorie selon laquelle la mobilité créerait de la concurrence. Nous nous interrogeons sincèrement sur les motivations de l’AdlC. S’il s’agit de baisser les prix, nous sommes en tête. Nous avons des défauts ? Qu’on nous les dise, et d’ailleurs, ces derniers temps, on ne s’en prive pas, tant nous plions sous la multiplication des assignations. Mais vraiment, si l’enjeu est de faire baisser les prix, on s’étonnera que l’Autorité focalise son attention sur les groupements d’indépendants. Alors, pour nos adhérents, soit c’est un médiocre dérapage, soit c’est louche et c’est politique. Ils se posent la question : à qui profite le crime ? Que pensez-vous de la quasi-concomitance de la sortie de l’avis et de la préparation d’un article de loi sur le même sujet ? M.-E. L. : S’il n’y a pas de lien, ça y ressemble. De toute façon, quand on lit l’avis, tout est joué. Relisez le communiqué de presse de l’AdlC : « les magasins affiliés sont aujourd’hui prisonniers de l’enseigne qui les regroupe… il faut libérer les commerçants indépendants ». Jamais nous ne laisserons transformer les centres E. Leclerc en une auberge espagnole. L’AdlC fait aujourd’hui un peu marche arrière, elle essaie de tempérer les réactions et de renouer le dialogue. Mais pour nous, le mal est fait, cet avis nous fait grief, ne serait-ce qu’en jetant le trouble auprès des députés qui auront prochainement à débattre d’un texte de loi. Dans ce contexte, la décence voudrait qu’à tout le moins on s’interdise de toucher, sans autre étude approfondie, au système coopératif. Propos recueillis par J. W.-A.

Jean Watin-Augouard

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