Bulletins de l'Ilec

Mutants, empiriques et sorciers - Numéro 429

01/07/2012

La période historique que traverse une génération dans sa jeunesse influence l’élaboration de son système de valeurs. Ainsi se forment les personnalités générationnelles. Entretien avec Jean-Luc Excousseau, cofondateur de l’Association du marketing générationnel

Pour parler des jeunes, les « générations Y » et même « Z » ont été instituées en objets d’étude. Quelle est la validité de ces concepts ? Jean-Luc Excousseau : La génération des Y que j’appelle les « empiriques » est née autour de 1980, celle des Z que j’appelle les « sorciers » est née autour de 1990. Les années de jeunesse, d’adolescence et d’entrée dans la vie ne sont pas les mêmes. A dix ans d’écart, beaucoup d’évolutions socioculturelles (entrée dans la vie dans les années Jospin pour les Y, entrée dans la vie en pleine crise pour les Z) et technologiques (du Web au Web2, de l’Ipod à l’Ipad…) ont eu lieu. Cela se retrouve dans une personnalité générationnelle différente que l’on constate aujourd’hui dans tous les domaines de la vie, de l’éducation et du monde du travail. Peut-on être quarantenaire et partager la culture de la génération Y ou Z ? J.-L. E. : Si l’on est quarantenaire, il y a de fortes chances qu’on soit un X et qu’on fasse partie de la génération passionnante que j’appelle les « mutants ». Né autour de 1970, on a développé une réelle personnalité générationnelle, bien différente de celle qu’auront ensuite les empiriques ou les sorciers. En revanche, pour les X, côtoyer les Y et les Z, s’intéresser aux évolutions socioculturelles dont ces générations sont porteuses, à leurs réactions, peut être l’occasion de bonnes leçons de vie. Les générations les mieux adaptées au monde de 2012 sont celles qui ont entre quinze et vingt ans aujourd’hui ; on peut apprendre beaucoup d’elles et leur faire des emprunts. Selon certains2, la génération Y ne présenterait pas de grandes particularités en ce qui concerne les attitudes et valeurs au travail, qu’en pensez-vous ? J.-L. E. : Pour faire des séminaires sur les différentes générations en activité, je pense qu’il faut passer à côté de beaucoup de signes évidents pour considérer que les Y fonctionnent comme les X ou que les Z fonctionnent comme les Y. Mais les appellations et les méthodes sont parfois tellement floues qu’elles rendent illisibles ces différences. De génération en génération, les jeunes seraient-ils de plus en plus repliés sur leur cocon générationnel ? J.-L. E. : Une culture générationnelle forte s’impose de plus en plus à travers les changements globaux et internationaux qui affectent l’ensemble des économies avancées et les classes jeunes de ces pays. La génération est une forme d’identité qui se renforce depuis le baby boom de l’après-guerre et surtout se déploie à une échelle inégalée. Une génération internationale dépasse aujourd’hui 120 millions de personnes, et il y en a dix qui cohabitent dans l’ensemble des économies avancées, qui représentent 1,2 milliard d’habitants. L’identité générationnelle est une forme de lien transnational qui n’en est qu’à ses débuts. La génération Z appelle-t-elle des stratégies particulières pour les marques ? J.-L. E. : Ils sont « sorciers ». Il faut l’être autant qu’eux ! Etre capable de transformer une citrouille en carrosse, de faire beaucoup avec pas grand-chose (voir les audiences records des sites internet ou de groupes du type Housse de Racket), et savoir utiliser leurs fantastiques réseaux personnels : derrière un quasianonyme Z, il y a parfois 25 000 « suiveurs » en ligne prêts à partager ses avis. Lady Gaga en a 23 millions, qui eux-mêmes en ont peut-être chacun 2 500, qui eux-mêmes, etc. Propos recueillis par J. W.-A. 1. Auteur de la Mosaïque des générations, Eyrolles, 2000. Le modèle de générations dont parle ici Jean-Luc Excousseau va faire l’objet d’un livre. Les Mutants (ou X) sont nés entre 1965 et 1974, les Empiriques (ou Y) sont nés entre 1975 et 1984, les Sorciers (ou Z) entre 1985 et 1994. 2. Jean Pralong, FocusRH du 2/12/2010 - www.focusrh.com/strategie-ressources-humaines/attirer-fideliser-salaries/a-la-une/la-generation-y-nexiste-pas.html, ou François Pichaud et Mathieu Pleyers, « Pour en finir avec la génération Y ».

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