Bulletins de l'Ilec

Amap, au-delà du client - Numéro 432

01/12/2012

La distribution de produits frais par abonnement à un panier prépayé a une vocation militante. C’est aussi un modèle économique qui revendique pour lui a robustesse. Entretien avec Denis Carel, coprésident d’Alliance Provence

Alliance Provence a été pionnière en France ; quel est son développement aujourd’hui ? D. C. : Il y a eu phase de croissance jusqu’en 2009. Aujourd’hui, stabilisation du nombre d’adhérents, d’Amap et de producteurs : volonté de consolider le réseau et de garantir l’éthique du partenariat producteurs-consomm’acteurs. Les Amap du réseau Alliance Provence ont-elles connu un élargissement de l’offre (variétés des produits) ? D. C. : Oui. L’offre proposée concerne à priori toutes les catégories de produits frais. Le système Amap est-il viable avec toutes ? D. C. : Oui. En fait, le respect de la réglementation sur la vente des denrées alimentaires et du paquet hygiène est de la responsabilité du producteur, dans le cadre d’un contrat en vente directe, pas de l’Amap. Une Amap peut-elle se garantir contre d’éventuelles fraudes de fournisseurs indélicats (sur la qualité bio ou la provenance…) ? D. C. : Oui. Il y a obligation au respect de la charte par les producteurs – donc obligation de transparence et de traçabilité –, certification bio et enquête d’évaluation participative. Les producteurs qui ne respectent pas la charte ou ne veulent pas changer de pratiques sont à terme exclus du réseau des Amap. Quelle est la distance entre un producteur et un point de collecte au-delà de laquelle il ne serait plus pertinent de parler de circuit court ? D. C. : La définition donnée par le ministère précise que par circuit court, on entend au maximum un seul intermédiaire. La vente en Amap est un système de circuit court en vente directe, sans intermédiaire. La distance entre un producteur et le point de collecte dépend du type de production. En Paca, les bassins de production d’élevage viande sont plus éloignés des centres urbains que les filières en production végétale. Concrètement, l’approvisionnement se fait au niveau « loco-régional ». Alliance Provence a-t-elle observé au cours des années une évolution significative du profil de la clientèle ? D. C. : Le terme clientèle n’est pas approprié pour parler du public des Amap. Il s’agit de consommateurs qui s’engagent à soutenir l’agriculture paysanne à travers un contrat de paniers. En général, il s’agit d’un public issu des classes moyennes, mais aussi de personnes en situation de précarisation. Les clients sont-ils plus ou moins fidèles que dans les premières années ? D. C. : Les groupes de consommateurs, en général, sont assez stables, mais avec un taux de turn-over non négligeable. La demande des consommateurs amapiens excède-t-elle parfois l’offre (et comment se fait l’ajustement si c’est autrement que par le prix) ? D. C. : Il y a une grande variété de situations selon les Amap. Le rapport qualité-prix et volume de marchandises d’un panier est important. Lorsqu’il y a un problème, l’ajustement se fait plutôt par la discussion et la négociation, avec éventuellement la médiation du réseau d’Amap. Le prix n’est pas le seul élément. Le modèle Amap résiste-t-il bien à la crise actuelle, qui prédispose plutôt les consommateurs à chercher les prix les plus bas ? D. C. : Les consommateurs qui s’approvisionnent en Amap veulent se nourrir en soutenant l’agriculture paysanne, avec des produits bio locaux. Le prix le plus bas n’est pas forcément l’aspect le plus déterminant. Quels sont les principaux obstacles qu’Alliance Provence a connus et auxquels elle est encore confrontée ? D. C. : Elle a été confrontée à des problèmes structurels liés à la croissance exponentielle des Amap depuis près de douze ans : nécessité de crédibiliser le réseau des Amap, de garantir l’éthique, le soutien et l’accompagnement des Amap et des producteurs. Quel est le poids des normes, pour le modèle d’agriculture paysanne que vous défendez ? D. C. : Enorme ! En matière de paquet hygiène, les normes françaises dérivées des règlements européens sont directement issues des références de l’industrie agroalimentaire, et pas du tout adaptées au mode de fonctionnement des ateliers fermiers. Quel risque prend un producteur qui vend en Amap des tomates ne répondant pas aux normes de calibrage du règlement 790/2000 ? D. C. : Aucun. La diversité fait partie des contraintes et des atouts d’un panier Amap. Les variétés anciennes, oubliées et non normées, sont plutôt bien accueillies. Les politiques des collectivités locales, de la commune à la région, vous ont-elles été plutôt favorables ou préjudiciables ? D. C. : Elles sont très inégales selon les territoires et le niveau d’engagement des élus sur les questions agricoles et d’alimentation. Mais les réseaux d’Amap n’auraient pas pu se développer sans le soutien des collectivités territoriales. La distribution en Amap sait-elle mesurer son impact environnemental ? Que répondez-vous à l’avis de l’Ademe1 ? D. C. : En général, les modes de production en agriculture paysanne biologique sont plus autonomes, économes et beaucoup moins carbonés que ceux de l’agriculture intensive, même locale. Le système Amap n’est donc pas directement concerné par les réserves (au demeurant pertinentes) émises par l’Ademe. La grande distribution, c’est l’ennemi ? D. C. : Pas l’ennemi, mais l’autre. Le système Amap se veut une alternative à la grande distribution, en particulier en termes de maintien de la souveraineté alimentaire pour chaque territoire. L’objet de l’Amap est de nourrir les individus de façon durable par le maintien d’une agriculture paysanne sur chaque territoire. Celui de la grande distribution, en dehors de réaliser des profits, consiste à nourrir la population à flux tendus, avec soixante-douze heures de stocks alimentaires négociés sur le marché mondial. En cas de dérèglement climatique ou de flambée des prix de l’énergie, le système de la grande distribution pourrait s’avérer très vulnérable, et ne plus être en capacité de nourrir correctement la population. 1. « Si dans le cadre des circuits courts, les produits parcourent une distance plus faible, les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas, pour autant, systématiquement plus faibles » (http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=25248).

Propos recueillis par F. E.

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