Bulletins de l'Ilec

Le bien-être par la connaissance - Numéro 433

01/03/2013

Lancé en 2006, l’Observatoire Nivea compte dix-sept cahiers consacrés au savoir sur le corps et le paraître. Conçu en collaboration avec des chercheurs du CNRS, il a reçu le prix « Amélioration du quotidien des consommateurs ».

Résumez-nous l’action de RSE pour laquelle votre société a été distinguée par le jury de l’Essec. Helen Willems : Nous avons été primés pour l’Observatoire Nivea, un observatoire scientifique qui décrypte les cultures du corps et du paraître dans la société, de façon à permettre à chacun dans un public varié, du plus large au plus scientifique, de mieux comprendre son corps et sa consommation pour le corps et le paraître, et d’apporter un éclairage sur ses comportements. Votre dossier de candidature parle de « vraie approche RSE car désintéressée du marketing et de la marque ». Un bénéfice commercial ou marketing éventuel invalide-t-il toute action RSE ? Votre action ne vise donc à aucun avantage concurrentiel ? H. W. : Bien entendu, un bénéfice partagé, commercial ou marketing, peut tout à fait être associé à une action RSE, et nous le faisons, d’ailleurs, quand nous vendons des produits « partage Nivea » dans le cadre de partenariats avec des enseignes. Mais dans le cas de l’Observatoire Nivea, notre approche n’étant ni marketing ni commerciale (rien n’est vendu), nous sommes littéralement dans un projet de responsabilité sociétale de l’entreprise, cette responsabilité consistant à fonder un observatoire scientifique, indépendant d’elle, qui questionne les pratiques et usages sociaux liés au secteur du monde marchand dans lequel elle intervient. Les chercheurs sont libres d’aborder les questions qu’ils veulent, quitte à s’interroger sur ce qui se joue, dans la quête de la jeunesse éternelle ou de la ligne parfaite, ou dans le développement des soins pour hommes. Notre action ne fera probablement pas vendre directement plus de produits Nivea, aussi on ne peut pas parler d’avantage concurrentiel. En revanche, nous pensons que cette action peut singulariser la réputation de Nivea comme marque entreprise et renforcer sa personnalité d’acteur engagé, qui a un souci sincère des autres et du partage du progrès ; cela nous rend fiers et donne du sens à ce que nous faisons. On peut lire aussi dans votre dossier de candidature cette formule loin de l’orthodoxie financière : « Le ROI [rendement de l’investissement] se mesure en valeur de savoir diffusé ». Y a-t-il un moyen d’apprécier cette valeur ? H. W. : A partir du moment où notre approche n’est pas marchande, si comme l’Essec on nous pose la question du ROI, nous pouvons répondre que nous subventionnons l’Observatoire Nivea non pour gagner de l’argent, mais pour diffuser de la connaissance. Comment valorise-t-on cette connaissance ? En utilisant les critères de performance de nos autres activités : nous comptons le nombre de fois où un contenu a été ou sera potentiellement « consommé » par une personne : nombre de téléchargements de cahiers et de vidéos, nombre d’entrées dans les conférences ou expositions, audiences des titres qui reprennent des citations de l’Observatoire, etc. Pour nous, ce qui compte ici, c’est que le coût par contact diminue et que le nombre de contacts grand public augmente. Je reconnais que cette valorisation est exclusivement quantitative ; nous aimerions avoir aussi une valorisation qualitative, qui serait d’ailleurs très profitable à tous les systèmes de mesure des performances, mais c’est un autre débat… L’écologie corporelle est-elle en soi du domaine de la RSE ? H. W. : Oh que oui, pour une entreprise qui intervient dans le soin cosmétique ! D’un côté, la responsabilité sociétale désigne la responsabilité d’une entreprise vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, ce qui se concrétise, entre autres, par un comportement favorisant la santé et le bien-être, et par une gouvernance éthique. De l’autre, l’écologie corporelle s’intéresse au développement d’une conscience corporelle apte à favoriser tant le bien-être que l’écoute, le respect et la connaissance de soi par soi, une éthique de soi en quelque sorte. Je vois beaucoup de points communs entre écologie corporelle et RSE. D’ailleurs, vous me tendez une perche, on pourrait imaginer une RSC, une responsabilité sociétale du corps, par rapport au fait de société du corps et du paraître qui a explosé ces dernières années, avec des enjeux sérieux de responsabilité tant individuels que collectifs. Votre action ne s’apparente-elle pas aussi à une démarche de « contenu de marque » ? H. W. : Pas vraiment : le contenu n’est créé ni par ni pour la marque Nivea, mais par des chercheurs indépendants, pour la recherche en sciences humaines. Ajoutons que la qualité du contenu a une profondeur qu’on trouve rarement dans les contenus de marque. S’il en allait autrement, il n’y aurait pas d’Observatoire Nivea, car les chercheurs le quitteraient. L’Observatoire Nivea n’est-il pas une démarche un peu élitiste ? H. W. : Les contenus en première lecture ne sont pas grand public et nous l’assumons. Si on les appauvrissait, on perdrait la vocation de l’Observatoire Nivea, qui est de délivrer des connaissances de qualité, et on perdrait nos chercheurs et la relation que nous avons avec le CNRS depuis maintenant six ans. C’est là qu’intervient Beiersdorf et sa RSE : son rôle est de diffuser ces savoirs auprès de « passeurs de contenus » impliqués par le sujet – nous ne faisons pas d’intox –, dont les réflexions seront nourries durablement, à court ou à plus long terme : des journalistes, des éditeurs (Armand Colin prochainement), des institutions culturelles (la Cité des sciences, ce printemps), qui vont les mettre à disposition d’un plus vaste public. Certains contenus de l’Observatoire Nivea ont été repris dans des magazines féminins grand public comme Femme Actuelle ou Prima, pour n’en citer que deux. Ils y sont bien sûr édulcorés, mais ils nourrissent le contenu des articles. Armand Colin a aussi retravaillé un peu les textes, afin que la collection de livres qui va sortir cette année puisse être vendue en librairie. Enfin, Nivea réalise de petites vidéos très courtes postées sur le site de la marque. Nous préférons vraiment produire la crème de la crème – c’est le cas de le dire –, et la distribuer à la petite cuillère, elle gardera son goût savoureux, plutôt que de brasser à la louche et distribuer des litres d’ersatz insipide…

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