Bulletins de l'Ilec

L’extérieur et l’interne - Numéro 433

01/03/2013

Une entreprise souhaitant construire une démarche RSE légitime doit s’appuyer sur du solide, qui peut ne pas dépendre d’elle (expertise scientifique indépendante) ou tout lui devoir (motivation des salariés).

Quelles sont les démarches les plus attendues par les citoyens et les consommateurs en matière de RSE ? Thierry Maillet : Les démarches d’honnêteté et de transparence sont, bien sûr, les plus attendues. On peut construire la RSE de manière directe et indirecte. De manière directe quand les consommateurs s’informent sur les sites des entreprises. De manière indirecte, par le relais des faiseurs d’opinion, médiateurs, associations de consommateurs, associations professionnelles, la presse, les salons… Les actions de RSE sont-elles encore souvent suspectes d’être des faux-semblants, agités par des entreprises surtout préoccupées de réduire les contraintes sociales ou environnementales ? Le « marketing sociétal » n’est-il pas perçu par une partie des consommateurs comme une manière, pour l’entreprise, de se « racheter » ? T. M. : Il faut tout faire pour éviter cette mauvaise perception, réduire la zone d’incertitude en actionnant les moyens indirects. La bataille du diesel est un futur cas d’école dans le domaine de la RSE. Qui, des deux constructeurs français, a choisi la bonne voie ? L’un défend la non-nocivité du diesel, l’autre est plus circonspect. Le diesel ne serait pas nocif sur des moteurs chauds et roulant longtemps mais il le serait avec des moteurs froids ! Les constructeurs doivent prendre appui sur les compétences des universitaires, mais il ne revient pas à l’entreprise de tenir un discours scientifique, qui relève de la seule autorité et légitimité des chercheurs. Y a-t-il une mode RSE après la mode développement durable ? T. M. : Non. Il y a plus simplement un discours et la réalité. Dans le premier, il peut y avoir des modes, des effets d’annonce ; la seconde court sur le long terme. Ce qu’on appelait hier développement durable se nomme aujourd’hui économie circulaire. Il faut distinguer l’appellation de la problématique, qui, elle, ne change pas sur la longue durée. Les grands défis demeurent qui portent sur la maîtrise des risques environnementaux. L’impact marketing d’une action RSE est-il très dépendant de sa proximité au produit (composition, logistique, politique de filière…) ou de son éloignement (actions socio-humanitaires, sportives ou culturelles…) ? T. M. : Je suis un homme de produit et non de marque. C’est le produit qui prime. Les produits sont des réalités, les marques sont des constructions. Ce qui n’interdit pas aux marques de faire leur travail de représentation. Les engagements RSE seraient-ils la meilleure manière de fidéliser à une marque à long terme, au-delà des bénéficiaires directs (par exemple les enfants de ceux qui ont bénéficié d’une action sociale, éducative ou professionnelle) ? T. M. : Oui. Les premiers clients d’une marque sont ses salariés. La meilleure façon de relancer une marque en crise est de mettre en valeur son engagement sur le plan du développement durable et de la RSE ; il faut donner envie aux clients de travailler avec l’entreprise, jouer sur l’émotion des gens. C’est ce que devrait, par exemple, faire Spanghero : développer une RSE saine pour mobiliser les équipes. Jusqu’où l’entreprise peut-elle pousser le curseur sur l’échelle de l’engagement sans perdre sa mission première ? T. M. : Une célèbre marque de biscuit promeut le « champ des possibles ». Est-ce son rôle ? La marque ne va-t-elle pas trop loin ? Ou bien doit-elle aller au bout de la logique et faire, par exemple, un livre vert sur la PAC en collaboration avec des chercheurs dans lequel la marque prend positon ? La marque sort de son territoire quand son discours se déconnecte de la réalité. Pour autant, ce même discours peut avoir une vertu d’entraînement de l’ensemble des salariés vers un but commun. La limite, pour l’entreprise, est de nature politique : il ne lui revient pas d’en faire. Ajoutons l’impact de la RSE et de l’engagement sur le recrutement : une entreprise peut-elle attirer les talents quand son discours extérieur et sa réalité intérieure entrent en dissonance ? La validation de la RSE se fait sur le plan du recrutement, dans l’alignement des réponses du recruteur et de celles que la marque propose aux consommateurs. L’engagement sociétal ne témoigne-t-il pas des insuffisances de l’action publique ? T. M. : Non, car de tout temps les entreprises se sont engagées sur le plan sociétal. Quand une entreprise décide, au début du xxe siècle, de supprimer l’alcool dans les ateliers, elle fait un acte de RSE. Quand une autre, bien avant la loi, décide l’interdiction de la cigarette, cela relève aussi de la RSE. Il y a complémentarité, porosité entre le monde de l’entreprise et celui du politique.

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