Bulletins de l'Ilec

Intégration stratégique - Numéro 434

01/04/2013

Le grand prix Essec « Industries de consommation responsable 2013 » montre que les voies de la RSE sont nombreuses, toujours perfectibles et ouvertes à toutes les entreprises. Et que développement durable et modèle économique sont voués à se confondre. Entretien avec Elisabeth Laville, fondatrice d’Utopies et de Mescoursespourlaplanete.com.

Lors de la première sélection, les étudiants ont-ils eu à écarter des dossiers dont la sincérité ou le sérieux étaient douteux ? Auriez-vous abouti à la même liste de « nommés » ?

Elisabeth Laville : Je suis assez mal placée pour répondre à cette question, car, en tant que membre du jury, nous n’avons par définition que peu de connaissances des dossiers qui ne nous sont pas présentés, et encore moins sur ce qui motive cette non-sélection. Je ne crois pas avoir entendu parler de tels cas. Au contraire, j’ai trouvé, et il m’a été rapporté, que de manière générale les dossiers étaient plutôt très bons, très argumentés et chiffrés (investissements, résultats obtenus…).

A-t-il été difficile de choisir entre les dossiers retenus pour chaque prix ?

E. L. : Cela dépend des catégories de prix : pour la gestion des ressources naturelles, où nous avons finalement récompensé Lesieur Fleur de Colza, les débats ont été animés, et les premiers choix, assez dispersés, ne laissaient pas présager l’issue du vote. Il a fallu plusieurs tours de table pour dégager un vainqueur. A l’inverse, pour la gestion des énergies, le choix de la palette en carton d’Unilever a été unanime, dès le premier tour : le fait qu’il s’agisse d’une vraie rupture technique, et d’une initiative ambitieuse partie de la France qui s’est répandue dans l’activité et réussit même à entraîner le secteur, a convaincu chaque membre du jury environnement. Enfin, pour le troisième prix, écoconception, la discussion a été à nouveau serrée, mais entre deux candidats seulement, le lauréat Rainett (Wener & Mertz) et une autre PME…

Mettre en avant des actions récentes « responsables » ne porte-t-il pas à croire qu’avant, les entreprises avaient des comportements irresponsables ?

E. L. : Non, pas plus que le fait de mettre en avant de bonnes pratiques actuelles « responsables » ne veut dire que tout ce que fait l’entreprise en question est au même niveau de responsabilité sociale ou environnementale. Le développement durable est fondamentalement une démarche de progrès, et même les entreprises les plus avancées, comme Interface (numéro un mondial des dalles de moquette et pionnier de l’écologie industrielle), disent qu’elles ont une montagne à gravir et qu’elles n’ont fait que les premiers pas… Comment s’orchestre ce progrès, quel que soit le sujet ? En général, l’entreprise prend conscience d’un enjeu social et environnemental nouveau et pertinent pour ses activités, soit parce qu’elle est confrontée à une difficulté qui y touche, soit parce que les médias en parlent, soit parce qu’une ONG mène campagne sur le sujet, soit parce qu’un enjeu similaire se pose dans un autre secteur d’activité… Puis elle essaie de comprendre en quoi ses activités l’exposent particulièrement à cet enjeu, idéalement en dialoguant avec les parties prenantes concernées par le sujet. Et elle essaie de comprendre aussi quels sont ses leviers pour agir en la matière, directement ou indirectement. Elle peut alors entrer dans une phase de progrès, marquée par un engagement, la fixation d’objectifs, le suivi de la performance, etc. On ne peut pas dire qu’avant cela l’entreprise est irresponsable, puisque la plupart du temps elle n’avait pas même connaissance du problème.

Aucun des prix ne paraît faire écho à des sujets sensibles de l’actualité de l’hiver dernier, comme l’huile de palme.  Le jury a-t-il évité de récompenser des actions qui, a contrario, auraient dénoncé d’autres marques connues pour ne pas les entreprendre ?

E. L. : Pour ce qui concerne le prix environnement, les actions récompensées font écho à une tendance de fond sur les questions de développement durable : montrer qu’en ces temps de crise le développement durable est source d’innovation, de différenciation des marques et de performance économique. Le sujet de l’intégration des stratégies développement durable et des stratégies business est central. Et naturellement, si vous récompensez Lesieur Fleur de Colza ou Danone (qui a eu le grand prix avec notamment « Acteurs pour un lait durable »), ce n’est pas tant une façon de dénoncer les entreprises qui ne parviennent pas, ou n’essaient pas, de faire de leur engagement développement durable un levier de développement de leurs ventes et de différenciation de leurs marques, qu’une façon de leur montrer la voie et de les encourager à plus d’audace et d’engagement. Spécifiquement, nous n’avons, de fait, pas eu de dossier candidat sur l’huile de palme, mais si tel avait été le cas, nous n’aurions sûrement pas hésité à récompenser une action de qualité.

La diversité des prix et leur distribution égale entre volets environnementaux et volets sociaux est-elle un rappel aux fondamentaux du « développement durable » (croissance + environnement + social) ?

E. L. : Sans doute. De plus en plus, la tendance à l’intégration des stratégies que j’ai évoquée risque de compliquer le cloisonnement du prix en catégories. Par exemple, Lesieur Fleur de Colza est autant un engagement environnemental qu’un engagement social auprès des agriculteurs, dont il s’agit de revaloriser le travail et le rôle.

La durée, l’ancienneté de l’engagement, a-t-elle été un facteur décisif de distinction aux yeux du jury ?

E. L. : Oui et non. Pour être récompensée, une action doit déjà avoir fait la preuve de son succès, avoir obtenu des résultats et avoir prouvé sa capacité d’entraînement. Mais nous avons aussi été attentifs à récompenser des actions récentes, pas forcément connues de tous.

Propos reccueillis par J. W.-A.

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