Bulletins de l'Ilec

Création de valeur partagée - Numéro 434

01/04/2013

En protégeant, tout en le valorisant à l’avantage de tous, l’environnement naturel de la source Vittel, Agrivair est un modèle de prise en charge privée des « services » rendus par la biodiversité. Entretien avec Christophe Klotz, directeur d’Agrivair, filiale de Nestlé Waters France.

Résumez-nous en quelques mots l’action de RSE engagée il y a vingt ans pour laquelle Vittel a été distingué par les étudiants de l’Essec (mention spéciale « initiatives innovantes et visionnaires »).

Christophe Klotz : Au cours des années 80, le territoire de la source Vittel comportait une majorité d’exploitations agricoles de plus en plus utilisatrices d’engrais chimiques, de pesticides et d’herbicides. A ce rythme, après une trentaine d’années, le bassin d’alimentation de la source courait le risque d’une pollution telle que la production d’eau minérale aurait été menacée. En 1992, Agrivair a été créée afin de mettre en pratique les préconisations de l’Inra pour concilier protection de la qualité des ressources en eaux et développement économique local à long terme.

Un industriel qui promeut un modèle agricole extensif, est-ce une exception qui confirme une règle ?

C. K. : La démarche Vittel-Agrivair est un modèle pionnier de développement durable et local. La politique de protection partenariale autour de la source Vittel est régulièrement citée comme un exemple de « paiement pour services environnementaux » (PSE)1, c’est-à-dire de prise en charge par une entreprise privée, en partenariat avec des acteurs locaux, de « services » rendus par les écosystèmes. Il y a dans le monde peu d’exemples de territoires de taille équivalente où une entreprise et ses parties prenantes valorisent avec succès de tels services.

Protéger l’écosystème, n’est-ce pas un des principes fondamentaux, pour une marque d’eau minérale ?

C. K. : L’exploitation des ressources en eaux de qualité est en effet inséparable de la protection de leur environnement immédiat. Nous allons plus loin que la réglementation des eaux minérales naturelles en vigueur. Par exemple, la politique agricole alternative durable mise en place suit un impératif, fixé par Nestlé Waters France, de 10 mg par litre comme seuil de taux de nitrates. Ce seuil maximal que nous nous sommes imposé est largement inférieur à celui fixé par la réglementation. Cette politique de protection menée dans le bassin vosgien, concertée et volontariste, est pionnière. Elle a amené les parties prenantes à travailler ensemble : adoption par les agriculteurs d’un modèle agricole alternatif « zéro pesticides », engagement des entreprises, des collectivités et des particuliers, et application de solutions où l’arbre retrouve une place centrale. La démarche va au -delà de la protection de l’écosystème et de la qualité de l’eau : elle permet de créer de la valeur partagée avec l’ensemble d’un territoire.

Ce type d’action vise-t-il aussi à être un avantage concurrentiel ? Comment les consommateurs de la marque sont-ils informés ?

C. K. : L’entreprise doit se présenter comme un modèle pour susciter une prise de conscience collective et entraîner ses clients consommateurs vers l’adoption de comportements plus durables et responsables. Montrer que, entre autres, préserver la ressource en eau fait vraiment partie des préoccupations de l’entreprise est important, si l’on veut contribuer à l’évolution des mentalités. La communication au grand public est portée en ce sens, et les consommateurs sont informés de ces actions par des communications en grandes surfaces ; la démarche est relayée sur les sites internet de Nestlé Waters France et de Vittel, ou à l’occasion de tables rondes.

Avez-vous fait école auprès d’autres entreprises du groupe et au-delà ?

C. K. : Oui, notre modèle a fait école dans l’entreprise Nestlé Waters France par son caractère avant-gardiste. Par exemple à Vergèze, dans le Gard, où est embouteillée l’eau minérale naturelle Perrier, afin de protéger cette ressource rare dans un périmètre complexe où l’activité humaine est omniprésente : agriculture méditerranéenne typique et concentration de tous les modes de transport (rail, bientôt TGV, route nationale et autoroute). Le site a établi un périmètre de protection, fondé sur le principe de précaution dans une zone réaliste, définie à partir des circuits d’eau. Les principaux efforts se concentrent sur trois mille cinq cents hectares, couvrant cinq communes et sept mille habitants.

En cette importante année 2013, déclarée « année internationale de la coopération dans le domaine de l’eau » par les Nations unies, notre modèle est la preuve que « construire ensemble » est primordial. C’est un élément clé pour bâtir durablement un projet. En vingt ans, une trentaine de fermes ont adopté le nouveau système, déployé dans dix-sept communes, dans une zone de plus de onze mille cinq cents hectares… Nous sommes entourés de parties prenantes locales qui ont adhéré à la démarche et partagent notre vision d’un développement alliant écologie et économie. Cette vision est porteuse de nouveaux projets d’avenir partagés, pour la source Vittel et le territoire qui l’entoure.

1. Ce concept est exposé en détail dans une synthèse de l’Engref disponible à l’adresse www.agroparistech.fr/IMG/pdf/mtp-synth08-Boisset.pdf (NDLR).

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