Bulletins de l'Ilec

Cacophonies  ? - Numéro 444

01/08/2014

L’UFC revendique une information simplifiée sur l’emballage des produits alimentaires. Pour l’environnemental ou le social, la pertinence de l’information ferait encore question. Entretien avec Olivier Andrault, chargé de mission alimentation et nutrition, UFC Que choisir

Le risque « d’infobésité » concerne-t-il le secteur alimentaire  ?

Olivier Andrault  : Dans le domaine alimentaire, les consommateurs sont effectivement submergés d’informations, souvent contradictoires, qui ont d’abord comme supports la publicité émanant des marques, information par nature parcellaire qui fait la part belle à des présentations artificieuses, instrumentalisant le rêve ou la tradition sans rapport avec la réalité des produit et de leur mode de fabrication. Les médias généralistes constituent une autre source majeure d’information présentant à l’inverse une vision trop souvent catastrophiste. Enfin, les emballages des aliments ajoutent à cette confusion avec des étiquettes surchargées d’allégations marketing. Trouver sur les produits les mentions réglementaires, alors qu’elles sont les seules informations factuelles utiles, devient un jeu de piste  : liste des ingrédients en caractères minuscules, date limite dissociée des autres mentions réglementaires et dissimulée dans un coin de l’emballage… Quant à l’information nutritionnelle, je défie quiconque de la comprendre. L’UFC apporte des informations qui permettent de s’y retrouver dans cette cacophonie.

Qu’y a-t-il à attendre en France du règlement Inco UE 1169 ?

O. A  : Pas grand-chose  ! Nous sommes déçus, car les consultations sur le projet avaient suscité des attentes importantes parmi les associations européennes, en vue d’informations plus compréhensibles et utilisables. Par exemple, il avait été envisagé avec la Commission européenne de regrouper en un endroit les informations réglementaires essentielles au consommateur, dans un cadre spécifique, ou encore de simplifier les descriptifs trop compliqués de certains ingrédients, voire de retravailler le mode de présentation de la liste des ingrédients, pour mieux faire ressortir la part des ingrédients majoritaires dans la composition du produit. Nous voulions un étiquetage nutritionnel enfin compréhensible.

Ces propositions sont restées lettre morte. Le règlement ne fait que toiletter la directive précédente, en des termes quasiment identiques. Seul maigre apport  : l’étiquetage nutritionnel devient obligatoire. Malheureusement, dans un format qui demeure incompréhensible. Sur l’indication de l’origine des ingrédients, nous n’avons obtenu l’extension de l’obligation qu’aux viandes fraîches, mais pas aux produits transformés, alors qu’ils constituent l’essentiel de notre consommation en Europe. Rien non plus sur l’indication du lieu de fabrication  : on se contente, comme dans la directive précédente, du nom et de l’adresse du responsable de la dernière commercialisation, qui peut n’être qu’une boîte aux lettres. Le poids de lobbies industriels a joué contre nous. Une occasion perdue.

À l’ère d’Internet, ne doit-on pas utiliser les moyens modernes de communication pour informer le consommateur en temps réel  ?

O. A. : Depuis longtemps, les industriels suggèrent d’utiliser les outils modernes de communication pour transférer sur des bornes interactives en magasin ou sur Internet une partie des informations figurant sur l’étiquette. Si ces outils peuvent jouer un rôle utile en complément, ils ne peuvent en aucun cas se substituer à l’emballage des produits alimentaires. Leur emballage demeure au xxie siècle le vecteur le plus efficace des informations essentielles, car il suit le produit tout au long de sa vie, depuis l’achat (examen de la date de péremption, de la composition, des problèmes d’allergie…) : stockage, respect des conditions de conservation, conditions d’utilisation et consommation. Tous les consommateurs ne sont pas équipés d’ordinateur et de smartphone, ou ne les ont pas sous la main au moment de consommer le produit.

Le règlement aurait-il dû inclure une extension de l’information exigible aux impacts environnementaux, sociaux, etc. ?

O. A  : Intégrer ces nouvelles exigences au règlement Inco aurait été prématuré. Dans le principe, il est nécessaire d’aller plus loin en termes environnementaux, sociaux, éthiques. Mais il subsiste des déficits de connaissance, ou de consensus, parmi les experts. Par exemple dans la manière de mesurer le bilan carbone, la détermination du début et de la fin du cycle de vie, qui peuvent avoir pour effet des notations très différentes selon les modes de calcul. Les professionnels peuvent contribuer de manière prospective, mais ce sont les experts qui devront trancher.

Et au-delà de l’expertise se pose la question de la mise en œuvre de telles exigences d’information  : selon nous, elles n’ont pas vocation à rester de simples options marketing pour lesquelles les consommateurs devraient payer plus cher. Il reviendra aux états et à la Commission européenne d’établir des standards obligatoires et applicables à tous les opérateurs.

Propos recueillis par J. W.-A.

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