Bulletins de l'Ilec

Compétence relative, expertise recherchée - Numéro 444

01/08/2014

Les demandes potentielles d’information sont multicritère. Un défi à l’inventivité des points de vente comme des marques. Entretien avec Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce

Les consommateurs sont-ils désireux d’être toujours plus « experts » ? Frank Rosenthal  : Dans une grande mesure, oui. Pour au moins trois raisons. D’abord, de nombreux outils technologiques faciles d’accès et presque sans coût additionnel  : le consommateur utilise pour accéder à des contenus d’information les sites Internet des enseignes et des marques, les forums et les blogs, les avis de consommateurs, les posts sur les réseaux sociaux… Et les outils et supports traditionnels imprimés existent toujours  : prospectus, magazines d’enseignes, guides et conseils pratiques… Deuxième raison  : des arbitrages de pouvoir d’achat de plus en plus fréquents. Plus que d’acheter au meilleur prix, qui n’est pas le prix le plus bas, il s’agit pour un consommateur de préparer ses achats dans une perspective de « value for money » [rapport qualité-prix]. La question est, à budget donné, d’en avoir pour son argent, d’avoir la meilleure réponse liée à son usage et à son budget. C’est différent de la recherche du prix le plus bas, car l’expérience client et les conditions d’achat et d’usage comptent aussi. Cette recherche rassure les consommateurs et les encourage à investir. Plus leur étude de préachat est complète, et c’est en cela qu’ils deviennent experts, plus ils sont certains d’avoir la meilleure value for money, et sont rassurés pour passer à l’acte d’achat. Enfin, les évolutions techniques de plus en plus rapides obligent à bien s’informer. C’est particulièrement vrai sur les marchés de la télévision ou du mobile. Ai-je raison de me doter de la dernière technologie  ? Qu’est-ce qu’elle apporte  ? Dans quelles conditions mon précédent matériel peut m’être repris  ? Ce sont des questions systématiques. La quantité d’information attendue est-elle corrélée à une plus ou moins grande inclination pour la consommation dite responsable  ? F. R. : Oui, cela fait partie des informations additionnelles dont on a besoin, même si, dans la hiérarchie des priorités, cette consommation responsable n’arrive pas dans les premières positions – je ne parle pas du déclaratif mais de la réalité. La consommation responsable est de plus en plus présente dans le discours des marques, et les demandes d’informations des consommateurs sur ces sujets sont de plus en plus souvent satisfaites. L’initiative de Prodimarques cet été avec la campagne et le site Lesgrandesmarquessengagent.com illustre cette tendance. Pour Bonduelle par exemple, beaucoup de consommateurs auront appris que la marque offre à la Banque alimentaire tous ses produits non commercialisables mais parfaitement consommables et que les usines de produits frais donnent à des associations locales les surplus de fabrication journaliers. Autre exemple, Fleury Michon et la préservation des emplois  : on apprend que 92 % des 3 115 fournisseurs de la marque sont basés dans l’Hexagone. Une information nécessaire dans le contexte d’aujourd’hui et plus encore de demain  ! En magasin, un consommateur sur le point d’acheter un produit s’intéresse-t-il à autre chose qu’à ce qui concerne le produit en lui-même (conditions et commodité d’utilisation, pour l’alimentaire goût et ingrédients, pour les autres produits efficacité, longévité, etc.) ? F. R. : Cela dépend des produits et des circuits. Mais, oui, il s’intéresse aussi à la marque. Quand un consommateur achète une marque de distributeur, son raisonnement se fait avant tout au produit. Pour la marque, c’est différent. Pour les produits technologiques, c’est une évidence que les critères d’achat sont multiples. Pour les produits alimentaires en hyper et supermarchés, avec un temps moyen limité à une heure, il faut aller vite  : difficile de prendre en compte tous les critères. Mais de plus en plus de consommateurs ont compris qu’il faut comparer les prix de promos en tête de gondole avec les prix en fond de rayon. Et qu’on compare les prix au kilo et au litre. Ils intègrent aussi, de plus en plus, les ingrédients, les calories… En fait, on voit croître la demande d’information des consommateurs, mais la réponse change peu en points de vente. C’est avant tout l’emballage qui répond. Les étiquettes en rayon (surtout les étiquettes électroniques) se concentrent sur le prix. En Belgique, Colruyt utilise cette étiquette comme guide d’achat, en y faisant figurer les principaux critères  ; sans que le chaland ait à manipuler le produit et l’emballage, cela lui permet de choisir en fonction des critères importants pour lui. Colruyt n’utilise pas les étiquettes électroniques  ; le code QR ne correspond pas au comportement et au temps disponible d’un consommateur qui met trente articles dans son chariot. Mais le smartphone sera de plus en plus utilisé, car sa présence en général est de plus en plus forte – et son coût est pour le consommateur. Toujours plus d’information sur les produits pourrait-il finir par retirer son utilité, sa raison d’être, à la marque  ? F. R. : Oui et non. Oui, si la marque est noyée par les informations produits  : lesquelles sont réellement nécessaires – et obligatoires  ? Non, si la marque et son rôle apparaissent clairement. Les grandes marques ont tiré la croissance des produits de grande consommation ces dernières années. Preuve en est la désaffection des consommateurs pour les premiers prix et le maxidiscompte. La multiplication des informations obligatoires ou attendues par les consommateurs incite, à place identique, à travailler plus lisiblement l’emballage, dont la première fonction marketing est d’avoir de l’impact en linéaire. Enfin, plus l’offre est abondante, plus la marque doit jouer un rôle  ; cela signifie que le positionnement des marques et son expression distinctive et claire n’ont jamais été aussi importants. Propos recueillis par F. E.

Propos recueillis par F. E.

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