Bulletins de l'Ilec

Promouvoir un levier d’innovation - Numéro 448

01/04/2015

Avec les « prix des industries de la consommation responsable » de l’Essec, ce sont les représentants de nombreuses parties prenantes mais aussi des dirigeants de ce secteur demain qui récompensent les meilleures initiatives RSE d’aujourd’hui. Pour inscrire la responsabilité au cœur de l’innovation. Entretien avec Rémy Gerin, directeur exécutif de la chaire grande consommation de l’Essec

Il y a eu moins de dossiers cette année u’en 2012-2013. Quelles sont les raisons de cette baisse ?

Rémy Gerin : Les industriels participants ont présenté des démarches nouvelles par rapport à la première édition ; en deux éditions, recevoir 135 dossiers présentant des initiatives RSE (84 pour la première édition, 51 pour la seconde), c’est la preuve d’un engagement fort et dans la durée des industriels de PGC sur ces sujets. Lors de cette deuxième édition, les dossiers présentaient plutôt des démarches innovantes, engagées et déployées ces deux dernières années. Fabienne Chol, directrice de l’Institut national de la consommation et membre du jury, a souligné lors de la remise des prix, le 6 mars, la grande qualité des dossiers reçus : « D’une édition à l’autre, nous disait-elle, on a l’impression que l’expertise est toujours plus grande ».

Aucun libellé des prix ne mentionne les notions de compétitivité, de retour sur investissement, comme si on ne les assumait pas. N’est-ce pas favoriser la RSE habillage au détriment de la RSE cœur d’activité ?

R. G. : Aucun libellé ne mentionne cela, parce que ces questions sont présentes dans le dossier de candidature ; tous les dossiers sont très détaillés, argumentés et chiffrés (investissement, résultats). Le développement durable en tant que levier d’innovation, de performance économique et de compétitivité est un principe acquis et souligné dans quasiment tous les dossiers reçus. L’ancrage des initiatives dans la stratégie de l’entreprise, la façon dont les candidats ont abordé les enjeux économiques lors de son déploiement, sont des questions posées dans le dossier ; nous accordons de l’importance à l’évaluation des résultats et à la projection à moyen ou long terme des actions menées, sur le plan sociétal et sur celui de la croissance.

Les critères de sélection des dossiers sont pour toutes les catégories le caractère innovant, le déploiement, les résultats et la vision. J’invite à lire les dossiers lauréats sur notre site www.grandprix-consommationresponsable.com. Seb, lauréat du Grand Prix 2015, inscrit son engagement dans une démarche « éthique, économiquement rentable, et écologiquement responsable ». L’objectif d’équilibre économique a été inscrit dans son projet de création d’une filière de recyclage des articles culinaires.

Le développement durable, source de créativité et d’innovation, économiquement rentable, c’est aussi par exemple le projet d’entreprise de Novamex, lauréat du prix « amélioration du quotidien du consommateur » avec sa gamme de produits d’entretien excluant toute substance allergène cutanée ou sensibilisante. Dans les dossiers des industriels liés à l’environnement ou à l’écoconception, il s’agit de produire en étant viable économiquement et d’intégrer les axes d’éthique et de responsabilité dans l’activité de l’entreprise.

Pourquoi le prix « solidarité » est-il devenu « responsabilité civique » – n’est-ce pas une autre façon de nommer la RSE en général ?

R. G. : Nos étudiants chargés de la mise en œuvre de ce prix nous ont recommandé cette évolution, pour ne pas nous positionner dans le seul mécénat. Et nous avons trouvé que c’était une bonne idée, comme souvent de la part de nos étudiants, qui ont un autre regard sur le monde…

Parmi les dossiers de candidature, en avez-vous reçu de fabricants de marques de distributeurs (sous-marques d’enseignes ou marques propres) ?

R. G. : Refresco, intervenant majeur dans l’embouteillage de boissons à marques d’enseignes, avait présenté deux dossiers lors de la première édition du Grand Prix ; l’un concernait une démarche de partenariat avec neuf établissements et services d’aide par le travail (Esat) pour favoriser l’emploi de personnes en situation de handicap mental, le deuxième était une action développée avec l’Établissement français du sang (EFS), visant à développer le don du sang, et parallèlement à sensibiliser au recyclage des canettes.

Cette année, il n’y a pas eu de fabricants de marques de distributeurs ; peut-être dans deux ans ? Nous le souhaitons, car il est intéressant d’avoir des profils d’entreprises différents, tant en taille qu’en type d’activité ; cela enrichit les échanges, notamment dans l’ouvrage que nous publions pour présenter à l’ensemble du secteur les démarches primées. Nous souhaitons faciliter les échanges entre groupes sur ces bonnes pratiques, pour générer des idées et, très modestement, aider à l’accélération de certaines démarches responsables.

Au vu des dossiers que vous avez reçus, quelle est dans l’entreprise la source la plus fréquente des initiatives (comité de direction, responsables sectoriels, marketing stratégique, R&D, sollicitations externes…) ?

R. G. : Il semble que tous aient un soutien et un engagement fort et durable de la direction générale, voire de l’actionnaire, et une implication ou un pilotage par un service développement durable ou RSE. Les équipes à l’origine du projet dépendent de sa nature.

Pour les projets liés à la filière agricole, l’écoconception produit, la gestion des énergies en usine, l’optimisation des conditionnements, les équipes R&D sont souvent à l’origine, parfois en collaboration avec le marketing stratégique lorsqu’il s’agit d’un « projet produit ». Ensuite, on observe la plupart du temps la création en amont d’une équipe pluridisciplinaire regroupant les expertises par métiers, pour mettre en œuvre le projet. C’est le cas de la démarche Lu Harmony, où l’idée initiale de la création d’une filière blé plus respectueuse de l’environnement est née de l’imagination des salariés de Lu.

En ce qui concerne les projets liés à la formation, l’emploi ou la solidarité, on peut souligner un engagement fort de la direction générale, des comités exécutifs et des directions des ressources humaines, avec souvent une implication des salariés. C’est le cas du projet mené par SCA avec la Croix-Rouge, qui a permis de distribuer 260 00 kits d’hygiène aux personnes sans abri.

Les entreprises primées voient-elles leur réputation consolidée ? Est-ce mesurable et mesuré (conversations sur les réseaux sociaux, etc.) ?

R. G. : C’est l’un des objectifs fondateurs du Grand Prix Essec ! Nous l’avons créé pour trois raisons. D’abord, pour faire prendre conscience au plus grand nombre que la responsabilité de l’industrie de grande consommation à l’égard du monde est forte : ces entreprises emploient, directement ou indirectement, des centaines de milliers de personnes en France, et l’impact sur l’environnement, l’écosystème et la biodiversité est important. Ensuite, pour encourager ces industriels, dont certains font déjà beaucoup, à faire encore mieux. Enfin, parce que ce sujet est au cœur des valeurs de l’Essec depuis cent huit ans, et parce que nous voulons nous assurer que nos étudiants, qui dirigeront ces entreprises demain, le feront avec la conscience nécessaire.

Ce qui différencie le Grand Prix Essec des autres trophées RSE, c’est la place des étudiants dans le processus d’évaluation des dossiers, c’est le patronage du ministère de l’Économie, qui nous reçoit à Bercy chaque année pour la remise des prix, mais c’est aussi l’indépendance et le haut niveau d’expertise du jury de personnalités qui désigne les lauréats. Ce jury intègre des parties prenantes complémentaires, aussi bien des étudiants que des professionnels reconnus en matière de RSE, mais aussi des représentants des consommateurs.

Se voir décerner l’un des trophées revêt, au dire des lauréats, une valeur assez unique : vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes, par les nombreuses retombées dans les médias sociétaux, boursiers, généralistes ou professionnels, et dans les réseaux sociaux, mais aussi vis-à-vis des salariés du groupe en tant que levier de valorisation des équipes. À l’Essec, nous disons aux industriels par ce prix : « Vous menez beaucoup d’initiatives remarquables, et nous allons vous encourager à faire mieux, plus vite, plus haut. » C’est pour cela que la chaire grande consommation récompense tous les deux ans les meilleures initiatives RSE de l’industrie de PGC. Rendez-vous dans deux ans pour la prochaine édition !

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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