Bulletins de l'Ilec

PGC, permanence de la “PRA” - Numéro 450

01/07/2015

Les panels de consommateurs donnent une image globalement assez traditionnelle des décisions d’achat de grande consommation en France. Dans le détail, les déclarations des répondants vont cependant à l’encontre de certains clichés. Entretien avec Gaëlle Le Floch, Strategic Insight Director, Kantar Worldpanel

 Les études de panels consommateurs livrent-elles des indications sur l’organisation des ménages ? 
En pratique, qui fait le plus souvent les courses, et qui remplit les plus gros paniers ?

Gaëlle Le Floch : Pour les marchés de produits de grande consommation (PGC), nous suivons la répartition des ménages français mesurée par l’Insee en termes de PRA, ou « personne responsable des achats », qui, en général, est la « ménagère », la mère de famille. Excepté, bien sûr, dans les foyers où il y a un homme, père ou non, avec enfants. Dans ce cas, il est la PRA. Si plusieurs adultes vivent dans un même foyer, le PRA est l’adulte actif le plus âgé. Au-delà de cette notion de « personne responsable des achats », il peut y avoir des exceptions, voire des habitudes au quotidien différentes. Même si la ménagère est déclarée comme PRA, on sait que le père de famille est lui aussi conduit à faire des achats, mais ce n’est pas mesuré dans l’échantillon.

Selon notre panel1 sur la consommation des ménages à domicile, dans 85 % des cas les femmes sont les « personnes responsables des achats » au sein du foyer2. Il apparaît aussi que le budget total dépensé par les femmes en PGC était, en 2013, 2,5 fois supérieur à celui dépensé par les hommes : 2 679 euros pour 93,7 actes d’achat par an et 19,9 articles par panier, au lieu de 1 025 euros, 45,5 actes et 15,2 articles.

 La personne responsable, c’est celle qui fait la liste e courses ?

G. Le F. : La liste est dépendante de la personne responsable des achats. Dans la grande majorité des cas, nous considérons que c’est la ménagère, même si elle sollicite les autres membres de la famille pour connaître leurs besoins particuliers, notamment pour les courses en drive.

 La répartition des décisions et des actes d’achat de PGC varie-t-elle selon le circuit ? La clientèle plus jeune et familiale du drive est-elle aussi la plus mixte dans la passation de commande ?

G. Le F. : La répartition des circuits fréquentés est assez voisine, entre femmes et hommes. Les hommes tendent un peu plus que les femmes à privilégier la proximité, les femmes plus que les hommes à acheter en ligne. Contrairement à l’idée reçue que les courses se masculiniseraient avec le drive, dans 90 % des cas la commande est passée par des femmes, dont 9 % seulement avec le conjoint. Les courses étant en grande partie récupérées sur le trajet domicile-travail, cette dernière étape peut donc se répartir de manière plus homogène entre l’homme et la femme, selon leur lieu de travail par rapport au point de retrait.

 L’aspect prix et l’aspect caractéristiques du produit (choix de la marque…) impliquent-ils différemment les conjoints à propos des PGC ?

G. Le F. : Le poids accordé aux produits de marque dans les dépenses courantes est identique entre les femmes et les hommes : un peu moins des deux tiers en valeur. Cependant, la disposition à payer plus cher porte sur des rayons différents : pour les femmes, elle concerne l’hygiène-beauté d’abord, puis l’entretien et l’épicerie sucrée ; les hommes sont plus enclins à mettre le prix s’il s’agit des liquides, devant les produits traiteurs et l’épicerie salée. Au vu de l’indice d’adhésion (« Je suis prêt à payer plus pour des produits qui facilitent la vie »), les hommes optent davantage que les femmes pour la facilité, et un indice plus élevé d’impulsion (« J’achète les choses juste parce que je les vois en rayon ») montre qu’ils se laissent plus tenter que les femmes par des achats non prévus.

La répartition des décisions d’achat varie-t-elle selon qu’il s’agit d’achats de dépannage ou de fond de placard ? D’impulsion ou suivant la liste de courses ?

G. Le F. : Dans les achats en drive, les achats sont planifiés et donc tributaires de la liste de courses. La structure des achats réalisés en drive conduit moins à l’impulsion ; un certain nombre de produits y sont donc sous-représentés, comme l’alcool, la confiserie ou les produits de beauté. Dans la grande surface, en revanche, l’hygiène-beauté, pour les femmes, et les liquides, pour les hommes, occasionnent plus d’achats d’impulsion. Quant à la répartition des décisions d’achat, nous n’avons pas de chiffres, mais on peut penser qu’il se trouve moins de produits de fond de placard et davantage de produits d’impulsion dans les paniers des hommes, qui se laissent plus facilement détourner de leur liste de courses.

Votre panel indique qu’entre hommes ou femmes le classement des enseignes est le même par le montant des dépenses (Leclerc devant Intermarché, Carrefour, Système  et Auchan), mais que les hommes dépensent proportionnellement davantage chez Carrefour, et les femmes chez Leclerc.

Faut-il n’y voir qu’un effet de la structuration des populations acheteuses et des enseignes présentes par zones de chalandise, ou y aurait-il des « profils » d’enseignes plus ou moins féminins ou masculins ?

G. Le F. : On ne peut pas conclure à des profils d’enseignes plus ou moins féminins ou masculins, c’est en effet l’incidence mécanique des lieux de résidence des uns et des autres qui joue. La surreprésentation du circuit proximité, en revanche, dans les achats des hommes reflète assez bien leur besoin de praticité. Ils sont aussi plus acteurs de paniers plus petits, qui nécessitent moins de fréquenter de grands hypermarchés. Les panélistes s’intéressent-ils à la présence éventuelle de deux marques directement concurrentes dans un même panier ? Peut-elle être mise en rapport avec des rôles familiaux (conjoints, parents-enfants) 

G. Le F. : Bien sûr. Nous menons beaucoup d’études, à la demande de nos clients, qui visent à mesurer la concomitance d’achat dans le même panier de marques concurrentes. Mais ces analyses portent sur des marchés particuliers et sont faites en souscription, nous ne pouvons pas divulguer de résultats globaux sur tous les marchés. Vous disposez d’un autre panel3, qui vise les marchés de l’hygiène-beauté.

Les paniers « féminins » et « masculins » y diffèrent-ils beaucoup ?

G. Le F. : Ce panel permet une analyse détaillée de ces marchés en termes de personnes. La destination des achats s’y compose différemment selon le sexe : 39 % des achats des femmes sont destinés à un usage familial commun ou à un autre membre de la famille qu’elles (conjoint ou enfants). Cette proportion s’élève à 53 % chez les hommes. Dans les circuits de distribution généralistes, l’homme achète proportionnellement deux fois plus de produits à l’usage de la femme (24 % de ses achats) que la femme à l’usage de l’homme (11 %).

Comment expliquer cette différence ?

G. Le F. : Les produits de beauté sont majoritairement utilisés par les femmes, leurs achats dans ces catégories sont avant tout pour elles-mêmes. Les achats à destination de la famille faits par les femmes sont plutôt des produits d’hygiène. Les hommes achètent de plus en plus de produits de soin pour leur usage personnel, mais l’offre, bien qu’en croissance, est beaucoup plus réduite que celle destinée aux femmes, ce qui explique que dans leur panier la part des achats pour la famille ou pour une autre personne qu’eux-mêmes est plus importante que dans le panier des femmes. Les hommes sont presque aussi nombreux (96 % d’entre eux) que les femmes (99 %) à acheter des produits d’hygiène-beauté, y compris parmi les 65 ans et plus (92 %, le maximum étant 98 % chez les 35-49 ans). Et ils tendent au fil des ans à être aussi nombreux qu’elles. La diversité des marques achetées en hygiène-beauté par les hommes pour eux-mêmes est en outre plus élevée que lorsque elles le sont par des femmes à leur intention (3,2 au lieu de 2,8 marques en moyenne).

Reste que le panier moyen des hommes en hygiène-beauté est deux fois et demie plus petit en valeur (90 euros en 2013, au lieu de 231 pour les femmes), avec une fréquence d’achat deux fois moindre (9 fois par an au lieu de 18). Et 48 % des hommes de moins de 50 ans accordent beaucoup d’importance à leur image, contre 54 % pour les femmes. Dans le panier des hommes il y a une surreprésentation des produits douche et rasage. Le maquillage et le soin demeurent l’apanage des femmes. En termes d’usage, une routine met tout le monde sur le même plan : le brossage des dents, qui représente un tiers des usages de produits d’hygiène-beauté des hommes, et 22 % de ceux des femmes.

1. Worldpanel, vingt mille foyers déclarant leurs achats (en hyper et supermarchés, circuit discompte, magasins de proximité et Internet, circuits spécialisés, marchés foires) de produits alimentaires, liquides, hygiène-beauté et entretien. 2. Insee, données démographiques estimées au 1er juillet 2013, France métropolitaine.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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