Bulletins de l'Ilec

Plan B - Numéro 453

01/11/2015

Rentabilité tangible, information environnementale, économie de la fonctionnalité… Maintes tendances du marché concourent déjà à la conversion décarbonée. Entretien avec Thierry Fornas, président d’ÉcoAct, agence conseil en stratégie carbone

Y a-t-il déjà dans le secteur des PGC beaucoup d’innovations bas carbone qui se sont avérées créatrices de valeur financière ?

Thierry Fornas : Oui. Beaucoup de recherches ont été engagées par les industriels sur différents axes, dont celui des emballages, moins nombreux et plus recyclés, ou l’utilisation de matières premières biosourcées. Les entreprises utilisent de plus en plus de matières premières renouvelables et végétales, par exemple Natura ou Clarins. L’innovation porte également sur la communication environnementale, de plus en plus transparente et tournée vers le consommateur final. Ajoutons le développement de l’économie de la fonctionnalité, qui souligne les effets pervers de l’économie de l’achat et de la possession. Les industriels se tournent de plus en plus vers la location de biens, pour limiter le coût d’achat des matières premières, mieux gérer les produits en fin de vie, et augmenter leur durée de vie. C’est le cas de Philips, Michelin, Marks & Spencer ou Seb.

Le coût marginal de l’efficacité énergétique n’est-il pas prohibitif pour les PME ?

T. F. : Le retour sur investissement doit être flagrant pour inciter tous les acteurs, PME et grands groupes, à investir plus massivement dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. C’est pourquoi un grand nombre d’acteurs économiques militent pour que l’on fixe un prix au carbone, afin de favoriser les projets vertueux pour l’environnement et à forte efficacité énergétique. Le législateur doit mettre en place des outils incitatifs, dans l’attente d’une rupture technologique porteuse d’innovations zéro carbone.

La grande consommation a-t-elle été pionnière dans les analyses de cycle de vie (ACV) et les bilans carbone ?

T. F. : Le secteur agroalimentaire fut précurseur quand Coca-Cola, à la fin des années 1960, conduisit des analyses sur ses bilans matières, les énergies utilisées, le recyclage des bouteilles. Cela a donné naissance aux ACV. Les progrès ont porté sur les gisements où les industriels pouvaient réduire leur recours aux matières premières, engager des démarches d’écoconception. Le développement des écolabels est venu cautionner ces progrès. Les démarches d’affichage environnemental ont alors influencé le comportement des consommateurs et accompagnent désormais l’acte d’achat. Pour illustrer ces progrès, on peut citer L’Oréal, qui, grâce à ses démarches ACV, a réduit depuis 2005 de près de 20 % sa consommation d’eau et d’environ 24 % sa production de déchets transportables.

Beaucoup de sites industriels recourent-ils en France aux énergies renouvelables ?

T. F. : L’éolien est peu utilisé, et le recours au solaire dépend de la configuration du site, de l’existence ou non de grandes toitures appropriées. La biomasse est souvent privilégiée, par exemple chez Nestlé, dont l’usine de Challerange couvre 90 % de ses besoins en chaleur.

Quels sont les domaines de l’énergie positive ?

T. F. : Ce sont essentiellement les habitations, les bureaux et les sites industriels qui peuvent générer plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Le législateur met d’ailleurs l’accent sur les gains fiscaux pour favoriser cette opportunité, l’énergie pouvant être revendue à EDF.

Comment une entreprise s’orientent-elle vers une « chaîne d’approvisionnement 100 % durable » ?

T. F. : Il est essentiel à une entreprise de connaître ses enjeux, ses fournisseurs, d’avoir la chaîne d’approvisionnement la plus transparente possible. Des entreprises mettent en place des outils, et demandent aux fournisseurs de signer un code de bonne conduite et une charte d’engagement en phase avec leur politique de développement durable. Des plateformes RSE, comme EcoVadis, éditent des fiches d’évaluation pour aider les entreprises à y voir clair dans leur base de données fournisseurs. Cela permet de qualifier l’ensemble des fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement.

Quels progrès ont connu les équipements de refroidissement ?

T. F. : Les rendements des équipements ont été améliorés par suppression des fuites de gaz frigorigène, et le recours croissant aux énergies renouvelables a limité l’impact des énergies fossiles en phase d’utilisation.

Quels secteurs peuvent viser un objectif « carbone zéro » ?

T. F. : Tous les secteurs doivent entrer dans une démarche vertueuse de lutte contre le changement climatique, et tous les acteurs économiques s’engager à atteindre en 2050 un niveau net d’émissions de GES égal à zéro. Certains, comme Unilever, Kering, Natura, Virgin Group, se sont regroupés il y a un an dans l’association « B Team » : B pour « plan B » : elle promeut la fin du « business as usual ».

Qu’attendez-vous de la Cop 21 ?

T. F. : Que le politique favorise l’innovation bas carbone, l’implication des acteurs économiques dans des projets plus vertueux. Une réglementation plus contraignante pour que les acteurs intègrent la préservation climatique à leurs modèles économiques. Et qu’il ait lui-même un comportement exemplaire. Mais restons lucides.

Propos recueillis par J. W.-A.

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