Bulletins de l'Ilec

Le prisme des futurs responsables - Numéro 464

30/03/2017

Le prix des industries de la consommation responsable a vocation à être une mémoire d’initiatives au long cours, tout en reflétant le point de vue de chaque génération d’étudiants. Entretien avec Rémy Gerin, directeur exécutif de la chaire grande consommation de l’Essec, et Isabelle Frappat, directrice des projets consommation responsable

Les écoles de commerce  produisent-elles aujourd’hui des managers pour qui le « résultat » intègre la dimension « RSE » ?

Rémy Gerin : De tradition humaniste depuis sa création en 1907, avec l’ouverture d’un cours de morale des affaires en 1929, l’Essec a toujours eu à cœur d’anticiper les mutations économiques et sociétales. Le premier rapport RSE qu’elle publie cette année recense 88 cours ayant un lien avec le développement durable et la responsabilité sociétale. Dans le parcours pédagogique de la chaire grande consommation, nous avons intégré depuis six ans un séminaire consommation & RSE. C’est dans la durée que les mentalités changent. Aujourd’hui, au moment de la recherche du premier emploi, les jeunes sont très sensibles à l’engagement RSE des entreprises. Au-delà des postures, ils demandent des preuves, des réalisations, et l’accès à l’information les aide dans leurs recherches.

Les cultures d’entreprises ont-elles changé sous cet aspect ?

Isabelle Frappat : De plus en plus, les entreprises peu engagées RSE sont montrées du doigt. Les lois, NRE et Grenelle II, obligent les entreprises de plus de 500 salariés à éditer un rapport sur leur politique RSE ; l’évolution de la demande incite les marques à repenser leur lien avec les consommateurs ; et une volonté de transparence émerge : Nestlé, Coca-Cola ou Fleury Michon ouvrent les portes de leurs usines. Les médias et les politiques s’emparent du sujet, pour des raisons touchant au bien commun ou plus opportunistes. Et avec notamment les demandes de la distribution, l’engagement des PME s’affirme.

Des dossiers ont-ils été présentés à deux éditions du Prix ?

I. F. : Oui, c’est compréhensible pour des démarches au long cours, et qui évoluent dans le temps. Ainsi Danone Ultra Frais, qui avait présenté lors de la première édition sa démarche de construction de la filière « Danone au lait des éleveurs » avec deux mille producteurs, a cette année présenté sa formule de prix du lait prenant en compte l’évolution des coûts de production. Ce dossier a donc été présenté deux fois, comme celui de Nespresso sur le recyclage des petits déchets en aluminium et en acier, qui l’a remporté cette année.

Vous avez appelé les entreprises à être plus nombreuses à candidater dans le domaine social (« prix ressources humaines »). Comment expliquer le faible nombre de candidatures ?

R. G. : Une raison tient à l’histoire du Prix : au démarrage, nous avons sensibilisé les directions RSE et développement durable des fédérations et des industriels, et elles sont souvent teintées environnement. Les politiques de développement des hommes sont menées par la RH ; il y a de belles réalisations, il convient de les sensibiliser à prendre davantage la parole, à amener davantage le social à la RSE.

Le Prix en est à sa troisième édition, mais la presse, hors la spécialisée, ne s’est guère fait l’écho de ces démarches d’entreprises…

I. F. : La presse nationale n’a jamais été très portée à mettre en lumière les initiatives vertueuses des entreprises. En revanche, la presse régionale s’en est fait l’écho, par exemple en Alsace lorsque Mars Chocolat France a été récompensé pour « Vapeur verte » dans l’usine d’Haguenau ; ou dans l’Orne, la démarche de la fromagerie Gillot auprès de ses producteurs de lait. Preuve que ces actions d’industriels ont un impact fort au niveau local.

Pourquoi les intitulés des prix ont-ils changé d’une édition à l’autre, est-ce que les enjeux ont changé aussi ?

R. G. : C’est le reflet du rôle central des étudiants dans la mise en œuvre du prix ! Ils nous font des recommandations d’évolution d’intitulés, après lecture des rapports de développement durable des entreprises et détection des thématiques saillantes. C’est ainsi qu’un prix nommé « solidarité » une année a pu évoluer en « responsabilité civique ». Si cela a du sens et ne génère pas de superpositions, nous aimons les laisser porter leurs propositions.

Un propos remarqué cette année a été l’idée que la RSE doit s’inviter «  dans le box ». De quoi inspirer un « prix de la négociation responsable » ?

R. G. : Cela poserait deux questions : la volonté des parties de postuler à ce prix, et la question de la mesure. La RSE peut être l’occasion de rebâtir des relations moins conflictuelles entre industriels et distributeurs, au bénéfice des consommateurs. C’est pourquoi figure dans notre Grand Prix du commerce le prix des « meilleures démarches collaboratives industrie-commerce en matière de RSE ». Il faudrait peut-être l’intégrer dans le Prix des industries. Nous avons également lancé les « rencontres RSE autour d’un distributeur », pour inviter une enseigne à partager sa stratégie et ses projets RSE avec des industriels choisis, et leur tendre la main pour des démarches conjointes.

L’« économie circulaire » pourrait-elle faire l’objet d’un prix spécifique ?

I. F. : C’est un enjeu central, mais l’économie circulaire recouvre toutes les catégories. Les démarches de Seb, Grand Prix 2017, portent de l’amont à l’aval et s’inscrivent dans une économie circulaire : réparabilité des produits, recyclage de petits matériaux culinaires, produits composés à 50 % de produits recyclés… Ce serait dommage de ne pas mettre en lumière les démarches vertueuses et innovantes des industriels dans les différentes parties de leur chaîne de valeur.

Propos recueillis par J. W.-A.

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