Bulletins de l'Ilec

Éditorial

Chaînes qui libèrent - Numéro 468

09/11/2017

C’est avec l’évidence que la big data change la donne que les notions d’intelligence partagée ou d’intelligence collective ont fait leur entrée sur la scène des affaires. Manifestement les moteurs de la croissance sont en train de changer, du fait de l’emprise des flux d’information, dont un mauvais emploi peut d’ailleurs être aussi bien un obstacle à la croissance et constitue toujours un facteur de risque, proportionné aux vertigineuses potentialités qu’ils portent.

Intelligence ? On n’était pas si niais hier qu’on ait ignoré l’intérêt de coopérer en bonne intelligence, et les relations interentreprises sont plus victimes aujourd’hui d’un glissement général vers une « société de défiance ». Hier souvent on « topait là » sur la place du marché, le contrat était conclu, et chacun faisait son métier. Aujourd’hui les métiers cruciaux du traitement de l’information s’exercent en partage ; il ne s’agit plus seulement de contrat. La volonté de voir les relations verticales évoluer vers plus de confiance n’est donc pas seulement celle du politique mais, sous la contrainte d’un  droit de la concurrence que le politique interroge, d’un nombre croissant d’acteurs du marché.

Partage de données, partage d’espaces, économie industrielle et territoriale, pôles de compétitivité, mutualisation d’achats, management collaboratif, conception interactive, etc. : les traditionnelles coopérations entre partenaires directs d’une relation verticale, comme le management par catégories dans l’univers de la grande consommation, pourraient bien s’imprégner d’un esprit plus large qui inspire les nombreuses modalités de l’entreprise ouverte, et que subsume l’idée d’intelligence partagée. Sans doute le secret des affaires et la propriété intellectuelle demeurent, en dépit des cybermenaces et d’une reproductibilité sans bornes, mais ils seront de moins en moins de bons alibis aux égoïsmes « corporate ».

Dans un monde toujours plus dominé par la complexité et l’incertitude, où il n’est plus d’activité qui ne touche de près ou de loin au bien commun, l’intelligence partagée se porte aussi vers les nombreuses « parties-prenantes », elles-mêmes au défi de leur définition et de leur capacité d’action sous le flot des données. Plus qu’une méthode de management de plus, mais comme un écho (sinon une réponse) à l’essor de l’intelligence artificielle, l’intelligence partagée a commencé de tracer entre tous ces acteurs une blockchain de ressources humaines.

François Ehrard

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