Bulletins de l'Ilec

Exception alimentaire - Numéro 469

12/12/2017

D’un pays à l’autre, les bénéfices attendus des produits alimentaires sont divers côté demande, comme les positionnements côté offre. Mais la même exigence de satisfaction des premiers oblige partout les seconds. Entretien avec Xavier Terlet, cabinet de conseil XTC

Le lancement d’un produit international est-il plus ou moins difficile qu’il y a trente ans ?

Xavier Terlet : Il est toujours aussi difficile. Peut-être même davantage, tant les PME, aux ambitions limitées sur le plan international, prennent de l’importance dans l’offre alimentaire locale. Le lancement d’un produit international ne peut être l’œuvre que de multinationales qui, dans une logique d’étalement des coûts marketing et R&D, souhaitent diffuser leurs gammes dans de multiples pays. Mais la mondialisation n’implique pas l’uniformisation dans le domaine alimentaire. Les goûts et les cultures diffèrent et nécessitent une approche différente. Il est donc difficile de proposer une gamme qui convient à tous les consommateurs, même de pays européens voisins. Des ajustements sont nécessaires d’un pays à l’autre.

 Y a-t-il des exemples de produits identiques qui se prêtent à une stratégie de volume sur un marché national et de marge sur un autre ?

X. T. : Les exemples sont nombreux. Ils concernent souvent des produits, basiques sur le territoire national, et porteurs d’une image de gastronomie française dans d’autres pays. Rondelé Président propose des recettes d’une région française en Allemagne, Herta du jambon français fumé au Royaume-Uni. C’est encore plus vrai dans des pays comme la Chine, où un drapeau français sur un yaourt Danone ou Yoplait fait une grande différence et sert à témoigner de la qualité… Mais les produits ne sont jamais identiques à leur homologue vendu sur le territoire français. Il y a toujours des adaptations.

 La Commission européenne s’est alarmée d’éventuels « doubles standards » de qualité en Europe dans les PGC. Est-il selon vous fréquent que la recette d’une marque-produit change d’un pays à l’autre ? Cela doit-il s’interpréter en termes de niveaux de qualité ?

X. T. : Les ajustements nécessaires évoqués plus haut peuvent concerner la recette ou le positionnement marketing. Il n’y a rien d’anormal à cela. Un produit peut contenir moins de sucre dans un pays que dans un autre parce que les goûts des consommateurs l’exigent. Si ces ajustements entraînent des niveaux de qualité différents par opportunisme au seul niveau réglementaire, c’est autre chose. Ces ajustements ne doivent pas être motivés par une possibilité qu’offre la réglementation locale. Dans ce cas, c’est un choix contestable éthiquement que l’entreprise doit assumer.

 Pour une même catégorie de produits y a-t-il parfois de gros écarts d’attente et d’exigence de qualité chez les consommateurs européens, d’un pays à l’autre ?

X. T. : Il est dangereux de raisonner en termes de qualité seulement. Si l’on veut améliorer un rapport qualité-prix dans une économie déflationniste, il ne reste qu’à baisser la qualité du produit. Il faut plutôt appréhender le produit en termes de bénéfice apporté. Le même consommateur peut apprécier un café haut de gamme tout y ajoutant un morceau du sucre premier prix. En revanche, ce consommateur, à niveau de bénéfice attendu égal, cherchera le meilleur prix.

Ce comportement est le même quel que soit le pays : partout, des consommateurs soucieux du rapport bénéfice-prix. Dans un même pays il peut y avoir des attentes diverses dans une catégorie de produits, a fortiori d’un pays à l’autre, mais il n’y a pas de pays où l’on se satisferait d’une qualité moindre.

 L’origine d’un produit, le fait qu’il soit plus ou moins « local », est-il un critère qui gagne en importance dans l’appréciation de sa qualité ? Qui a plus d’importance dans certains pays que dans d’autres ?

X. T. : Les études que nous avons faites avec Kantar TNS pour le Salon international de l’alimentation (SIAL) montrent que le critère local est de plus en plus apprécié. Mais les mêmes études montrent aussi que cela ne doit pas justifier un prix plus élevé, puisqu’il y a moins de coût d’acheminement jusqu’au consommateur. Sauf si bien sûr le fait qu’il soit fait localement est une caractéristique avérée de qualité ou de savoir-faire qui justifie un coût plus élevé.

 Y a-t-il une géographie européenne du locavorisme ?

X. T. : Non, en Europe, on trouve partout le marketing local. Mais plutôt que l’aspect proprement « local », il semble que compte davantage le fait que le produit soit proposé par de petits producteurs, qui sont pour le consommateur européen un critère de confiance, de qualité, de savoir-faire. C’est l’inverse en Asie, où un produit fabriqué par une grande entreprise mondiale et reconnue est plus rassurant en termes de qualité.

 Dans l’agro-alimentaire la marque mondiale fait-elle toujours sens ?

X. T. : Économiquement, oui. Quand on utilise une communication mondialisée, par exemple. Mais en alimentaire, c’est de plus en plus rare. Contrairement au cosmétique, à l’automobile et à tous les autres secteurs, il ne peut y avoir de mondialisation en alimentaire. S’il y a marque mondiale, elle doit véhiculer des valeurs différentes d’un pays à l’autre. Les économies sont donc toutes relatives.

Propos recueillis par J. W.-A.

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