Articles

ArcelorMittal, le recyclage pour stratégie

11/10/2018

Numéro un mondial de la production sidérurgique et de l’exploitation minière, leader dans la production d’emballages pour les secteurs de la boisson, de l’alimentation et des aérosols, ArcelorMittal entend faire de l’acier le matériau d’emballage durable et écologique du xxe siècle.

Entretien avec Stéphane Tondo

Quel est le pourcentage d’acier recyclé à ce jour et comment a-t-il évolué sur la longue durée ? Quel pourcentage peut-on espérer atteindre dans les prochaines années ?

Stéphane Tondo : Le taux de recyclage est un des avantages forts de l’acier par rapport aux autres matériaux d’emballage. Selon les dernières statistiques – qui datent de 2016 –, il est de 79,5 % en Europe, un chiffre bien en avance par rapport à l’objectif de 80 % en 2020 fixé par l’Association des producteurs d’acier pour emballages (Apeal) . Cet objectif est d’ailleurs au-delà des préconisations de la Commission européenne. En France, le taux est également en forte progression, avec 83 % d’acier recyclé. Les cinq pays européens les plus vertueux présentent déjà des taux proches de 90 % grâce aux efforts entrepris sur la captation, le filtrage et le recyclage.

Ce recyclage est-il plus facile que celui d’autres matériaux ?

S. T. : Oui, car l’une des propriétés fondamentales de l’acier est sa facilité à être isolé et récupéré dans les chaînes de tri en raison de ses propriétés magnétiques. Il n’y a aucun autre matériau pour emballage qui permette une récupération et un recyclage aussi faciles. En outre, l’acier collecté étant nécessaire à la production d’acier « frais », il offre une haute valeur résiduelle et cette ressource reste généralement dans son pays de production, comme c’est le cas en France. En synthèse, cette facilité de captation et de recyclage se retrouve dans le coût du point vert, qui est le plus faible parmi les différents matériaux pour emballages !

L’acier est-il recyclable à l’infini ?

S. T. : Absolument ! C’est une autre singularité de l’acier, qui sera de plus en plus importante pour les marques. Celles-ci ont en effet besoin de démontrer aux consommateurs qu’au-delà des produits, les emballages qui les contiennent n’ont pas un impact négatif sur la planète. L’acier ne perd aucune de ses propriétés et on peut le recycler indéfiniment. Ce qui n’est pas le cas d’autres matériaux, comme par exemple l’aluminium, qui perd de sa pureté au fil du temps. À chaque nouvelle fusion, on redonne à l’acier une virginité, avec des atomes de fer et de carbone qui restent permanents.

Quelle économie en émissions de CO² le recyclage de l’acier permet-t-il ?

S. T. : Le recyclage de l’acier est un processus simple, qui ne nécessite pas de partir de minerais frais. Étant donné que nous partons déjà d’acier pur et propre, l’économie d’énergie est estimée à 70 % . On ne fait que le refondre et corriger sa chimie. De ce fait, le taux de CO2  est bien inférieur dans une tonne d’acier recyclé que dans une tonne d’acier frais ou vierge.

ArcelorMittal compte au nombre des six entreprises productrices d’acier nommées championnes de la durabilité de l’acier en 2017 par l’Association mondiale de l’acier (Worldsteel). Quelles innovations cette nomination vient- elle couronner ?

S. T. : Ce ne sont pas uniquement des innovations, mais bien une démarche générale qui est couronnée ici. Les six entreprises primées, dont ArcelorMittal, l’ont été pour leur démarche de développement durable écrite dans le marbre, dans la stratégie de la société. L’engagement commence bien sûr par celui du CEO de la société, qui s’engage à suivre et à développer toutes les bonnes pratiques. Les axes de travail sont ensuite définis en termes de priorité et de pérennité. Nous nous engageons à être transparents sur les éléments socio-économiques, environnementaux, la pérennité du produit tout au long de son cycle de vie… et également à élever les standards afin que tous les sidérurgistes soient au même niveau dans le monde.

En quoi l’acier présente-t-il une meilleure alternative durable à l’emballage ?

S. T. : L’acier est un matériau permanent, il retourne dans le cycle après chaque utilisation, il ne s’use pas : on l’emprunte et on le récupère intégralement. Nous nous préoccupons non seulement de son cycle de fabrication, mais aussi de son retraitement. Nous considérons l’emballage qui revient dans la chaîne de fabrication comme une ressource et non un problème.

Quels projets de co-développements et quelles solutions d’emballage en acier durable et responsable plus respectueuses de l’environnement votre centre de recherche et développement ArcelorMittal Packaging propose-t-il ?

S. T. : Nous travaillons sur différents axes avec nos clients producteurs d’emballage, particulièrement sur des produits « verts », des aciers directement vernis sans bisphénol A comme l’exige la réglementation européenne ainsi que sur une production en soi de plus en plus « verte ». Et nous continuons également à travailler sur l’allègement de l’emballage, car même s’il reste indispensable à la protection des produits, la tendance est à la constante réduction de son poids.

De nouvelles générations d’acier sont-elles apparues ? Avons-nous progressé dans la réduction du poids des canettes destinées à l’alimentation ?

S. T. : Sur les 30 dernières années, le poids moyen d’un emballage en acier a baissé de 30 % , car nous avons réussi à mettre sur le marché des nuances beaucoup plus résistantes, beaucoup plus fines. Nous avons aujourd’hui une gamme d’aciers très résistants, très formables. Une grosse partie du travail incombe aussi aux producteurs d’emballages, qui doivent faire évoluer leurs modes de fabrication et innover pour produire des emballages tirant au mieux parti des capacités des aciers de dernière génération.

Quelles innovations ArcelorMittal propose-t-il sur le plan de la formabilité de l’acier, afin par exemple de rendre la forme des canettes plus attrayantes ?

S. T. : Les possibilités de mise en forme sont effectivement nombreuses et nous travaillons avec les producteurs d’emballages en acier pour offrir aux marques plus de possibilités de différenciation sur le marché. La boîte métallique se développe, offrant de nombreux formats et tailles, aussi bien pour des produits de consommation assez simples que pour des produits haut de gamme – pour lesquels sont développées des formes plus complexes et plus attrayantes, voire des fonctionnalités encore méconnues du public comme les emballages en acier directement utilisables au micro-onde.

De manière plus générale, qu’est-ce que l’acier apporte à la marque ?

S. T. : L’acier, contrairement au plastique, est un matériau durable qui assure aux marques comme à leurs clients la protection et la préservation des produits qu’il contient. De plus en plus de marques le choisissent d’ailleurs en raison de cette image de robustesse, de protection et également pour ses facilités de stockage. Exemple très concret : parmi les produits alimentaires qui s’exportent le mieux en Chine figure le lait en poudre pour bébé, vendu quasi exclusivement en emballage métallique. Il y a eu tellement de scandales que les consommateurs chinois ne jurent que par des produits européens, dont l’emballage en acier leur apparaît comme gage de sécurité, très recherchée notamment lorsqu’il s’agit de produits destinés aux enfants.

Les applications de l’acier dans l’emballage sont-ils appelés à s’étendre ?

S. T. : Oui, l’emballage métallique particulièrement dans l’alimentaire, demeure l’un des plus économiques. On parle, beaucoup aujourd’hui de l’impact environnemental des produits et de leur cycle de vie. Les produits jusqu’alors en vogue comme le surgelé perdent un peu de leur superbe, car les conserver consomme beaucoup d’énergie. La sécurité de la chaîne alimentaire doit toutefois être préservée, et si l’emballage métallique ne nécessite aucune consommation énergétique, les produits qu’il renferme peuvent être conservés au minimum trois ans. Les jeunes générations et les clients plébiscitent donc l’acier, reprenant goût à ce type d’emballage considéré comme sain, bon pour l’environnement comme pour le produit qu’il contient.

Quels sont vos engagements en faveur du développement durable et de l’économie circulaire ? Vous avez été recommandé par The Circulars 2018 pour avoir intégré les principes de l’économie circulaire : quelles sont vos ambitions en matière de « zero waste company » dans vos usines ?

S. T. : Nous avons intégré une démarche de développement durable impliquant un travail de fond sur les produits pour proposer plus de différenciation tout en permettant une réduction des pertes de matière lors des phases de production pour nos clients. Nous nous efforçons également de diminuer les ressources utilisées et de réutiliser davantage les déchets, via la fabrication de coproduits. Les laitiers de dernière génération produits dans nos usines servent aux cimentiers, qui n’ont plus besoin de les retraiter pour les intégrer dans leur fabrication. Dans notre usine de Gand, nous testons la transformation du CO2 produit par les hauts-fourneaux en bioéthanol, contribuant à la réduction de la consommation de pétrole. Rien ne doit être perdu au cours du processus de fabrication : énergie, gaz, coproduits… tout doit être réutilisé et devenir la ressource d’un nouveau produit. La production d’acier en cycle fermé sera ainsi de plus en plus vertueuse.

Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de la sécurité sanitaire des aliments. Quels sont les avantages de l’acier pour préserver leur qualité et réduire le gâchis alimentaire ?

S. T. : L’emballage métallique est par exemple un des emballages permettant le plus court délai entre la récolte des fruits et légumes et la mise en boîte. Il préserve donc au mieux les ressources. L’emballage acier, très résistant, permet une diminution des pertes dans l’ensemble de la chaîne de conservation – réduction du « taux de casse » dans les supermarchés, etc. Enfin, les consommateurs ne veulent plus d’emballages voués à devenir des déchets dont on ne sait que faire. Beaucoup de marques nous sollicitent d’ailleurs quotidiennement pour savoir comment améliorer leur taux d’emballages mis sur le marché et retraités.

Qu’apporte de singulier le système HACCP ?

S. T. : Il n’est pas propre à notre industrie. Ce standard permet d’identifier les risques potentiels de contamination lors de la chaîne de fabrication qui pourraient poser des problèmes chez les consommateurs. Même si nous sommes très en amont de la chaîne, nous demeurons très vigilants et toutes nos usines sont certifiées HACCP.

Comment ont évolué les contraintes réglementaires sur le plan environnemental ?

S. T. : Les contraintes réglementaires sont variées et locales. Il en est ainsi par exemple du bisphénol A en France, où une décision politique peut avoir une conséquence sur l’ensemble de la chaîne. Nous tâchons d’anticiper ce genre de demande en restant continuellement informés des évolutions au niveau de la Commission européenne concernant les produits à risque.

Qu’attendez-vous de l’association Responsible Steel ?

S. T. : À travers Responsible Steel, dont ArcelorMittal est un des membres fondateurs, nous souhaitons anticiper et renforcer les attentes que les marchés et les clients auront vis-à-vis des fournisseurs d’acier. Il s’agit d’une certification indépendante, fondée sur de nouveaux standards sociaux et environnementaux qui donneront à nos clients comme à toutes les parties prenantes de notre chaîne de consommation la garantie que nos produits sont réalisés en utilisant les technologies les moins impactantes sur le plan environnemental, mais aussi que nos fournisseurs de minerais s’approvisionnent de manière éthique et dans des pays sans risques.

La filière Reprise Acier d’ArcelorMittal a lancé en 2016 une étude sur le captage des emballages en acier. AcelorMittal a réalisé en juin 2018 une étude cofinancée par l’Ademe et Citeo. Qu’apporte-t-elle de nouveau par rapport à celle de 2016 en matière de recommandations pour la collecte et le tri des emballages en acier ?

S. T. : C’est une démarche continue que nous avons lancée pour promouvoir le recyclage de l’acier en tant que matériau permanent. La France est un peu en retard sur le plan de la captation des déchets et les centres de tri ne sont pas tous bien équipés en technique de recyclage et de séparation des déchets. En outre, nous avons encore un taux d’enfouissement très élevé, de l’ordre de 26 % et un taux d’incinération de 35 % en raison des choix historiques pour ces deux méthodes. Aussi le taux de recyclage, tous matériaux confondus, n’est-il que de 39,5 % . La France, par rapport à la moyenne européenne de 45 % et aux pays vertueux (65 % ), est très mal positionnée. Une meilleure différenciation des déchets permettrait de réduire le taux d’incinération, aussi, un de nos objectifs en tant que représentant de la filière Acier France est-il d’accompagner les industriels dans l’optimisation du recyclage des emballages ménagers grâce à l’édition d’un guide de bonnes pratiques. Ce guide présente quelques pistes pour recycler au mieux en agissant sur l’organisation, la modernisation des centres de tri, mais aussi sur la qualité du produit trié, car plus l’acier trié sera de haute qualité en fin de chaîne, plus il sera intéressant pour nous. C’est un cercle vertueux que nous souhaitons établir.

Quels sont les investissements d’ArcelorMittal en matière de recyclage et de développement durable sur le territoire français ?

S. T. : Premièrement, il est bon de noter que chaque aciérie est une usine de recyclage à part entière, du fait de la réutilisation directe de l’acier dans le processus de fabrication de nouvel acier. Nous n’avons pas de centre de tri, mais nous sommes acheteurs et avons signé de nombreux contrats avec des municipalités ou des centres de tri sur toute la France. Et nous apportons également notre aide et expertise aux centres de tri afin d’assurer une qualité optimum de l’acier issu de la collecte. Pour nous, plus le métal est pur, plus il a de la valeur.

 

Pour accéder à l'article complet, cliquez sur Article au format PDF

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.