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Emballages plastiques : les 3R de WWF France

11/10/2018

Les matières plastiques sont aujourd​‌’hui sur le banc des accusés en raison de leur impact environnemental et sanitaire. Leur gestion constitue un des enjeux du XXIe siècle. WWF France en appelle à la mobilisation générale.

Les plastiques en général – et les emballages plastiques en particulier – sont partout. S’ils étaient au départ considérés comme particulièrement utiles, ils sont désormais sous le feu des critiques, en raison – notamment – des nombreuses pollutions qu’ils provoquent. Le plastique présente la singularité d’avoir connu la plus forte croissance au cours des dernières décennies (croissance qui se poursuit grâce à la pénétration de nouveaux marchés et la substitution à d’autres matériaux) et de se recycler moins que les autres grands matériaux (métal, carton, verre...). Par conséquent, puisqu’il n’est pas traité de manière circulaire, sa fin de vie est le plus souvent nuisible à l’environnement. L’impact environnemental global des plastiques est considérable. D’abord, leur fabrication nécessite l’utilisation de combustibles fossiles source d’émissions de gaz à effet de serre (90 % des plastiques sont dérivés de ressources fossiles vierges) et les substances chimiques présentes dans certains plastiques (phtalates, BPA) sont des perturbateurs endocriniens. Leur fin de vie est également à l’origine de pollutions : leur combustion libère de nombreux polluants, leur dégradation dans les décharges dégage des GES et, le plus visible, ils polluent considérablement nos océans. On estime que plus de 5 000 milliards de morceaux de plastique, d’un poids cumulé supérieur à 269 000 tonnes, flottent aujourd’hui en mer. La quasi totalité des organismes marins, du plus petit plancton aux baleines et ours polaires, est aujourd’hui contaminé par des substances chimiques de synthèse utilisées dans les produits de consommation courante. Par ailleurs, ces déchets polluants multiplient par vingt les risques de pathologies pour les coraux.

Si l’impact environnemental est indéniable, l’accent est également mis sur les risques sanitaires (contamination de la chaîne alimentaire) et les pertes économiques. La fondation Ellen MacArthur explique, en reprenant le rapport du programme des Nations unies pour l’environnement, que « les plastiques du secteur de la grande consommation font peser un coût total de 75 milliards de dollars sur le patrimoine naturel, dont 40 milliards pour les emballages plastiques, un montant supérieur aux profits du secteur des emballages plastiques dans son ensemble ».

Le secteur de l’emballage est de loin le plus grand consommateur de plastiques, puisqu’il représente près de 40 % de la production de plastiques. Cela lui confère une grande responsabilité. S’il ne s’agit pas de nier les services réels que peuvent rendre ce type d’emballages, il faut également ne pas sous-estimer la crise environnementale majeure à laquelle nous faisons face. L’accumulation des plastiques dans les océans est la manifestation la plus spectaculaire de cette crise. Il est normal qu’elle soulève indignation et inquiétude. Le WWF joue un rôle de lanceur d’alerte, comme récemment avec son rapport intitulé Pollution plastique en Méditerranée, sortons du piège ! . Face à l’ampleur et à l’urgence de la situation, mais aussi à sa complexité, le WWF appelle à une mobilisation de l’ensemble des parties prenantes. Il est nécessaire que les acteurs économiques et politiques œuvrent conjointement à la transformation des modes de production et de consommation afin de réduire l’impact environnemental des plastiques.

Une combinaison de solutions et un préalable : la réduction de notre consommation

• Réduire. Le constat est désormais partagé par tous (société civile, entreprises, collectivités territoriales, institutions nationales et internationales...) : nous devons réduire notre consommation superflue de plastiques. Ceci explique que plus d’une cinquantaine de gouvernements et institutions internationales s’activent depuis plusieurs années à limiter la consommation de plastique inutile et à faire émerger des substituts. Des efforts peuvent être portés par les industriels pour renforcer l’éco-conception des produits : réduire le volume d’emballage plastique, réduire le suremballage, incorporer un taux minimum de plastique recyclé, atteindre un haut niveau de recyclabilité des emballages – voire une recyclabilité intégrale. Des exemples de bonnes pratiques existent et doivent inspirer les industriels. La modulation de l’éco-contribution, avec son principe de bonus-malus en fonction des efforts d’éco-conception, peut se révéler un puissant levier de progrès. Nous estimons toutefois que son ampleur est trop faible pour jouer pleinement son rôle, et nous appelons de nos vœux son renforcement.

Par ailleurs, concernant les matériaux permettant d’éviter l’utilisation des plastiques, de nombreuses innovations portées par des entrepreneurs émergent à partir de différents substrats (sucre, amidon, algues, bambou…). D’abord, il faut veiller à ce que le bilan environnemental global de ces substituts soit meilleur que celui du plastique, ensuite, il faut s’assurer qu’ils soient compétitifs. Des mécanismes fiscaux doivent être pensés pour favoriser les produits les plus durables.

• Réutiliser et recycler. Le recyclage ne résoudra pas à lui seul le problème des déchets plastiques en raison de ses limites. Pour autant, il dispose d’un potentiel de développement important, qu’il faut exploiter. Rappelons que la France est un mauvais élève en matière de recyclage des emballages plastiques. Avec un taux de 26,2 % , elle se classe au vingt-neuvième rang européen (sur 30), contre 40,8 % en moyenne dans l’Union européenne. Trop souvent, les entreprises estiment avoir accompli leur mission en ayant atteint un haut niveau de recyclabilité de leur emballage. Pourtant, il ne suffit pas que la matière soit recyclable : il faut qu’elle soit recyclée. Et il ne s’agit pas de se reposer uniquement sur un recyclage en « boucle ouverte », par lequel on compte sur une autre filière industrielle pour recycler : il s’agit de développer des efforts pour maximiser le recyclage en « boucle fermée », c’est-à-dire dans les emballages eux-mêmes. La voie est montrée par les bouteilles en PET, qui désormais incorporent, à des niveaux divers, un certain pourcentage de PET recyclé. Le taux d’incorporation de plastique recyclé est un bon indicateur de la maturité d’une entreprise en matière d’économie circulaire, et nous encourageons les entreprises à en faire un indicateur de performance.

• Collecter. La collecte sélective des emballages plastiques, préalable au tri et au recyclage, est encore insuffisante en France. Les bouteilles plastiques, pourtant l’un des emballages les mieux collectés, n’atteignent qu’un taux de 57 % . Pourtant, des progrès peuvent être accomplis dans le cadre du dispositif actuel de collecte sélective, notamment avec l’extension en cours des consignes de tri, mais la question est posée de savoir si ce dispositif sera en mesure d’atteindre des taux proches de 100 % , conformes aux orientations données récemment par le gouvernement. Concernant les bouteilles plastiques, les pays qui atteignent des taux élevés sont ceux qui ont mis en place la consigne (pour recyclage), ce qui a conduit à l’envisager en France. Un débat s’est ouvert sur le risque de cannibalisation du système actuel de collecte, et sur le risque de déséquilibre financier qui en résulterait pour les centres de tri. Même si la Feuille de route pour l’économie circulaire du gouvernement n’a retenu pour l’instant qu’une expérimentation de « consigne solidaire », nous estimons que le débat sur les contours acceptables d’une vraie consigne doit se poursuivre. Cela permettrait de rechercher une complémentarité entre les deux systèmes, d’analyser l’impact sur le coût global de la collecte, de proposer un rééquilibrage des flux financiers entre les différentes parties prenantes, et d’imaginer la gouvernance optimale d’un tel système. Des progrès doivent également être accomplis dans le domaine de la restauration hors foyer. L’incitation au tri dans les espaces publics se révèle plus ardue qu’à domicile et réclame des efforts importants en matière de dispositif et de signalétique. Les gestionnaires de ces espaces doivent se doter d’une ambition beaucoup plus forte qu’actuellement. Par ailleurs, on note que les déchets sauvages proviennent essentiellement des fleuves et se déversent ensuite dans les océans. Si les initiatives de nettoyage du littoral par les associations sont bienvenues, la priorité doit rester à la prévention. Des efforts complémentaires sur la collecte en amont constituent la réponse la plus efficace. Les collectivités du littoral, qui sont en première ligne, doivent être encouragées à se saisir du problème et à mettre en place une politique ambitieuse de « zéro fuite » dans la mer.

Les enjeux de mobilisation

Face à l’ampleur et à la dimension internationale de l’enjeu, le WWF défend un traité international contraignant sur les plastiques, dans le cadre des Nations unies. Ce traité devra se fixer des objectifs et calendriers clairs permettant d’obtenir des avancées indispensables. Ensuite, au niveau européen (avec la proposition de directive par la Commission européenne) et français (avec les propositions de la Feuille de route pour l’économie circulaire et du plan Biodiversité), de nombreuses avancées sont également espérées. Les interdictions et réglementations doivent s’appuyer sur des calendriers précis et fiables, en concertation avec les entreprises, pour permettre une transition adaptée. L’ambition de l’économie circulaire est précisément d’augmenter la productivité des ressources. Il s’agit d’un grand défi du xxie siècle, tout comme la productivité du travail a été celui du xxe siècle, avec les résultats spectaculaires que l’on sait. Réaliser des gains de productivité correspond à la culture du monde industriel, son rôle sera donc déterminant. Enfin, la sensibilisation des citoyens et la mobilisation de la société civile sur cet enjeu sont essentielles. Les citoyens ne peuvent pas opérer seuls le changement, mais ils ont la capacité de l’impulser, de l’accompagner et de le soutenir. Le WWF, fort d’une communauté rassemblant des millions de sympathisants, s’impliquera pour mobiliser les acteurs de ce changement et permettre la transition vers un monde libéré des pollutions plastiques.

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