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Ubicuity, ou la valeur d'usage par le recyclage

11/10/2018

Initiée en 2011, la filière d​‌’économie circulaire du groupe BIC franchit une nouvelle étape grâce à la création, sur le mode collaboratif, d​‌’une gamme de mobilier urbain. Avec comme objectif de pérenniser le concept.

Entretien avec Bénédicte Cusinberche

Comment le concept Ubicuity est-il né chez le roi du jetable ? Comment êtes-vous passé de la collecte, en 2011, à la valeur d’usage par le recyclage, en 2017 ?

Bénédicte Cusinberche : La gamme Ubicuity est une gamme de mobilier urbain en plastique recyclé fabriquée à partir de la collecte des instruments d’écriture usagés. Il s’agit de la dernière étape de la filière d’économie circulaire et collaborative initiée par Bic en 2011, dont l’objectif est de recréer de la valeur à partir de déchets qui n’en ont plus. Nous sommes arrivés à cette étape en commençant par tester le principe de la collecte sur les lieux mêmes de la consommation des produits – écoles et bureaux –, ce qui facilite le geste de tri pour les usagers. Forts du succès rencontré, nous avons décidé de franchir les étapes suivantes et de transformer cette collecte en un produit qui a du sens, une belle valeur d’usage, et d’ainsi « boucler la boucle ».

L’alliance avec TerraCycle, Plas Eco et Govaplast est-elle le fruit du hasard ou celui d’une rencontre fondée sur des convictions communes ?

B. C. : Cette alliance que nous avons initiée est le fruit de rencontres réussies avec trois acteurs du recyclage, chacun ayant une expertise bien définie et la volonté de valoriser les déchets. Bic cherchait un usage pouvant contenir cette matière recyclée.

En quoi cette économie circulaire constitue-t-elle un modèle et comment la filière est-elle organisée, particulièrement sur le plan du lieu de la collecte et de ses moments ?

B. C. : L’innovation du concept Ubicuity n’est pas technologique, mais porte plutôt sur la mise en relation et la collaboration des trois acteurs du recyclage précédemment cités et des consommateurs qui collectent. Cette approche « désilotée », sponsorisée par Bic, a pour but de constituer une filière de recyclage intégrée et pérenne. En effet, le fait de rassembler ces différentes expertises nous permet d’avoir une vue d’ensemble des enjeux et des freins, aussi bien financiers que techniques. Il faut savoir que le plastique recyclé postconsommateur n’est pas simple à utiliser, et ce pour trois raisons : les différents plastiques peuvent être encore trop mélangés, la matière peut perdre beaucoup de ses propriétés mécaniques au cours des différentes étapes du recyclage, et l’approvisionnement de cette matière secondaire n’est pas forcément très stable (quantité et qualité irrégulières). Ainsi, Bic a confié la collecte des stylos à TerraCycle et, pour chaque stylo collecté, reverse un centime d’euro à l’association choisie par celui qui ramasse. Ce don est très important, car l’un des freins au recyclage porte sur la distribution de la valeur retrouvée sur toute la chaîne de valeur : si un déchet ne vaut rien, il coûte néanmoins sur le plan de la collecte. Il faut intéresser tous les acteurs de la chaîne pour les impliquer. Ainsi, de la matière plastique recyclée qu’elle récupère, Govaplast fabrique des planches qui, une fois revendues, serviront à Plas Eco pour concevoir et commercialiser du mobilier extérieur.

Quels obstacles avez-vous du lever, aussi bien en interne qu’à l’extérieur ?

B. C. : Chaque innovation, quelle qu’elle soit, est un défi pour toute organisation et ce d’autant plus que dans le cas d’Ubicuity, la collecte et le recyclage étaient des domaines encore peu explorés. Chez Bic, ce concept nous conduit à aller au-delà de notre métier et de nos produits, puisque nous proposons un service associé à notre gamme de produits, ce qui est très innovant. Pour lever les obstacles, il suffit de s’appuyer sur un sponsor fort, plutôt haut placé, mais surtout visionnaire, et pour les opérations quotidiennes sur des experts capables de se projeter dans l’avenir.

La culture, l’esprit de l’entreprise Bic ont-il inspiré la singularité de votre projet ?

B. C. : Oui, complètement, car l’expérience acquise chez Bic m’a beaucoup servi dans la conduite de ce projet. Nous sommes très à l’écoute de la réalité du terrain pour y répondre de la manière le plus juste possible. On sentait qu’il y avait une aspiration des consommateurs à recycler et on a essayé d’y répondre. Pour le groupe, la notion de valeur d’usage est également très forte quant aux produits proposés, excellente qualité et durabilité du produit.

La décision de ne recourir à aucun financement externe procède-t-elle de la volonté d’être seul maître à bord ?

B. C. : Ce n’est pas cette volonté qui prime, mais plutôt celle de bien identifier les coûts exacts et complets de la filière de recyclage. Nous souhaitons développer une vision très claire de la situation et trouver les meilleures solutions pour bien maîtriser les coûts et la qualité.

De quelle raison procède l’association d’autres marques de stylos dans le recyclage ? Sont-elles autorisées à faire prévaloir dans leur communication leur participation à l’opération ?

B. C. : Nous collectons tous les instruments usagés, toutes marques confondues, car cela serait trop compliqué pour les consommateurs de trier par marques et brouillerait le sens de notre action sur le plan de l’avancée du recyclage. Notre objectif est de faire avancer l’état de l’art du recyclage. Bic prend à sa charge tous les coûts et communique sur le concept, les autres marques bénéficiant de ce programme.

Les collectes sont-elles appelées à s’étendre à d’autres territoires ? Constatez-vous un comportement des consommateurs différent selon les pays ?

B. C. : Nous sommes actuellement implantés dans sept pays et leur nombre peut augmenter. Le comportement des consommateurs est très culturel et diffère d’un pays à l’autre. Ainsi, en France, un quart des inscrits ne collectent pas immédiatement, alors qu’en Allemagne la totalité des inscrits collectent. Quant aux pays nordiques, ils ont quitté le programme, car chez eux tout est incinéré pour la récupération de l’énergie et il n’existe pas encore de recyclage de ce type.

Comment relayez-vous le concept auprès des consommateurs ? Les écoliers sont-ils devenus vos meilleurs ambassadeurs ?

B. C. : Dans la mesure où Ubicuity répond à un vrai besoin des consommateurs, des écoliers, nous n’avons pas tellement besoin de communiquer, car le bouche à oreille fonctionne très bien. Nous avons fait un communiqué de presse en mars 2011 pour le lancement de la collecte et un deuxième en octobre 2017 pour le lancement d’Ubicuity. Ce concept suscite naturellement et « organiquement » un intérêt sans forcément passer par des campagnes de communication, ce dont nous nous réjouissons.

Considérez-vous Ubicuity comme une marque, avec son logo, son slogan Petit stylo deviendra banc ? Comment le nom est-il né ? Aviez-vous d’autres propositions ?

B. C. : C’est l’agence Carré Noir qui a trouvé le nom, et le slogan a été conçu conjointement avec l’agence. La marque Ubicuity appartient au groupe Bic, son nom fait écho à l’ubiquité du stylo Bic, que l’on retrouve partout, y compris dans du mobilier extérieur !

Souhaitez-vous étendre votre gamme, aujourd’hui destinée à l’extérieur et à l’école, au mobilier intérieur ?

B. C. : Les particuliers peuvent acheter le mobilier sur le site plaseco.fr, même si Plas Eco s’adresse en priorité aux collectivités territoriales. Avec sa très forte résistance aux intempéries et aux températures extrêmes, Ubicuity est davantage destiné à l’extérieur qu’à l’intérieur. Le mobilier est garanti 10 ans, il est anti-UV, antigraffitis et dure bien plus longtemps qu’un mobilier en bois d’élevage.

Comment vous situez-vous en matière de prix et de qualité par rapport à la concurrence ?

B. C. : Plas Eco est le leader en mobilier urbain en plastique recyclé et nous sommes dans sa gamme de prix.

D’autres produits que le mobilier – des stylos par exemple – pourraient-ils un jour enrichir l’offre d’Ubicuity en produits recyclés ? Quels sont à ce jour les points de blocage sur le plan technique ?

B. C. : Pour l’heure, nous testons la gamme actuelle et elle va s’enrichir d’autres éléments comme des tables de jardin. Dans la mesure où nous ne sommes qu’au début du recyclage postconsommateur, l’état de l’art est tel qu’il ne nous est pas encore possible d’injecter facilement ce type de plastique recyclé dans des produits de haute précision comme les nôtres.

Pour quelle raison ni les briquets ni les rasoirs ne comptent aujourd’hui au nombre des produits recyclés ? et demain ?

B. C. : Nous avons commencé dans un premier temps avec les produits d’écriture, pour bien maîtriser toutes les contraintes. Nous sommes toujours en phase d’apprentissage. Chez Bic, pour ce genre de projets, nous préférons avancer sans précipitation, avec une montée en puissance maîtrisée.

Les enseignes peuvent-elles vous accompagner en devenant des lieux de vente complémentaires au site de vente en ligne de Plas Eco ?

B. C. : Ce n’est pas à l’ordre du jour, car nous sommes très satisfaits de notre partenariat avec Plas Eco. Notre objectif est d’abord de pérenniser le concept.

Peut-on déjà tirer un premier bilan d’Ubicuity ? Depuis octobre 2017 et le lancement du concept, combien de petits stylos sont-ils devenus bancs ?

B. C. : On peut aujourd’hui trouver les « stylos devenus bancs » dans nombre d’écoles et de collectivités, comme les villes de Lyon, Chambéry, Dardilly, Salles, Sorgue, Clichy-la- Garenne et Bourg-la-Reine.

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