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Gaspillage alimentaire : un enjeu de société

11/10/2018

La France est au nombre des pays leaders sur le plan de la réduction du gaspillage alimentaire. Il revient à l’Ademe d’accompagner les pouvoirs publics et de sensibiliser entreprises et consommateurs à ces enjeux.

Une priorité de la politique française

Au cours des années 2012 et 2013, le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt met en place un pacte de lutte contre le gaspillage alimentaire pour faciliter les échanges entre tous les acteurs de la chaîne alimentaire au niveau national et établir un plan d’action. Signé le 14 juin 2013, ce pacte entérine l’objectif collectif de réduction de moitié du gaspillage alimentaire d’ici 2025. Son successeur, signé en juin 2017 pour une période de trois ans, vise à renforcer et mieux cibler les actions à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif national.

Une loi spécifique au gaspillage alimentaire a été adoptée le 11 février 2016, venant renforcer le dispositif réglementaire démarré par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015 et les actions initiées au travers du programme national de prévention des déchets pour la période 2014-2020 d’août 2014.

Elle vise à :

• hiérarchiser les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire en favorisant la prévention du gaspillage, puis le don ou la transformation des invendus alimentaires et enfin la valorisation animale, organique et énergétique des déchets ;

• obliger les négoces de plus de 400 m2 à proposer une convention de don à au moins une association habilitée ;

• intégrer la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le reporting social et environnemental des entreprises.

Le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, en échos aux États généraux de l’alimentation, va venir renforcer un certain nombre de points : don et diagnostic obligatoire pour certaines industries agroalimentaires (IAA) et la restauration collective, mise en place progressive du doggy bag. L’ensemble de ces dispositions positionne la France parmi les principaux leaders sur le sujet au niveau international.

L’Ademe en actions

La lutte contre le gaspillage est l’une des nouvelles missions confiées à l’Ademe par les pouvoirs publics suite à la loi TECV. Ainsi, depuis 2015 l’agence s’est-elle particulièrement investie sur ce sujet, notamment en réalisant :

une étude de mesure globale sur l’ensemble de la chaîne alimentaire (État des masses des pertes et gaspillage en France, mai 2016) ;

des études sectorielles (ménages, grande distribution, restauration collective, IAA, établissements de santé), qui ont permis de démontrer la possibilité pour ces acteurs de réduire fortement, sans modifier fondamentalement leur organisation, leurs pertes et gaspillages en réalisant des économies très importantes ;

une importante campagne de communication (casuffitlegachis.fr/) visant tous les acteurs (2016 et 2017) ;

un soutien financier et humain aux collectivités engageant leurs restaurants collectifs scolaires dans une réduction ambitieuse de leur gaspillage (années scolaires 2016-2017 et 2017-2018) ainsi que pour le déploiement de services civiques ;

des conventions de financement avec les principales têtes de réseau nationales des associations d’aide alimentaire, pour augmenter le volume de dons récupérés et redistribués.

Gaspillage alimentaire, de quoi parle-t-on ?

La signature du pacte national de lutte contre le gaspil- lage alimentaire a officialisé en 2013 la définition suivante : « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée ».

Peu importe que la nourriture, au moment où elle est jetée, soit abîmée ou non et les raisons pour lesquelles cette nourriture est jetée.

L’utilisation en alimentation animale ou le compostage de produits destinés à la consommation humaine sont considérés comme du gaspillage, même si ces méthodes peuvent constituer une excellente valorisation.

• Les pertes de production agricole avant la récolte ne sont pas prises en compte : le périmètre se cantonne aux produits à maturité (consommables après récolte) destinés à la consommation humaine.

Les pertes non comestibles en alimentation humaine liées aux processus de transformation ou de préparation (os, peaux…) ne sont pas considérées comme gaspillage.

Les enjeux du gaspillage alimentaire en France

L’étude de l’état des masses réalisée par l’Ademe en mai 2016 a fait émerger une vue générale du secteur, pour la première fois en France. Cette étude novatrice mesure le total des pertes et gaspillages générés sur 26 filières alimentaires représentant plus de 80 % des produits consommés en France et à chaque étape de la chaîne alimentaire. Elle précise aussi la valeur commerciale théorique et l’impact carbone en t/CO² de ces produits. Combinés aux études témoins sectorielles, ces éléments donnent une vue d’ensemble complète et très riche.

Chaque acteur, tout au long de la chaîne alimentaire, participe aux pertes et gaspillages alimentaires, à son niveau mais également en aval et en amont par le jeu des relations commerciales. Ainsi, d’une part la responsabilité du gaspillage est partagée entre les différents acteurs de la chaîne et d’autre part il existe une interdépendance entre eux. Au total, ce sont 10 millions de tonnes de produits perdus et gaspillés pour l’alimentation humaine par an en France, soit environ 150 kilos de gaspillage alimentaire par personne et par an.

Ces 10 millions de tonnes ont une valeur commerciale théorique de 16 milliards d’euros. Plus de 40 % de cette valeur correspond à l’étape de consommation. En effet, la valeur du produit croît au fil de la chaîne du fait du coût du transport, de la transformation, de la vente ou de la publicité, faisant ainsi augmenter la valeur des pertes correspondantes. Enfin, l’impact carbone de ces pertes et gaspillages est évalué à 15,3 millions de tonnes équivalent CO² (Mteq), ce qui correspond à 3 % de l’ensemble des émissions de l’activité nationale.

La lutte contre le gaspillage alimentaire : axe majeur d’une consommation et d’une alimentation durables

Une des causes de fond du gaspillage alimentaire tient à la perte de valeur financière et symbolique de l’alimentation. Entre 1960 et 2014, la part de notre budget consacrée à l’alimentation est passée à prix constants de 35 % à 20 % . Par ailleurs, l’éloignement des consommateurs des sites de production et l’augmentation du pourcentage de produits transformés consommés conduisent à une perte de conscience de la valeur de l’alimentation. D’autre part, le gaspillage est peu visible pour les acteurs, puisqu’il représente une part faible par rapport aux volumes d’alimentation produits, manipulés ou consommés. Par exemple, à la maison, ce gaspillage représente moins de 40 grammes par repas et se produit lors de différentes étapes (préparation, reste de repas, rangement en dehors des repas). Pourtant, au total, le gaspillage alimentaire à la maison représenterait 30 kilos par an et par personne (l’équivalant d’un repas par semaine), dont sept kilos de produits qui n’ont pas été déballés. Et gaspiller de la nourriture coûte cher : plus de 100 euros par personne et par an.

Ainsi, que ce soit à la maison ou dans une entreprise, les individus n’ont pas conscience de jeter. Lorsqu’ils le font, cela correspond à un non-choix. Ils privilégient d’autres valeurs, normes ou contraintes, comme gagner du temps, éviter tout risque sanitaire, respecter la bienséance ou un certain standing, etc., qui, dans le fond, sont plus importants que ces petits gaspillages. Ces derniers représentent pourtant au bout du compte des masses énormes.

Si l’Ademe cherche à accompagner les acteurs et les consommateurs vers de nouveaux comportements de lutte antigaspi en montrant leur intérêt économique ou pratique, plus globalement elle s’attache aussi à revaloriser l’alimentation, y compris sur un plan symbolique (en rappelant par exemple d’où vient la nourriture, quelles sont les ressources nécessaires à sa production…). Dans ce domaine les metteurs sur le marché de produits alimentaires et les marques ont un rôle majeur à jouer.

Réduire le gaspillage alimentaire, c’est augmenter la valeur symbolique des produits alimentaires, mais aussi certainement accepter de revoir ses habitudes de consommation pour tendre vers une meilleure qualité des produits ou limiter volontairement le « choix » pour consommer davantage ce que l’on peut (en fonction des contraintes inhérentes à la production agricole, telle que la saisonnalité) plutôt que ce que l’on veut. La lutte contre le gaspillage alimentaire est ainsi indissociable de la promotion de modes d’alimentation durables.

La contribution de l’emballage à la réduction du gaspillage alimentaire

En 2017, dans le cadre du plan national de prévention 2014- 2020, le Conseil national de l’emballage et l’Ademe ont travaillé au sein d’un groupe de travail à l’édition d’un guide de bonnes pratiques s’attachant à démontrer la possible contribution de l’emballage à la réduction du gaspillage alimentaire en France. Cette contribution doit être développée et renforcée, même si elle est à relativiser au regard des différents facteurs engendrant ce gaspillage.

Le document aborde l’ensemble des pistes liées aux différentes fonctions de l’emballage qui permettent de contribuer à réduire le gaspillage, et, en premier lieu, la nécessaire adéquation entre les habitudes de consommation d’un ménage donné et la taille des produits proposés. Au-delà de cette adaptation de la taille des produits préemballés, l’augmentation de la durée de vie des produits, l’augmentation du taux de restitution, la possibilité de refermer l’emballage de façon étanche, l’aide au juste dosage, l’information sur la valeur et la gestion de l’aliment,… sont autant de bonnes pratiques qu’il faut sans cesse rappeler lors de la conception du produit et de son emballage. L’écoconception doit permettre de prendre en compte à la fois :

la prévention par réduction à la source des emballages (exigence de la directive 94/62/CE retranscrite dans le code de l’environnement à l’article R543-44) ;

la contribution de l’emballage à la réduction du gaspillage alimentaire. La réduction à la source s’apprécie par la mise en évidence de « points critiques » : établir un point critique revient à démontrer qu’une réduction supplémentaire de poids et/ou de volume de l’emballage mettrait en péril une ou plusieurs de ses fonctions principales.

Dans le cadre du gaspillage alimentaire :

l’emballage ne doit pas être plus réduit s’il est démontré que cela met en péril le produit, entraînant ainsi plus de gaspillage (emballage de transport fragile, emballage primaire trop fin induisant des pertes, barrière de l’emballage trop faible, etc.) ;

l’augmentation de l’emballage peut être justifiée s’il est démontré que cela permet de lutter contre le gaspillage.

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