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Principe d'inertie : principe de précaution (FFAS)

11/10/2018

Matérieux d’emballage au contact des denrées alimentaires : quels sont les risques ?

Avec une production européenne de près de 1 000 milliards d’unités d’emballage en 2017 et plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, les emballages ont pour débouché essentiel le secteur agroalimentaire. Majoritairement représentés par les plastiques et les papiers-cartons, ils se caractérisent par une innovation de plus en plus importante, notamment avec le développement de matériaux actifs, qui contribuent à améliorer la préservation du produit conditionné, et d’emballages intelligents, qui permettent de contrôler les conditions de transport et de stockage. Les matériaux d’emballage au contact des denrées alimentaires (MCDA) doivent être fonctionnels (novateurs, recyclables, biosourcés, biodégradables…), faciliter l’usage ou le transport d’un produit. Ils permettent l’étiquetage des informations obligatoires tout en étant un outil « marketing » très important. Ils jouent un rôle incontournable de protection de l’aliment (lumière, micro-organismes…), de conservation des qualités nutritionnelles et organoleptiques et participent ainsi à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Réglementation

Cependant, les MCDA peuvent être une source d’exposition à des substances chimiques pour le consommateur. En effet, un emballage est rarement inerte et il existe toujours des interactions entre le contenant et le contenu, notamment des phénomènes de migration vers l’aliment par un processus de diffusion.

La réglementation européenne impose donc aux industriels, à travers le règlement cadre n° 1935/2004/CE et son article 3, le principe d’inertie des MCDA, c’est-à-dire, notamment, que l’emballage ne doit pas céder à l’aliment de substances susceptibles de présenter un danger. Elle concerne 17 groupes de matériaux. Il existe, de plus, des directives ou des règlements spécifiques selon les matériaux. Parmi eux, les plastiques sont les plus règlementés. Ainsi, le règlement n° 10/2011/CE (matériaux plastiques et multicouches) impose que tous les constituants entrant dans la composition des emballages soient évalués au regard de leur migration et de leurs dangers. L’estimation de la migration va mimer l’exposition des consommateurs. Elle se calcule à l’aide de logiciels de modélisation ou avec des approches expérimentales, en faisant appel le plus souvent à des simulants d’aliments.

Les différentes migrations

La migration globale donne des informations sur la masse de l’ensemble des substances qui migrent, quelle que soit leur nature. Elle doit être inférieure à 10 mg/dm2, sachant qu’un kilo d’aliment est emballé dans 6 dm2 d’emballage (postulat européen).

La migration spécifique est la quantité d’un constituant connu et bien identifié qui migre de l’emballage vers l’aliment. Elle s’exprime en mg/kg d’aliment, avec un maximum fixé à 60 mg/kg d’aliment.

Les deux catégories de substances susceptibles de migrer

Les substances intentionnelles ou IAS (intentionally added substances). Les composés servant à la formulation de base de l’emballage (monomères résiduels et adjuvants) font partie de cette première catégorie. Les adjuvants sont la classe principale de migrants potentiels, car ils sont de petite taille et non liés à la maille du polymère. En plus des études de migration, des études toxicologiques sont requises pour chaque substance de départ. La nature des tests toxicologiques à mener dépend du niveau de migration. Par exemple, pour de faibles migrations (inférieures à 0,05 mg/kg d’aliment), seuls des tests de génotoxicité in vitro sont requis, alors que pour des migrations plus importantes, plusieurs tests de toxicité in vivo chez les rongeurs sont demandés en supplément. Afin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, chaque substance de départ destinée au contact des denrées alimentaires est évaluée. Elle peut être autorisée avec ou sans restrictions, comme une limite maximale de migration spécifique qui devra être respectée.

Les substances non intentionnelles ou NIAS (non intentionally added substances). Se retrouvent dans cette catégorie les produits de dégradation des polymères, des monomères et des adjuvants, mais aussi les résidus d’encres d’impression, les impuretés des produits de départ, des contaminants issus du recyclage des matières premières (papiers cartons) et enfin les composés néoformés. Ceux-ci peuvent être issus des polymères, des adjuvants, de post-traitements (cuisson au four à fortes températures, réchauffage au four à micro-ondes ou stérilisation…). La majorité des alertes sanitaires liées aux MCDA sont dues en Europe à des NIAS : vernis internes de boîtes de conserve, joints de pots en verre, encres, colles… Ainsi, ces substances non prévisibles, et/ou inconnues et dont la toxicité n’a souvent pas été étudiée, peuvent, si elles migrent, affecter la sécurité du consommateur. Aussi, depuis 2011, suite à la parution du règlement n° 10/2011/CE, ces substances doivent également être prises en compte : « La notion de risque engendré par une substance porte sur la substance elle-même, sur les impuretés de la substance et sur les produits de réaction ou de dégradation prévisibles dans le cadre de l’utilisation envisagée ».

Difficultés d’évaluation des NIAS

L’évaluation du risque liée aux NIAS est un challenge pour les industriels, les chimistes et les toxicologues. Cette évaluation est particulièrement difficile, car la nature chimique, les mécanismes de formation (qui dépendent des étapes du cycle de vie du matériau) de ces NIAS ainsi que les méthodes d’identification et de quantification ne sont pas toujours connus. Quant à l’évaluation du danger, cette étape ne peut pas être réalisée tant que la substance n’est pas caractérisée. De plus, l’évaluation du risque des NIAS peut être difficile du fait d’un nombre important de substances (forêt de pics), parfois à l’état de traces, détectés par les techniques analytiques, qui sont rarement exhaustives. Des interactions toxicologiques (potentialisation, antagonisme, synergie…) sont de plus possibles entre les différentes substances qui migrent de l’emballage. Ces « effets cocktail » sont connus avec des mélanges de pesticides ou des substances ayant une activité hormonale (perturbateurs endocriniens), elles sont prévisibles dans le cas de molécules structuralement proches, ce qui n’est pas le cas lorsqu’elles sont structuralement différentes. C’est pourquoi, au vu de ces nombreux enjeux, un document guide a été publié par ILSI Europe en 2015 pour aider les industriels à évaluer le risque lié à ces substances.

Évaluation globale du risque

Comme proposé dans ce guide, la toxicité de l’ensemble des molécules susceptibles de migrer peut être étudiée, en complément de l’analytique. Cette approche dite « globale », à savoir une évaluation de la toxicité du produit fini (comme préconisé par le parlement européen, rapport A8-0237/2016) permet ainsi de contrôler indirectement l’impact du process sur la formulation de départ. En matière de toxicité, les contaminations potentielles des MCDA sont faibles, mais mesurables. À ce jour, la perturbation endocrinienne et la génotoxicité sont les effets toxiques répondant à cette notion de faible exposition. Les effets génotoxiques sont importants à détecter, car ils conduisent à des lésions de l’ADN cellulaire. Cette première phase, si la lésion n’est pas réparée et/ou si la cellule ne meurt pas, est primordiale, car elle correspond à l’amorce de phénomènes qui conduiront à un processus cancéreux. Par ailleurs, ces molécules, auxquelles l’homme peut être exposé à faibles concentrations, peuvent aussi perturber le système endocrinien (œstrogènes, androgènes, hormones thyroïdiennes). Ainsi, la modification de l’équilibre hormonal, en particulier au stade fœtal, peut être à l’origine de diverses pathologies : malformation du tractus génital chez le mâle, diminution de la concentration spermatique, cancers hormonaux-dépendants, syndrome métabolique… Les effets toxiques potentiels des extraits des emballages finis peuvent donc être testés d’un point de vue toxicologique en utilisant des tests de screening in vitro, précoces, sensibles et spécifiques, dénommés « biotests ». Certains sont déjà utilisés pour les dossiers d’autorisation pour les substances intentionnelles. Les résultats des biotests peuvent être corrélés aux données analytiques afin d’identifier la ou les substances responsables. Si les données analytiques n’expliquent pas l’effet toxique observé, il peut être dû, soit à une substance non identifiée dans le mélange, soit à un effet cocktail. Cette approche s’applique également à d’autres domaines comme les matériaux utilisés en cosmétique ou les dispositifs médicaux…

Le département de recherche et de transferts technologiques Packtox (packtox.fr), qui travaille avec le centre énergie, matériaux et emballage du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) pour les étapes de migration et l’analytique, propose une batterie de biotests. Packtox a déjà participé à deux programmes européens (Biosafepaper, 2001-2005 et Migresives, 2006-2009) dans lesquels cette approche globale était utilisée et accompagne les industriels dans cette démarche. En novembre 2018, un groupe de travail ILSI Europe organisera un workshop pour discuter des adaptations nécessaires de certains biotests pour une utilisation optimisée dans le cadre de l’évaluation du risque des NIAS. Cette approche couplée analytique/biotest sur le produit fini en complément de la réglementation existante, apparaît incontournable dans une démarche d’innovation, de qualité et de sécurité des emballages et pour une maîtrise des interactions contenu/contenant.

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