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La boutique éphémère Fleury Michon, preuve à conviction

01/01/2019

Fleury Michon prépare l’alimentation de demain. De manière expérientielle à l’occasion de la conversion de l’ensemble de sa gamme de charcuterie à un taux réduit de sel.

Qu’attendez-vous de la boutique éphémère, Le 25 by Fleury Michon, en matière de singularité ?

David Garbous : Nous souhaitons présenter nos produits de manière plus qualitative, dans des conditions intimistes et incarnées. Avec la présence de collaborateurs venant aussi bien du marketing que de la R&D – qui ont conçu les produits et imaginé les cours de cuisine – que du service nutrition – qui accompagnent les consommateurs pour leur apprendre à cuisiner sans sel –, c’est le savoir-faire expliqué par ceux qui font. Malgré sa forte notoriété, la marque était historiquement connue par ses produits, mais souffrait d’un déficit de communication dans sa mission, Aider les Hommes à manger mieux chaque jour. Un combat incarné, comme l’attestent les opérations Venez vérifier, ou les interventions en magasin des collaborateurs de Fleury Michon pour démontrer dans le cadre d’animations comment la teneur en sel de leurs produits a été réduite sans en sacrifier le goût.

Que signifie « réduire de 25 % » la teneur en sel ? Sur quoi se base-t-on ?

D. G. : C’est l’une des trois questions que posent les consommateurs. La réduction de sel est très réglementée, dans la mesure où l’on ne peut revendiquer une réduction que par rapport à un standard de marché. Ainsi, chaque produit Fleury Michon intègre 25 % de sel de moins que la référence du marché. Par exemple, quand le jambon supérieur déclare en moyenne 1,8 grammes de sel pour 100 grammes, celui de Fleury Michon n’en contient qu’1,4 grammes. Nous avons donc le droit d’afficher « 25 % de sel en moins ».

Serait-il possible de réduire davantage ?

D. G. : Oui, mais il ne faut pas oublier les deux fonctions essentielles du sel : il est d’abord exhausteur de goût et il aide à la conservation. On peut agir sur la première fonction, où une marge de manœuvre existe : un jambon fabriqué dans les conditions des années 1990 – avec les niveaux de sel de l’époque – est aujourd’hui immangeable, la réduction peut donc se faire progressivement. Mais il est plus difficile d’agir sur la deuxième fonction pour des raisons de sécurité alimentaire et sanitaire. La deuxième question que se posent les consommateurs porte sur le remplacement du sel par d’autres ingrédients – et lesquels. Grâce aux travaux que nous avons menés avec Joël Robuchon pendant 30 ans, nous avons pu créer une recette unique sur le marché : un bouillon de légumes comportant en particulier du céleri, qui donne une puissance gustative en bouche. Nous avons à ce jour 30 recettes différentes selon nos références. Enfin la troisième question porte sur le prix qui, contrairement à ce qui est attendu – puisqu’on enlève un ingrédient –, est un peu plus élevé, qualité oblige. Nous devons donc, pour répondre à ces trois questions, entreprendre une pédagogie par la preuve, ce qui n’est pas possible à faire intégralement à la télévision. Notre spot tourne autour d’une question posée : « Vous savez combien de sel vous mangez par jour ? », posée à plusieurs membres d’une famille. Réponse : « on mange en moyenne huit grammes par jour et c’est trop ». Mais on ne dit pas tout ainsi, aussi utilisons-nous également Facebook, Twitter, Instagram et réactivons-nous la presse. Et nous avons ouvert pour la première fois une boutique éphémère.

Quelles raisons ont présidé au choix de Mademoiselle M ? Quand il est recommandé aux marques de miser sur la longue durée, le caractère éphémère nest-il pas contradictoire ?

D. G. : Nous avons choisi un lieu symbolique, proche de la rue de Turbigo – où tout a commencé quand Félix Fleury et Lucien Michon y ont ouvert le siège social de leur société – et des Halles de Paris. Il se divise en trois espaces distincts : un espace historique, un espace cuisine à vocation démonstrative, où l’on accueille des consommateurs pour les aider à réduire leur consommation de sel, et un espace dédié à notre nouveau saut qualitatif, avec une démonstration 3D. C’est un événementiel qui explique un changement de très longue durée.

Cette boutique a-t-elle vocation à voyager dans d’autres villes de France ?

D. G. : Si ce n’est pas pour l’heure envisagé, nous avons créé une business unit dans notre nouvelle organisation :  Les ventes avec service. Sa mission est de proposer des concepts clés en main à la distribution, aux collectivités ou en restauration, prenant la forme de kiosques ayant vocation à promouvoir le « manger-mieux ». Un pilote est actuellement testé au sein d’un supermarché Leclerc de Rueil-Malmaison, qui propose dans le corner Merci bocaux des produits cuisinés à partir de produits ultra-frais présentés en bocaux de verre. Nous expérimentons également un kiosque commercialisant des saucisses de très haute qualité. Et demain, pourquoi pas, un kiosque itinérant avec du jambon premium.

Donner à vérifier, c’est démontrer ?

D. G. : On est d’autant plus crédible auprès des consommateurs qu’on ne passe pas son temps à prétendre qu’on est le plus beau et le plus fort car ils décrochent vite. Il faut leur montrer où on en est, ce que l’on fait et ce que l’on veut atteindre. Nous ne cherchons pas tant la transparence que d’exposer nos convictions, de partager nos ambitions, mais aussi nos difficultés. C’est une belle manière de réintroduire de la conversation, du dialogue, condition de la confiance, enjeu majeur des marques aujourd’hui. Elles doivent changer de posture, être moins émettrices et plus à l’écoute, en acceptant la critique et l’existence d’enjeux non encore résolus. Cela correspond à une étape sociétale importante, une maturité collective qui s’est construite depuis quelques années et qui s’est cristallisée lors des États généraux de l’alimentation. Tous les acteurs savent que dorénavant ils ne peuvent agir qu’ensemble pour notre alimentation de demain. Fini le temps où l’on se repassait la « patate chaude  »,  où l’on  disait « j’voudrais bien mais j’peux point », où l’on se contentait de rester dans une impasse. Il faut impérativement changer collectivement le modèle alimentaire construit depuis 50 ans, fondé sur une alimentation trop carnée, trop riche. La montée en gamme et la qualité sont les deux voies de salut de l’alimentation de demain. C’est un changement radical de paradigme, parfois difficile à matérialiser. Mais nous avons la responsabilité historique et collective très importante de repenser un modèle plus résilient, plus soutenable, durable. Un changement d’échelle s’impose. Il nous faut démontrer que, même si la tâche est immense et qu’elle peut faire peur, ces nouvelles démarches sont gagnantes. Nous le prouvons à notre niveau, avec par exemple la filière J’aime, lancée en 2015. Nous tentons la même chose avec le lancement de la filière bio française dans le porc. Nous créons un modèle pilote d’un nouveau mode de production.

Quel sens a selon vous le mot « relation » aujourd’hui ? Quelle est la place et le rôle des influenceurs / blogueurs dans votre système relationnel ?

D. G. : La relation définit le lien entre des parties prenantes et peut vivre quand la communication n’est pas tronquée, travestie. Par le moyen de la boutique, nous racontons une histoire plus en profondeur, moins factice. La relation existe quand on est capable d’intéresser et d’interagir. La relation ne fonctionne que si tous les acteurs sont d’accord sur l’objectif, sinon chacun tire la couverture à lui. La place des influenceurs est importante par les communautés qu’ils ont tissées sur la base de conviction, de valeurs. Ils expliquent les expériences qu’ils ont vécues avec nos produits, aussi bien dans un sens positif que négatif. Ce qui nous pousse à nous améliorer.

La symétrie des attentions vous semble-t-elle cardinale pour créer une relation justifiée et donc durable, avec les salariés ?

D. G. : C’est d’autant plus important quand on est une entreprise familiale. Quand nous avons lancé le projet « Aider les Hommes à manger mieux chaque jour », les salariés ont été sollicités pour donner leur définition du « manger-mieux » et suggérer des idées. Il en a résulté 500 propositions que nous avons pu porter à l’extérieur.

Le développement des assistants vocaux vous apparaît-il préoccupant, qui viendraient privilégier le produit générique au détriment de la marque ?

D. G. : Non, c’est à nous de travailler pour que le consommateur ne choisisse par n’importe quel jambon. Paradoxalement, toutes les crises alimentaires que nous avons connues ces dernières années nous conduisent à recréer de la différence au-delà de la seule dimension émotionnelle de la marque. On s’intéresse de plus en plus à la façon dont les entreprises travaillent, à leur raison d’être, à leur singularité. Le consommateur remet de la valeur dans ce qu’il achète.

Quels autres outils (autre que le Nutri-Score…) ou moyens souhaitez-vous privilégier pour que la relation de la marque avec ses parties prenantes soit fondée sur la confiance, la fidélité, la reconnaissance sans être par trop intrusive ?

D. G. : Aujourd’hui, le Nutri-Score figure sur presque tous nos produits. 82 % de nos plats cuisinés arborent les lettres A et B. Si désormais 90 entreprises se sont engagées à l’utiliser, nous sommes le premier industriel à l’avoir fait. Nous avons cependant signalé à Santé publique France que le Nutri-Score ne prend pas en compte les pesticides et autres additifs, un nouvel enjeu que Yuka a déjà souligné et dont nous devons tenir compte. Dans le cadre de notre déploiement sur les réseaux sociaux, nous avons créé le hub consommateur en 2016, émanation du service consommateur jadis piloté par le service qualité. Le mot « hub » est important, qui atteste de notre volonté d’instaurer un dialogue grâce à tous les outils qu’il regroupe pour recueillir un maximum d’informations – dont les photos qu’on nous envoie – et répondre très vite aux questions. Quand on pose une question sur Twitter, il faut répondre dans les 30 minutes, sinon les gens pensent qu’on a des choses à cacher. Le hub a pour vocation, demain, de pouvoir être contacté au-delà des sujets portant sur Fleury Michon.

La relation dans le linéaire ne devrait-elle pas être moins « froide » ?

D. G. : Oui, est c’est d’autant plus important que des propositions de vente avec service vont se multiplier, plus incarnées et dans l’ultra-fraîcheur. Il faut faire une révolution sur les packagings et animer davantage les linéaires pour incarner la marque sur place, par des dégustations par exemple.

De quoi la marque Fleury Michon est-elle le nom, aujourd’hui et demain ? Manger mieux chaque jour n’est-il pas un objectif aujourd’hui partagé par beaucoup de marques alimentaires ?

D. G. : Oui, c’est exact, mais ce qui compte avant tout, c’est la preuve, les actes et non les paroles : Fleury Michon mène une action concrète pour rendre ce discours crédible. C’est ce qui va différencier demain les très bons communicants des survivants.

La Fict (Fédération des industries charcutières, traiteurs et transformatrices), que vous avez quittée en septembre dernier, mènerait-elle un combat d’arrière-garde ?

D. G. : Elle refuse le Nutri-Score et nous ne pouvions pas rester dans une position schizophrénique. Dans la révolution du modèle alimentaire, les alliances ne peuvent plus être verticales, qui obligent de trouver un juste milieu entre des acteurs ayant des positions radicalement opposées. Elles doivent être horizontales, comme le suggèrent les États généraux de l’alimentation mêlant, de la fourche à la fourchette, tous les acteurs de la filière désireux d’avancer dans la même direction, volontaires, et qui se donnent les moyens de créer les conditions de la réussite. Nous sommes, pour notre part, membre fondateur de Ferme France, qui réunit des coopératives, des industriels et des distributeurs (Auchan et Système U) autour d’un projet fondé sur des performances sociétales, levier de différenciation et de développement de l’agriculture et de l’industrie alimentaire.

Joël Robuchon vient de décéder. Sera-t-il remplacé ?

D. G. : Joël Robuchon nous a permis de faire un saut qualitatif majeur en nous conseillant, dans les années 1980, d’abandonner notre « boîte de pharmacie » des usines. Il nous a apporté beaucoup dans notre savoir-être, savoir-penser, savoir-créer. Il nous a permis de légitimer la valeur de nos produits. Nous prolongeons 30 ans de collaboration en continuant à travailler avec son équipe sur l’élaboration des recettes valorisées. Les relations perdurent…

 

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