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Les nouveaux défis du online pour l’emballage

12/04/2017

Le boom de l’e-commerce nécessite une adaptation de l’emballage. Plus simple à dire qu’à faire ! Il faut concilier marketing et technique suivant de nouvelles modalités. Mais l’emballage gagne en importance : il devient une forme de point de vente à lui seul.

par Benoît Jullien,
ICAAL
Isabel Rocher, Chargée de l’e-commerce, groupe DS Smith
et Marc Chiron, Directeur commercial et marketing, DS Smith France

Pour DS Smith, deuxième fournisseur européen d’emballage, en carton ondulé notamment, le développement des ventes par Internet est devenu un enjeu stratégique majeur, qui suppose de développer des emballages performants adaptés à leurs contraintes propres. « Avec une croissance de 12 % , l’e-commerce nous fait entrer dans une phase de révolution des comportements d’achat, sous l’impulsion en particulier des jeunes générations, qui vont modeler un nouveau paysage, prévoit Isabel Rocher. Pour les marques, il va falloir s’adapter rapidement ». Marc Chiron, confirme : « c’est un marché en plein essor… mais assez déroutant puisque les réflexes traditionnels n’y sont plus pertinents ». Ainsi, les fonctions classiques de l’emballage dans les magasins physiques se trouvent profondément modifiées. Certes, elles restent fondées sur la nécessité de protéger le produit tout en communiquant un message sur son identité, mais elles s’exercent dans un cadre de contraintes radicalement différent. « Les consommateurs de l’e-commerce se montrent particulièrement exigeants, résume Isabel Rocher, qui était précédemment en charge du packaging opérationnel chez Amazon, ils veulent recevoir leur commande sans dommage, tout en protestant contre les dispositifs de calage qui doivent assurer sa préservation durant le transport. » Aujourd’hui, les méthodes d’emballage dans le commerce online n’ont pas encore été véritablement pensées et restent souvent le fruit de dispositifs imaginés dans l’urgence pour répondre à l’essor d’un débouché qui a pris de court bon nombre d’acteurs. « On ne peut continuer ainsi, alerte Isabel Rocher, c’est le rôle d’une entreprise comme DS Smith d’inventer de réelles solutions. » Actuellement, le multicanal oblige à concevoir deux types de packaging, l’un pour le retail, l’autre pour le online. Cette complexité, génératrice de coûts, pourrait conduire à une conception unique reposant sur une mutation vers l’omnicanal, autrement dit à imaginer l’adaptation d’un seul et même emballage à tous les modes de distribution. « Mais nous n’en sommes pas là, reconnaît Isabel Rocher, et il faut répondre aux mécontentements que suscite le surpacking généré par l’e-commerce. »

De nouveaux protocoles de test

DS Smith travaille à de futurs développements, après avoir élaboré le système DISCS, qui « simule la supply chain via un protocole de testing qui devra permettre de créer l’emballage qui survivra au dernier kilomètre finalisant la logistique de l’e-commerce ». DISCS est l’acronyme des termes anglais drop, impact, shake, crush et shock. Ce protocole évalue donc l’emballage suivant sa capacité à supporter les chutes, les impacts, les secousses, l’écrasement ou les chocs durant les opérations de transit et de manutention. De fait, un produit traité dans la chaîne online peut rencontrer jusqu’à 50 points de contacts, qui constituent autant de risques pour son intégrité1. Les 500 designers du groupe en Europe peuvent ainsi tester des emballages conçus suivant un ensemble de bonnes pratiques regroupées dans ce que DS Smith a baptisé les « 5 Easy’s ». Ces cinq facilités sont celles de s’approvisionner (easy to source), d’emballer (easy to pack), de transporter (easy to ship), de consommer (easy for consumer) et de recycler (easy to recycle). C’est en combinant ces deux approches que DS Smith se prépare à « révolutionner l’emballage de l’e-commerce, n’hésite pas à annoncer Isabel Rocher, alors que jusqu’à présent, on se contentait d’adapter l’existant ou d’innover sur des niches ». Un des problèmes clés reste de résoudre la question du volume. Aujourd’hui, un colis expédié peut contenir jusqu’à 50 % d’air : « on peut diminuer cette proportion très sensiblement ». L’autre enjeu est d’utiliser l’emballage comme vecteur de communication pour la marque. Si la plupart du temps, l’extérieur du suremballage doit rester neutre pour réduire les risques de vol, « il y a beaucoup de choses à faire dans le branding intérieur », explique Isabel Rocher. « L’emballage secondaire doit délivrer, dès son ouverture, un message propre à la marque, auquel nous travaillons avec les équipes marketing de nos clients », renchérit Marc Chiron.

Une supply chain très complexe

Et de citer l’exemple d’un packaging développé avec L’Occitane, qui cherche à développer ses ventes en ligne en complément de son réseau de magasins physiques. Il fallait répondre à trois objectifs principaux : faciliter la préparation des commandes, lutter contre les vols et améliorer la perception du consommateur. « Nous avons conçu un emballage qui se mette en forme de façon rapide, doté de bandes adhésives et dont l’impression intérieure libère un message très simple dès l’ouverture, mais en adéquation avec les valeurs de la marque : Merci. Et Marc Chiron de poursuivre : étant donné la complexité de la supply chain e-commerce, nous devons anticiper une solution avec nos clients, en tenant compte de la variété des produits à emballer, de leur taille, de leur poids, tout en permettant une rationalisation des processus, voire leur automatisation en cas d’importants volumes à traiter. » Certes, ces enjeux de sécurisation et de communication sont déjà fortement présents dans l’emballage traditionnel, mais l’e-commerce lui confère ainsi une nouvelle valeur. Et il doit adopter de nouvelles fonctions, comme la capacité à être refermé pour être retourné facilement par le consommateur à l’e-commerçant, ou – bien sûr – à être connecté pour pouvoir délivrer des informations complémentaires. Le tout en étant limité à sa juste proportion. En l’occurrence, les objectifs marketing et la durabilité se trouvent en phase, puisqu’il s’agit également d’une attente des consommateurs. « Mais les nombreuses ruptures de la supply chain restent une difficulté que le consommateur peut difficilement appréhender », ajoute Marc Chiron. Il faut en effet compter avec les étapes de conditionnement, de reconditionnement, la logistique puis l’éclatement par l’e-commerçant, le fameux dernier kilomètre, voire le retour à l’envoyeur en cas d’absence pour une nouvelle livraison… Toutes ces étapes sont autant de risques pour la sécurité du produit, qui reste la première fonction de l’emballage… et dont l’éventuelle faille ne sera jamais pardonnée par le consommateur. « Nous devons faire mouche immédiatement, être bons du premier coup, s’amuse Marc Chiron, moins on parlera de nous, mieux on aura fait notre travail ! Nous sommes vraiment au service de la marque pour lui permettre tout simplement d’adresser un produit en bon état avec le bon message. »

L’emballage redevient un vendeur

Témoignage de Bruno Siri,
délégué général du Conseil national de l’emballage (CNE)

« Avec une forte croissance et une part de marché supérieure à 5 % dans les produits de grande consommation, l’e-commerce pose de nouvelles questions aux marques. Et ce notamment dans le domaine de l’emballage, qui doit mettre en oeuvre de nouvelles fonctionnalités. Avec des marques, des fabricants d’emballages et d’équipements, des emballagistes, des distributeurs et des associations (consommateurs et environnement), nous avons constitué un groupe de travail pour y réfléchir. Conserveronsnous une existence parallèle des deux modes de consommation – retail et online – ou se dirigera-t-on vers une fusion des deux ? Conséquence pour les emballages : faut-il développer des solutions distinctes entre les deux circuits ou, au contraire, inventer un modèle hybride ?

Dans tous les cas, il faudra repenser le modèle de l’emballage pour intégrer l’e-commerce dans ses différentes fonctions, cela amène notamment de nouveaux défis techniques : traçabilité, protection du produit, facilité de réexpédition, lutte contre le vol… Notre objectif est de mettre en avant les bonnes pratiques qui font déjà leurs preuves afin de les disséminer, tout en permettant simultanément de réinventer une expérience client. Car le système d’emballage doit apporter un service complet. Les questions environnementales sont bien sûr incontournables, mais pour l’environnement même, quoi de plus désastreux qu’un produit dégradé ? Il faudra imaginer des solutions optimales conciliant ces différentes exigences. Car il y a là un enjeu d’image important pour les marques. Dans l’e-commerce, l’emballage constitue un élément déterminant du réachat. En fait, il redevient de manière renforcée le vendeur et le média qu’il a toujours été. »


Notes
(1)
 DS Smith a réalisé un film sur la supply chain de l’e-commerce, qui illustre le parcours de l’emballage tout au long de la chaîne de conditionnement, de l’e-commerçant au domicile du consommateur. On y constate la complexité de celle-ci, ainsi que le nombre impressionnant de rotations et de contraintes en tous genres que doit y supporter l’emballage.

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