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RSE, réputation et performance

12/04/2017

Le rôle des DRH est essentiel pour favoriser les innovations sociales, sociétales et environnementales, ressorts de compétitivité et de croissance. Ces innovations ont un impact sur la réputation des entreprises et, au-delà, sur leur performance.

par Jean-Marie Peretti,
Professeur à l’ESSEC Business School

La RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est un concept désignant l’intégration par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités économiques et dans les relations qu’elles entretiennent avec leurs parties prenantes. La fonction RH apparaît comme une actrice majeure pour l’implantation et l’opérationnalisation des programmes RS/DD (responsabilité sociétale/développement durable). Elle mobilise trois leviers au service de la transformation des comportements et des pratiques au sein de l’entreprise : la formation, l’évaluation et la rétribution.

Le champ étendu de la RSE

Une entreprise responsable prend en compte les impacts sociaux et environnementaux de son activité pour déterminer les meilleures pratiques à adopter et ainsi contribuer à l’amélioration de la société et à la protection de l’environnement. Les politiques RSE se sont largement développées pour répondre aux exigences accrues des parties prenantes et leur champ s’est étendu. La réglementation et les normes, au niveau national comme international, ont contribué à cette extension du domaine de la RSE. Les entreprises et organisations participent du développement durable avec une performance équilibrée sur les trois piliers économiques, social et environnemental. Cette contribution est décrite par l’ISO 26000, première norme internationale sur la responsabilité sociétale, publiée en 2010. Celle-ci recommande que l’organisation prenne en considération les différences sociétales, environnementales, juridiques, culturelles, politiques et la diversité des organisations ainsi que les différences de conditions économiques, en toute cohérence avec les normes internationales de comportement. La transformation RSE de l’entreprise ne peut se réaliser sans l’engagement durable de tous ses salariés. Le DRH est un acteur majeur dans le cadre de la conception, de l’opérationnalisation et de la mise en oeuvre des politiques de RSE. La fonction RH (FRH) veille à la prise en compte des trois dimensions de la responsabilité sociétale dans le fonctionnement quotidien de l’entreprise comme dans ses pratiques RH en matière de formation, d’évaluation et de rétribution.

La FRH et la responsabilité sociale

Les entreprises affichent des engagements RSE dans trois domaines RH :

  1. la GPEC – gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (qualité des emplois offerts en termes de statut et de qualification ; développement des compétences et de l’employabilité des salariés) ;
  2. les conditions et l’organisation du travail (qualité de la vie au travail et management de la santé, de la sécurité et du bien-être au travail) ;
  3. la rémunération (équitable) et le partage (responsable) des profits. Les entreprises en retard en matière d’employabilité, d’équité, de diversité et de bien-être au travail prennent des risques élevés dans un contexte économique complexe.

La FRH et la responsabilité environnementale

En matière de responsabilité environnementale, un comportement exemplaire de la FRH est une nécessité. Réduire l’empreinte carbone passe par un effort de dématérialisation des documents et des processus RH, notamment en matière d’administration du personnel. La DRH organise des actions de formation aux économies d’énergie et à l’amélioration des impacts environnementaux de l’activité de l’entreprise. Elle encourage les initiatives des salariés et des managers et stimule les « éco-gestes ». Elle prépare un plan de déplacement d’entreprise, qui, grâce au covoiturage, au renouvellement du parc automobile, à l’autopartage, à l’optimisation des flux de transport, aux formations à l’éco-conduite et aux négociations avec les transports collectifs locaux, réduit l’empreinte carbone. Elle veille à l’intégration de critères verts appropriés pour l’évaluation et la rétribution des responsables.

La FRH et la responsabilité sociétale

L’action de la FRH s’exerce à travers la mobilisation des salariés sur des causes sociétales et l’ancrage de l’entreprise dans les territoires.

L’engagement des salariés

Les salariés s’engagent principalement dans cinq domaines :

  1. l’humanitaire (catastrophes naturelles, pays en développement) ;
  2. l’action citoyenne (insertion des jeunes, des personnes handicapées, protection de l’enfance) ;
  3. l’action artistique et culturelle (rénovation du patrimoine) ;
  4. l’action environnementale (éco-gestes) ;
  5. le développement économique (création de microentreprises, notamment dans des pays en développement).

Cet engagement suppose des dispositifs RH appropriés. Il s’agit soit de dispositifs légaux existants, mais peu connus des salariés et peu utilisés dans l’entreprise, que les DRH actualisent à cette occasion, soit de dispositifs nouveaux. Les dispositifs RH les plus mobilisés sont :

  • le mécénat de compétences, qui permet à une entreprise mécène de mettre à disposition d’un organisme d’intérêt général les compétences d’un salarié durant son temps de travail. Le tutorat, le congé solidaire et le projet pro bono se développent aussi ;
  • le congé solidaire international permet au salarié de participer à une mission pour le compte d’une association humanitaire ou d’une organisation internationale ;
  • le congé solidaire permet de participer à des missions de courte durée ;
  • le forfait temps citoyenneté, assimilé à du temps de travail effectif ;
  • le bénévolat, engagement volontaire et bénévole durant les congés dans des projets développés en partenariat avec l’entreprise ;
  • le don : des salariés font le don d’une partie de leur salaire à des ONG de leur choix via leur entreprise.

L’ancrage territorial des entreprises

L’entreprise a des responsabilités à l’égard des territoires dans lesquels elle opère. La GPEC tend de plus en plus à évoluer vers une GPTEC (gestion prévisionnelle territoriale des emplois et compétences). La volonté de l’entreprise de contribuer à la vitalité du territoire dans une logique de RS se traduit par des actions pour la préservation et le développement de l’emploi local dans les territoires d’implantation.

Les leviers RH de la RSE

Pour développer des comportements sociétaux vertueux à chaque niveau de l’organisation, cinq leviers principaux sont mobilisés :

  1. la formation, en réalisant des modules spécifiques et en intégrant la dimension « responsabilité sociétale » dans les programmes existants de formation des managers et des dirigeants ;
  2. la communication, avec des campagnes de sensibilisation aux comportements socialement responsables ;
  3. l’évaluation, avec des grilles d’évaluation prenant en compte les comportements responsables ;
  4. la rémunération, par le choix de critères de détermination des rémunérations variables, qu’elles soient individuelles (bonus) ou collectives (intéressement) ;
  5. la négociation collective, avec la signature d’accords sur la RSE ou au travers d’accords plus larges (accord d’intéressement par exemple). Les négociations peuvent porter sur la sous-traitance, par exemple.

L’impact de la RSE sur la réputation

Les diverses parties prenantes sont de plus en plus attentives aux engagements et initiatives d’une organisation. Leurs membres n’hésitent pas à partager ou à s’engager sur les médias sociaux, Facebook, Twitter, les blogs, les journaux pour la soutenir ou nuire à sa réputation. Les engagements RSE des organisations répondent aux nouvelles attentes des jeunes générations en quête de sens et d’humanité, exigeantes sur l’éthique et l’image de l’entreprise dans laquelle postuler, et attentive aux enjeux sociaux et environnementaux. La réputation RSE d’une entreprise a un impact sur son attractivité, sur sa capacité à attirer aussi bien les clients que les talents. Les carences en matière de RSE peuvent susciter un « bad buzz », or la réputation RSE est un déterminant important de la marque employeur. Pour construire sa marque employeur, une entreprise doit faire connaître et valoriser ses engagements RSE. Les organisations se doivent de maîtriser leur réputation et e-réputation en assurant leur visibilité et leur crédibilité en termes de développement durable et de RSE. Une entreprise qui ne communique pas ou peu sur ses engagements et ses réalisations RSE est moins bien perçue. Une communication pertinente doit être fiable. Le décalage entre le discours RSE et les témoignages publiés sur les réseaux sociaux et dans les médias représente un risque grave en termes d’image.

L’impact de la RSE sur la performance

Les recherches académiques sur le lien entre RSE et compétitivité globale se sont développées. Elles montrent fréquemment que la recherche de l’excellence sociale est un moteur de la performance. Cependant, les résultats varient fortement d’une étude à l’autre. Le sens de la relation de causalité n’est pas très clair. Un comportement socialement responsable permet-il d’améliorer la rentabilité ou bien une rentabilité élevée rend-elle les entreprises plus socialement responsables ? Les recherches font ressortir l’impact externe sur la marque et les consommateurs comme sur la marque employeur et l’attractivité de l’entreprise. Les entreprises les plus actives en matière de RSE deviennent des « entreprises magnétiques », qui attirent et fidélisent des consommateurs de plus en plus attentifs aux conditions de production de ce qu’ils achètent, et qui attirent et fidélisent les talents également sensible à cette dimension RSE.

L’impact interne est également un facteur de performance. Les recherches sur l’impact des politiques RSE sur la performance font ressortir un résultat intéressant sur le plan interne : lorsque les salariés ont le sentiment que leur entreprise est responsable sur le plan sociétal, ils adoptent eux-mêmes dans l’entreprise des comportements responsables. Une entreprise citoyenne obtient des comportements de citoyenneté organisationnelle de la part de ses salariés et ces comportements « extra-rôle » ont un impact fort sur la performance de l’organisation. Améliorer sa réputation RSE en agissant et en faisant connaître, en interne et en externe, les moyens mis en oeuvre dans le cadre de sa politique RSE et les résultats obtenus, contribue à la performance de l’organisation.

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